« L’Arbre aux papillons d’or »: un beau film contemplatif sur le Vietnam rural

Sortie cinéma. Pas d’action, pas de violence, pas d’effets spéciaux, un scénario minimaliste, un rythme lent et des acteurs inconnus pour la plupart non-professionnels: le film vietnamien « L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR » (ce mercredi 20 septembre sur les écrans) pourrait paraître rébarbatif et intello mais il s’en dégage un charme et une originalité loin des sentiers battus et du cinéma formaté d’aujourd’hui.

L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR montre le Vietnam rural d’aujourd’hui, notamment à travers sa minorité chrétienne, presque de façon documentaire

C’est grâce à cette singularité, à la pureté du propos, à la simplicité mais aussi à l’esthétisme de sa réalisation que ce premier long-métrage du réalisateur Pham Thien An, 33 ans, présenté à la Quinzaine des Cinéastes du dernier Festival de Cannes en mai dernier, y a remporté la Caméra d’or récompensant le meilleur premier film.

Le film raconte le voyage d’un jeune homme d’une vingtaine d’années qui va partir sur les terres de son enfance et va s’interroger sur la foi, le sens de la vie, les relations avec les autres.

Accident de moto

« J’aimerais croire en quelque chose, mais je n’arrive pas », dit à ses copains le jeune homme en question, Thien (Le Phong Vu), entre soirées au resto, karaokés et salons de massage à Saïgon. Sa vie va prendre un tour nouveau après la mort de sa belle-sœur dans un accident de moto, dans lequel le fils de celle-ci, Dao, 5 ans, a été blessé sans gravité.

Sa belle-sœur, âgée d’une trentaine d’années, était la femme de son frère, qui l’a quittée sans laisser de trace. Thien se voit confier la tâche de ramener le corps de la défunte dans leur village natal, en compagnie de Dao.

Retrouver la trace de son frère

Tous deux embarquent, avec le cercueil, dans une camionnette conduite par un chauffeur, direction la campagne. Funérailles, messes, prières, recueillement, réunions de famille: Thien reste une semaine auprès des siens. Puis il repart, avec un autre objectif: retrouver la trace de son frère.

Ce voyage sur ses terres natales sera pour lui l’occasion de revoir son amour d’enfance devenue religieuse, de rencontrer un ancien combattant lui racontant sa guerre, de prendre une leçon de morale et de spiritualité de la part d’une vieille villageoise, et plus généralement de s’interroger sur la foi et sur le sens de l’existence, bien loin des tentations et de la superficialité de Saïgon…

Vie personnelle

C’est la vie personnelle du réalisateur qui l’a incité à raconter cette histoire, explique-t-il: « Quand je suis parti à Saïgon pour étudier et ensuite travailler, sans m’en rendre compte je me suis lancé dans une course insensée, fastidieuse et répétitive pour gagner de l’argent et réussir. Pourtant je n’ai rencontré que déception, confusion et insécurité. Pour m’en sortir, j’ai ressenti la nécessité de devenir plus lucide et plus fidèle à moi-même ».

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Film à petit budget, tourné avec une équipe composée d’amis du réalisateur, L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR montre le Vietnam rural d’aujourd’hui, notamment à travers sa minorité chrétienne, presque de façon documentaire, avec « des acteurs non professionnels et, si possible, des résidents locaux, des lieux réels et un éclairage aussi naturel que possible, des plans longs et des mouvements de caméra statiques, afin de créer une narration réaliste », dit le réalisateur.

Film intello

C’est un film qui prend son temps (3 heures), avec de longues scènes tournées en caméra fixe ou en lents travellings avant ou arrière. Il n’y a pas vraiment de scénario, cela pourrait durer des heures comme ça, c’est un film intello et contemplatif aux antipodes des divertissements populaires habituels. Un long pensum prétentieux et vide, diront les uns; un beau film déroutant, exigeant mais simple, poétique, diront les autres.

Il y règne en effet une lenteur envoûtante qui n’est pas sans rappeler le style des films du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Palme d’or à Cannes pour ONCLE BOONMEE en 2010) ou ceux du Taïwanais Hou Hsiao Hsien, mais en moins hermétique et plus réaliste.

Séquences superbes

Il pleut souvent, et certaines séquences sont superbes, comme celle où l’on ne voit à l’écran, dans le noir, que les trois aiguilles fluorescentes d’un réveil alors que Thien explique à son neveu, qui tarde à s’endormir, ce que sont la foi et le paradis. Ou ce plan fixe, au petit matin, dans les champs, sur un coq qui répond à un autre au loin, avant de s’engager dans un combat avec un troisième.

Et puis, rêve ou réalité, en pleine forêt, dans la pénombre et sous la pluie, cet arbre entouré de papillons d’or, qui donne son titre à ce film délicat, ensorcelant mais pas séducteur, fascinant mais pas attractif.

Alter ego

On l’a compris, le réalisateur fait du personnage principal son alter ego à l’écran: « L’histoire de Thien pourrait me refléter: boire avec des amis, se faire masser, tourner et monter des vidéos de mariage, faire de la magie pour divertir des amis, être obsédé par un amour passé sans espoir, errer parfois dans la ville natale montagneuse à la recherche de souvenirs persistants… »

Pourtant ce n’est pas entièrement lui, c’est une fiction, se défend-il (sans qu’on soit obligé de le croire): « Mais je ne pense pas que ce soit un film autobiographique pour autant. Intégrer beaucoup d’éléments personnels était un processus naturel pour moi ».

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « Depuis combien de temps négligez-vous votre âme? » (une vieille villageoise, à Thien).

• A voir : « L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR » (« Bên trong vỏ kén vàng ») (Vietnam, 2h58). Réalisation: Pham Thien An. Avec Le Phong Vu, Nguyen Thi Truc Quynh, Nguyen Thinh (Sortie 20 septembre 2023)

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