le livre des solutions
"Le livre des solutions" : Marc (Pierre Niney), jeune réalisateur, se réfugie dans les Cévennes avec son équipe pour terminer son film avec des bouts de ficelle (©The Jokers Films).

Sortie cinéma. Certains spectateurs et critiques vont trouver cela drôle, voire hilarant. Mais d’autres jugeront que le dernier film de Michel Gondry, « LE LIVRE DES SOLUTIONS » (ce mercredi 13 septembre sur les écrans), est une déception, traversé par un humour lourdingue et une mégalomanie déplacée.

le livre des solutions
« Le live des solutions » : Pierre Niney et Blanche Gardin (The Jokers Films)

Ce 9e long-métrage de fiction du réalisateur de « HUMAN NATURE » (2001), « ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND » (2004) ou « L’ÉCUME DES JOURS » (2013) est une sorte d’autoportrait à la fois masochiste et égocentrique, avec Pierre Niney qui joue son rôle dans cette psychothérapie sur grand écran.

« Juste avant de faire ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND, j’ai rempli un cahier en écrivant tous les problèmes rencontrés sur HUMAN NATURE. Puis j’ai noté toutes les solutions à ces problèmes. Le personnage que joue Pierre Niney, c’est moi à 70%, environ », explique-t-il dans le dernier numéro du mensuel Première.

Petit villages des Cévennes

Pierre Niney interprète donc Marc, un jeune cinéaste en plein montage de son film, presque terminé, qui voit les producteurs lui annoncer l’arrêt du projet. Pour le terminer quand même, Marc s’enfuit avec son équipe dans un petit village des Cévennes, chez sa tante Denise (Françoise Lebrun).

Là, avec sa monteuse (Blanche Gardin), sa régisseuse et un assistant, il va fourmiller d’idées consignées dans son « Livre des Solutions » et tenter, avec des bouts de ficelles, de terminer son film. Mais, mentalement perturbé après avoir décidé d’arrêter son traitement d’anti-dépresseurs, il va mener la vie impossible à son équipe…

Anti-dépresseurs

Ce personnage de Marc, volontairement décrit comme insupportable, caractériel, imbu de son génie mais d’un comportement instable et difficile à gérer, fait écho à la propre existence de Michel Gondry, et notamment la période où il prenait des anti-dépresseurs avant et pendant le tournage de « L’ÉCUME DES JOURS » en 2012.

« Durant le tournage, ça s’est dégradé (…) », raconte-t-il. « Pour l’équipe aussi, c’était très dur: j’avais de nouvelles idées tous les jours. Parfois complètement absurdes, parfois –je crois– assez géniales. On a commencé le montage et j’ai arrêté mon traitement. Là, mon esprit a explosé. Un mélange de mégalomanie et de peur (…). Un psychiatre m’a diagnostiqué bipolaire peu après ».

Humour intello

C’est ce que l’on voit dans le film, au fil des scènes et dialogues qui se veulent drôles mais dont l’humour intello est souvent navrant, appuyé, convenu. Cet éloge du cinéma artisanal, avec film-dans-le-film, invraisemblances assumées, banalités et phrases pompeuses en voix off, second degré et clins d’œil appuyés aux cinéphiles, est très vite lassant et répétitif.

Cependant Michel Gondry n’est pas auto-complaisant et, à travers Pierre Niney, ne se donne pas le beau rôle et se montre parfois touchant et sincère. Et il y a dans le film de jolis moments, comme cette séquence où Marc dirige un orchestre pour une musique sans partition créée avec une gestuelle improvisée, ou cette fugace apparition du chanteur Sting lors d’une rapide visite à Londres.

Une carrière atypique

« Je fais des films différemment mais je ne suis pas un idiot », fait dire Michel Gondry à son alter ego Pierre Niney. On n’en doute pas. Le réalisateur de 60 ans, qui vit à Los Angeles, a en effet une carrière atypique marquée par des films originaux, dont aucun ne ressemble au précédent ni au suivant.

Après des clips (Björk, Radiohead, Daft Punk) et des spots publicitaires (Air France, Nespresso, Eurostar, Guerlain, Levi’s), il s’était lancé dans le cinéma en 2001 avec « HUMAN NATURE », qui avait précédé ce qui passe –et ça l’agace souvent– pour son meilleur film, « ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND » (2004), avec Kate Winslet et Jim Carrey.

Huit ans après

Ces dernières années il a réalisé plusieurs saisons de la série télé « KIDDING » (2018-2020) avec Jim Carrey, et « LE LIVRE DES SOLUTIONS » est son retour au cinéma huit ans après « MICROBE ET GASOIL » (2015), l’odyssée de deux enfants qui construisent avec une tondeuse à gazon leur propre voiture pour partir en vacances.



Ce tournage du « LIVRE DES SOLUTIONS » a été une libération pour Michel Gondry, encore marqué par l’après-tournage de « L’ÉCUME DES JOURS »: « Je pensais que cela serait traumatisant », dit-il. « Mais j’ai senti que toute l’équipe était derrière moi, les acteurs compris. Ils voulaient comprendre et m’aider à comprendre ce qu’il s’était passé dans ma tête il y a huit ans. Ce tournage est ainsi celui que j’ai préféré ».

Critiques dithyrambiques à Cannes

Alors, drôle ou pas drôle, le film? Au dernier Festival de Cannes, où il était présenté dans le cadre de la Quinzaine des cinéastes, certains critiques ont été séduits, voire dithyrambiques: « sans une once de doute (le film) où l’on aura le plus ri », « irrésistible de drôlerie », « réjouissant », « le film le plus drôle de Cannes », « on rit à gorge déployée », « Niney et Gondry au sommet de leur art », « Pierre Niney est hilarant »…

On n’est pas obligé d’être du même avis. Les affres de la création artistique et les états d’âme de Michel Gondry, cinéaste au talent à multiples facettes, peuvent laisser de marbre si l’on n’entre pas dès le début dans l’humour dans lequel baigne le film.

À la fin, après une énième déprime et une histoire d’amour affligeante de banalité, le personnage de Marc parvient finalement à montrer son film. Lors de l’avant-première, entre deux bouffées mégalomaniaques, il glisse au public et aux critiques: « Si vous n’aimez pas le film, ne le dites pas trop méchamment, ou ne le dites pas du tout ». Trop tard.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « Un homme n’est pas un homme tant qu’il n’a pas fabriqué une chaise » (Pierre Niney).


  • A voir : « LE LIVRE DES SOLUTIONS » (France, 1h42). Réalisation: Michel Gondry. Avec Pierre Niney, Blanche Gardin, Françoise Lebrun (Sortie 13 septembre 2023)

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