Roman. Créateur du Théâtre Zingaro en 1984 et de l’Académie du spectacle équestre à Versailles en 2003, Bartabas passe pour la première fois à l’écriture. C’est « D’un cheval l’autre », texte tout en passion et poésie.
Bartabas passe à l’écriture avec « D’un cheval l’autre » , magnifique texte empli de passion et de poésie, étourdissant hymne à la beauté de l’équidé, impeccable chant d’amour et d’amitié avec l’animal
Fils d’un père architecte et d’une mère médecin du travail, il est né à Boulogne-Billancourt et a grandi à Courbevoie, dans l’immédiate banlieue ouest-parisienne. Petit sourire, Clément Marty (son nom pour l’état-civil) lance : « Oui, ça on peut le dire, à Courbevoie, il n’y a pas beaucoup de chevaux ! » Pourtant, aujourd’hui âgé de 62 ans et depuis plus de trente-cinq années, il est Bartabas – un temps, à ce nom, il avait ajouté « le Furieux » : « Je suis Bartabas le Furieux / l’homme qui à cheval / va mesurer le monde »… Oui, Bartabas, mi-homme, mi-cheval comme l’a écrit un jour un plumitif en panne d’inspiration. Créateur du Théâtre Zingaro (tzigane, en italien) en 1984 et de l’Académie du spectacle équestre à la Grande Ecurie du château de Versailles en 2003, il passe à l’écriture avec « D’un cheval l’autre » , magnifique texte empli de passion et de poésie, étourdissant hymne à la beauté de l’équidé, impeccable chant d’amour et d’amitié avec l’animal…
En dédicace du livre, Bartabas évoque des « premiers pas dans l’écriture de l’âme ». Il raconte l’aventure théâtrale qui l’a mené du fort d’Aubervilliers, proche banlieue nord de Paris à plusieurs tours du monde. Il raconte sans jamais vraiment se raconter. Au hasard des pages et dans de rares interviews radio-télé, il admet que, oui, « de Zingaro, je suis l’âme ». Il n’en dit pas plus… Il écrit. Et pour « D’un cheval l’autre », il s’est retiré dans un monastère. Il lui fallait, dit-il, s’éloigner de ses chevaux pour écrire sur eux. Et commencer le livre par une citation extraite de « Genèse », 2, 19 : « L’Eternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l’homme, pour voir comment il les appellerait et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait ».
Celui-ci, donc, fut appelé cheval. Ce cheval qu’a découvert le petit Clément Marty, alors âgé de 5 ou 6 ans. « L’enfant de 5 ans que j’ai été a dû lui aussi vaincre sa peur devant le monstre de six cents kilos qu’on appelait cheval. Une peur née de la fascination qu’exerçait sur moi l’animal et que, pour des raisons que j’ignore, je me suis dit qu’il fallait surmonter. Oser aller à la rencontre des êtres différents comme de ses semblables fut la première leçon qu’il m’enseigna », se souvient-il, lui qui, à 17 ans, s’en va, prend la route, devient artiste de rue. Il est repéré en Avignon pendant le Festival… Puis il ira acheter son premier cheval. Encore les mots de Bartabas : « Si faire un pas vers eux fut pour moi un acte fondateur, les chevaux furent par la suite l’encre avec laquelle j’ai écrit mon histoire, celle des Zingaros. Une encore délébile, qui s’efface avec eux ; les aventures de théâtre ne sont-elles pas les premières à disparaître de la mémoire des hommes ? Restent nos sensations, plus prégnantes ; je les porte encore d’un cheval l’autre »…
Avant tout, il y eut le petit cheval de la grotte Chauvet. L’origine du monde, en quelque sorte. Et cette visite dans la grotte, et soudain, « en bas de la fresque, dans un renfoncement, il y a un petit cheval tracé avec les doigts sur la glaise encore fraîche. Il me regarde de face et semble sorti de l’inconscient de celui qui l’a croqué il y a tout juste trente-cinq mille ans »… Et vont s’ensuivre sur trois cents pages les portraits de tous ces chevaux qui ont accompagné Bartabas dans cette vie d’aventure(s). « Je ne suis pas à la recherche d’amis, mais de compagnons, des compagnons pour tracer la route que je me suis fixée, pour maintenir le cap dans les embruns de la vie », écrit Bartabas.
Alors, le premier sera Hidalgo, c’est le temps de l’école buissonnière- un cheval acheté au centre d’entraînement de Grosbois par ce jeune homme qui se rêvait jockey, » voilà, je viens d’acheter mon premier cheval ! Jamais jusqu’alors je n’avais attaché d’importance à la possession d’un cheval. Pas les moyens. Pour moi, l’animal que je montais ou soignais était le mien, et peu importait son véritable propriétaire… » Ensuite, il y a Zingaro la naissance d’une vie, d’une œuvre, d’un genre nouveau qu’on appellera le » théâtre équestre » et dont Bartabas sera le grand maître, le grand ordonnateur, le poète ultime. Et ce Zingaro qui allait donner son nom au théâtre et à la compagnie fondés par Bartabas, « savions-nous alors qu’il venait de nous offrir son plus beau rôle, celui qu’il allait assumer pour longtemps, le rôle du Frison Taureau, le minotaure équin ? «
Et puis, tous les autres, tous répondant à ce grand principe édicté par le maître de troupe : « Que mon cheval aussi / soit insolent et bouscule / les convenances » Dans la caravane des nuits de Bartabas, de A à Z, d’Akim à Zurbaran, d’Angelo à à Zingaro en passant par Barychnikov, Chamaco, Dominguin, Edwin, Farinelli, Hermès, Lucifer, Mazeppa, Pollock, Swann ou encore Terminator… La journée s’achève, la nuit se pointe, « pour éteindre l’insomnie, je les épelle un à un. Longue caravane, sans tambours ni musique, ils défilent lentement dans ma nuit et m’emmènent vers le sommeil, enfin ».
Texte Serge Bressan
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