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Flavia Coelho revient avec le clip "Cidade Perdida". Photo Victor Vagh

Musique. Après « Le Live de la raison » et ses nombreux concerts donnés sur les réseaux sociaux durant le confinement de chez elle, la chanteuse brésilienne Flavia Coelho revient avec le clip « Cidade Perdida », en ligne aujourd’hui. Un titre très critique où elle évoque la politique menée dans son pays depuis l’élection du président Jair Bolsonaro. Entretien.

Flavia Coelho: « Ce n’est pas parce que je suis solaire, que je vais fermer les yeux sur ce qui est en train de se passer au Brésil. Il faut rester positif mais il faut aussi dire ce qui ne va pas. A travers la chanson « Cidade Perdida », je voulais que les gens comprennent qu’il y a une dureté qui existe dans mon pays et maintenant plus que jamais »

Durant toute la période de confinement la chanteuse brésilienne Flavia Coelho n’a pas cessé de donner des concerts depuis chez elle. Des concerts sur Facebook baptisés « Le Live de la raison » qui lui ont permis de garder le contact avec ses fans, en cette période de Covid-19, où on ne parle que distanciation sociale. Un enfermement consenti qu’elle a mis à profit pour composer de nouvelles chansons telles « La bonne nouvelle » son deuxième titre en Français, écrit justement pour ne pas sombrer dans la noirceur et continuer à apporter du  soleil dans les cœurs. Et bientôt, en attendant que les spectacles reprennent, elle offrira des live sur sa chaîne Youtube, lors de rendez-vous réguliers. Mais pour l’heure, elle sort ce jeudi 14 mai le clip du morceau « Cidade Perdida », extrait de son dernier album « DNA » (1). Des images tournées avant le confinement dans une église désaffectée de Clermont-Ferrand où la solaire Flavia Coelho se fait plus sombre, évoquant le Brésil depuis l’élection de Jair Bolsonaro.

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Flavia Coelho.

Nous sortons de près de deux mois de confinement. Comment avez-vous vécu cette période ?

Flavia Coelho : Je crois que c’est dans les moments les plus durs, où il y a le plus de tristesse que les artistes peuvent être créatifs. Avec Victor Vagh (musicien et producteur avec qui elle a composé tous ses albums), dès le 14 mars, on a pensé à faire ce qu’on a appelé « Le Live de la raison » parce qu’en cette période, il fallait se faire à cette idée. On a voulu partager de la musique pour donner un instant de répit aux gens qui étaient obligés de rester chez eux. Mon travail, ça a été de continuer à faire ce que font tous les artistes : distraire, amener de la gaieté. Je dis cela avec beaucoup de tristesse, quand on voit tous ces morts, les inégalités face au Covid…La musique m’a vraiment  sauvée comme j’espère qu’elle a sauvé d’autres gens… Paradoxalement, je crois qu’il y a eu plus de relations humaines avec un élan de solidarité.

La crise sanitaire a-t-elle eu une influence sur votre travail et  votre vision artistique des choses ?

Flavia Coelho : J’ai l’impression que nous allons de plus en plus vers la technologie. Il y a le streaming, les réseaux sociaux, le Wifi qui nous a permis de faire des live sur Facebook. C’est une autre façon de travailler. Avec l’image et les conditions du direct, même si on chante devant un ordinateur, on voit qui est dans la musique et qui arrive à se débrouiller avec peu de moyens. Une chose est de monter sur scène avec les lumières, de faire le show avec les écrans, une autre est de partir dans la « vraie » musique avec des concerts à la maison, où on ne peut pas se cacher derrière des artifices. C’est là qu’on se rend compte combien c’est important d’avoir été musicien de piano-bar, de bals, de rue par rapport à d’autres artistes qui n’ont pas cette expérience. Cela permet de s’adapter à toutes les situations.

Vous avez mis en ligne le clip, « Cidade Perdida ». Un morceau où vous évoquez la situation du Brésil sous Jair Bolsonaro. Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire ce titre très critique ?

Flavia Coelho : C’est le titre le plus politique que j’aie jamais écrit. C’est une dénonciation générale que j’ai voulue. Cette année, je vais avoir 40 ans et depuis, la situation au Brésil est la même. C’est la violence, la corruption, les meurtres, toutes les escroqueries qui existent dans ce pays. Quand Bolsonaro est arrivé il y a un an et demi, ça m’a beaucoup blessée, mise en colère de voir que rien ne change dans la ville de Rio, où je suis née. J’ai écrit « Cidade Perdida » (Ville perdue) il y a presque deux ans et les choses deviennent de pire en pire. En plus, avec le Covid, il y a toutes ses déclarations où il est indifférent au sort des victimes. Il ne s’est jamais rendu à l’hôpital, n’a jamais eu un mot de solidarité envers le personnel médical. Il y a eu un ministre de la santé qui s’est positionné contre ses prises de parole, c’était le seul à être conscient, à suivre les consignes de l’OMS. Il conseillait aux gens de rester à la maison et il a été viré il y a deux semaines. Maintenant le confinement a commencé, en fonction de chaque état. Bolsonaro, lui, dit à tout le monde qu’il faut sortir, faire repartir l’économie. Il y a une crise sanitaire et une crise politique parce que les gens ne sont pas d’accord avec sa manière de gérer la situation. C’est une catastrophe.

Les ambiances sont beaucoup plus sombres que ce que vous avez l’habitude de faire, où votre style est plus solaire…avec des enchaînements de tableaux qui symbolisent le radeau de la méduse pour les oubliés, la pollution avec des bâches de plastique…

Flavia Coelho : J’ai toujours aimé écrire en m’inspirant du tropicalisme, des groupes Motown des années 1960, qui avaient une façon poétique de jouer avec les mots pour dire les choses tristes. Mais cette fois-ci, j’ai ressenti comme une nécessité d’écrire des paroles plus dures. Et pareil pour les images. Ce n’est pas parce que je suis solaire, que je vais fermer les yeux sur ce qui est en train de se passer. Il faut rester positif mais il faut aussi dire ce qui ne va pas. Je voulais que les gens comprennent qu’il y a une dureté qui existe dans mon pays et maintenant plus que jamais.

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Flavia Coelho.

Aujourd’hui que nous sommes déconfinés, comment voyez-vous l’avenir?

Flavia Coelho : A titre personnel, je vais continuer à faire de la musique, à écrire et à enregistrer de nouvelles chansons. On a une quarantaine de dates pour la tournée de l’album « DNA », qui ont été annulées. On va attendre les directives de l’Etat pour savoir quand on pourra remonter sur scène et dans quelles conditions. Ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas envie de mettre la vie des gens en danger. Je vais suivre de près l’organisation  de tout ça. Il y aura presque une année sabbatique. Ça ne va pas être évident. J’espère qu’on parviendra à éradiquer cette maladie, soit à l’aide d’un vaccin ou d’un médicament. Surtout, j’aimerais que cet élan de solidarité qu’on a connu perdure. J’espère que l’on considérera les métiers tels que le personnel médical, mais aussi tous ceux qui travaillent dans le nettoyage, etc. J’aimerais qu’on soit plus attentif à toutes ces « vies ordinaires », sans lesquelles on n’aurait pu supporter le confinement. Et je pense à tous les concerts annulés, aux techniciens du son et de la lumière, aux intermittent qui bâtissent les scènes. Je m’inquiète pour eux. Je souhaite qu’on puisse s’en sortir au plus vite et reprendre le travail.

Entretien réalisé par Victor Hache

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