Musique/Interview. Alexis HK reprend sa tournée commencée en septembre dernier où il dévoile les chansons de « Bobo Playground », son dernier album. Un spectacle tout en poésie et finesse dans lequel le chanteur jette un regard lucide sur la société et s’interroge avec humour sur la notion de bonheur. Rencontre avec un artiste qui a choisi de positiver et de ne pas « renoncer à l’idée d’être un peu heureux » pour essayer de changer les choses, avec l’espoir qu’on se sentira tous un peu « mieux ».
Alexis HK : « On peut essayer d’aller « mieux » pour avoir l’énergie, de s’occuper des gens qu’on aime »
Après « Ours », son précédent opus, Alexis HK a sorti « Bobo Playground » : un délicieux album où se mêlent hip-hop, chansons aux textes ciselés teintés d’auto-dérision, entre tendresse et regard amusé sur la société. Un répertoire aussi poétique que lucide qui émaille son nouveau spectacle dans lequel le chanteur s’interroge avec humour sur la notion de bonheur dans ce monde passablement tourmenté. Rencontre avec un artiste qui a choisi de positiver et d’ »envoyer des ondes de bonheur » pour essayer de changer les choses avec l’espoir qu’on se sentira tous un peu « mieux », grâce aux mots et à la musique qui dit-il ont des « vertus thérapeutiques ».
Dans votre album « Bobo Playground », vous vous interrogez sur la notion de bonheur. Pensez-vous qu’il soit possible de se sentir bien dans ce monde ?
Alexis HK : Je ne peux pas m’empêcher de penser que sur 8 milliards de personnes dans le monde, j’espère qu’il y a encore des gens qui se sentent bien. Il faut regarder l’humanité dans son ensemble. Il se passe beaucoup de choses très complexes sur terre. Renoncer à l’idée d’être un peu heureux durant notre passage, ce n’est pas une idée viable, quoiqu’il arrive. On ne peut pas partir de ce principe. Si on continue à vivre, c’est qu’on a toujours un espoir d’être heureux.
Malgré le climat ambiant, on sent que vous avez choisi de positiver…
Alexis HK : Oui, parce que j’ai quand même le sentiment que les gens s’entendent beaucoup mieux que ce que l’on dit en réalité. C’est ce que je vois dans la vraie vie, dès que je sors de chez moi. J’ai un contact avec l’humanité qui est sans doute privilégié, mais qui est en tout cas, rarement acrimonieux. C’est-à-dire qu’on arrive toujours à se mettre d’accord. Effectivement, je positive, mais cela ne veut pas dire que je relativise la gravité de tout ce qui peut se passer aujourd’hui. C’est simplement qu’au milieu de tout cela, il faut impérativement envoyer des ondes de bonheur pour essayer de changer les choses. Parce que sinon, ça ne changera jamais. Mais, je ne suis pas un bisounours non plus. « Bobo Playground », c’est surtout un album qui parle des clivages entre les bourgeois et les autres, les femmes et les mères, les jeunes et les plus vieux. Mais, c’est positif et c’est tendre.
Avec toujours l’idée d’être « mieux », comme le rappelle un panneau sur scène dans votre spectacle…
Alexis HK : On peut essayer d’aller « mieux » pour avoir l’énergie, de s’occuper des gens qu’on aime. La vie est dure, on est tous bien « chargé » mentalement, on a beaucoup d’infos, de traumas, de choses agressives tous les jours… J’ai l’impression que les chanteurs comme moi, et on n’est pas si nombreux parce que ce n’est pas un style super à la mode de faire de la chanson à texte avec des histoires dedans, cela fait du bien aussi.
Vous-même, vous considérez-vous comme un bobo ?
Alexis HK : J’ai été forcé de le considérer à un moment donné. C’est quand même une catégorie révolutionnaire le Bobo, puisque c’est le bourgeois et la bohême en même temps, un mélange un peu hybride. Je pense que je fais partie de cette catégorie des petits ou moyens « bobos ». J’ai trouvé ce titre un jour où j’ai commandé un paillasson sur un site de meubles spécialisé, qui m’a coûté super cher, avec des motifs géométriques dessus. Quand j’ai envoyé la photo du paillasson à ma compagne, elle m’a dit : «là, c’est fait, on ne pourra pas dire qu’on n’est pas des bobos ! » (rires) C’est la vie installée, bien comme il faut, ce qui est un peu grotesque et cela a été l’occasion de faire un peu d’auto-dérision en parlant de l’embourgeoisement.
Votre spectacle oscille entre one man show et concert… Pourquoi avoir choisi cette scénographie un peu théâtrale ?
Alexis HK : J’aime l’idée d’entourer les chansons qui sont parfois un peu obtuses, avec un fil qui permet de les lier, en s’amusant un peu. Mais, je suis loin d’être le premier à faire cela. Si vous regardez Yves Montand à l’Olympia en 1981, ce sont des chansons avec des sketches, des voix off, du parler. J’aime cette forme et je trouve que c’est bien pour le public, qui ne vient pas juste écouter un album. Il vient rencontrer un chanteur ou un groupe et donc il faut proposer autre chose. C’est pour cela que je parle beaucoup entre les chansons, ce qui me permet d’être en contact permanent avec le public et de ne pas le perdre au fil des chansons.
On retrouve votre goût pour les mots joueurs et les textes ciselés. Aujourd’hui, tout va très vite. La poésie a-t-elle encore le pouvoir de nous émouvoir et de changer notre vision des choses ?
Alexis HK : Je le pense, même si cela a beaucoup changé. Aujourd’hui, ce sont d’autres poésies et une autre façon de poétiser le monde. Je crois que cela peut encore émouvoir des gens, même si c’est vrai que ce ne sont pas forcément des jeunes, bien qu’ils soient aussi appelés à vieillir. On est tous égaux devant la vieillesse. Donc, je me dis que c’est transmissible (rires). C’est prétentieux de parler de poésie, mais en tout cas, c’est une recherche de composition où le texte est primordial.
Entre Brassens et le hip-hop, vous faites le grand écart. Le rap, dont vous vous amusez un peu au passage…
Alexis HK : J’ai toujours aimé un peu rapper, « toaster » comme on dit. J’aime le hip-hop, mais en fait j’adorais le raggamuffin quand j’étais jeune. Cela me faisait délirer. J’adore le flow et je me suis toujours amusé au détour de certaines chansons à le faire. Mais finalement, ce n’est pas si éloigné de Brassens. Son espère de « pompe » rythmée à la guitare, c’est un début de « pompe » de reggae. Brassens, il a du flow et il a ce truc de jouer avec les mots. Je pense qu’il en a inspiré beaucoup, même chez les rappeurs, comme MC Solar ou Akhenaton. Ce n’est pas si loin et effectivement. C’est les deux piliers de ma culture adolescente : la chanson et les musiques africaines, raggamuffin et hip-hop.
Sur scène, allongé sur un canapé, vous imaginez une séance chez un psy. La musique a-t-elle des vertus thérapeutique ?
Alexis HK : J’en suis persuadé! La musique et les mots peuvent absolument avoir une vertu thérapeutique, ensemble ou séparément. D’ailleurs, on me demande d’intervenir dans des centres pour personnes atteintes d’épilepsie ou ce genre de choses. On écrit et cela fait beaucoup de bien. C’est un moment très calme, posé ou on réfléchi ensemble à ce qu’on va dire, écrire ou chanter. Cela fait partie des bienfaits, comme tous les arts en général. Je pense que les grands artistes sont tous des psychopathes qui, s’ils n’avaient pas eu l’art pour s’apaiser, auraient pu devenir dangereux. La culture, la musique, les livres, les mots, tout ce qui fait partie du domaine artistique est thérapeutique.
Entretien réalisé par Victor Hache
- Album : Alexis HK « Bobo Playground »/ La Familia
- En tournée partout en France du 11 janvier à 24 mai.
Un nouveau spectacle avec Benoît Doremus
A la fin de la tournée « Bobo Playground », Alexis HK prépare un nouveau spectacle avec Benoît Dorémus. Au programme des chansons un peu « inavouables », « qui n’auraient jamais dû être chantées en public. Ce sont ces chansons que vous écrivez entre amis autour d’une table lors d’une soirée bien arrosée » sourit-il. Les deux chanteurs nous emmèneront dans les coulisses de la création et « d’ailleurs le décor sera des loges » confie Alexis HK. On ne connaît pas encore les dates, mais les premières représentations devraient avoir lieu au printemps. A suivre.