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Estelle Perrault, nouvelle étoile du jazz vocal © Ewa Cieszkowska

Interview. Quelques mois avant la sortie de « Lots of Love » (en 2020), son premier album de standards en version digitale, elle avait reçu la mention spéciale du jury aux Trophées du Sunside. On ne s’étonnera qu’à moitié que le pianiste Alain Jean-Marie ait eu envie de prendre Estelle Perrault sous son aile et de se produire avec elle dans une série de concerts piano-voix. Avec son phrasé, sa musicalité, son swing et son timbre sensuel, cette jeune artiste de 31 ans apparaît d’ores et déjà comme la nouvelle étoile du jazz vocal.


Estelle Perrault, nouvelle étoile du jazz vocal


Il y a quelques jours, elle a sorti « Dare That Dream« . Outre deux reprises: « Yesterdays » de Jérome Kern et « You Must Believe in Spring » de Michel Legrand, Estelle a signé tous les textes en anglais et composé quatre mélodies.

Des chansons qui parlent de nostalgie, d’espoir, mais aussi de ses racines puisque sa mère est taïwanaise et son père français. Dès la première écoute, on est subjugué par la radieuse nostalgie dégagée par ce bel opus. Au point de regretter qu’il ne comporte que huit titres  ! Rencontre avant son concert au Studio de l’Ermitage, le 16 octobre prochain.

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Estelle Perrault

Pouvez-vous nous parler de la reconstitution en 3D du mythique ballroom du Savoy de New York pour le clip de « You Must Believe in Spring« 

Estelle Perrault : C’est une idée du label. J’ai trouvé que c’était une belle opportunité de chanter dans le décor reconstitué de ce club aujourd’hui disparu. J’ai joué sur le côté glam de l’époque.

« Oser ce rêve » (« Dare That Dream »), c’est un joli titre pour un album enregistré en plein confinement ?

Estelle Perrault : D’autant plus qu’au début de la conception, je traversais une période difficile. J’ai même songé à tout arrêter. J’ai eu la chance d’être entourée et encouragée par des amis. Ecrire m’a permis d’aller plus loin dans l’introspection. Pour les titres, j’ai procédé par enchainements. Les premiers sont sur la nostalgie car ma famille à Taïwan me manque. Etre partagée entre deux cultures est toujours perturbant. Puis, j’ai voulu cette note d’espoir avec « Flower Bloom » pour parler d’une jeune femme qui a choisi de faire de la musique. Petit à petit, « Dare That Dream » s’est imposé.  Tout comme le message de « Il faut croire au printemps« .

Pourquoi avez-vous choisi ce titre composé par Michel Legrand ?

Estelle Perrault : J’ai découvert ses compositions en écoutant des artistes américains comme Bill Evans. Si j’avais pu, j’aurais enregistré tout un album avec des chansons de Michel Legrand !



Vous avez aussi grandi en écoutant Billie Holiday et Ella Fitzgerald ?

Estelle Perrault : En fait, j’ai découvert le jazz à l’âge de 17 ans. Billie Holiday et Ella Fitzgerald sont devenues des  figures maternelles. En grandissant, on a besoin de trouver son identité. Ces femmes de caractère représentent des exemples que je n’ai pas forcément rencontrés durant mes jeunes années à Taïwan.

D’où la chanson « Dreams Comme True » sur le nécessaire combat des femmes ?

Estelle Perrault : Je pense que c’est important d’avoir des chansons engagées. Je le suis politiquement et en ce qui concerne la cause des femmes. C’est aussi une manière pour moi d’annoncer la couleur de la suite… Il faut juste trouver la bonne manière de dire les choses en évitant les clichés.

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Estelle Perrault : « le jazz raconte une histoire »

Un souvenir de vos études de droit ?

Estelle Perrault : Mon but n’était pas forcément de devenir avocate mais plutôt d’enseigner. J’ai toujours eu envie d’aider la société. Cela m’a touchée lorsque des amis m’ont dit que ma musique leur apportait quelque chose. Moi, le jazz m’a donné de la stabilité. C’est devenu mon fil conducteur, ma famille !

Comment avez-vous rencontré le pianiste Alain Jean-Marie ?

Estelle Perrault : C’était dans un café. Il jouait et j’ai osé aller près de lui pour chanter. J’étais très intimidée. Je me disais que je devais être à la hauteur et cela m’a donné une vraie motivation. Le jazz est une musique basée sur le partage, l’échange. Alain Jean-Marie incarne totalement cet état d’esprit. C’est quelqu’un d’une grande humilité et de profondément gentil. J’essaie de ne jamais oublier tout ce qu’il m’a apporté.

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Estelle Perrault : pochette de l’album « Dare That Dream »

Le choix de l’anglais pour chanter s’est imposé ?

Estelle Perrault : C’est mon côté citoyenne du monde ! Je me retrouve complètement dans cette langue et pour le jazz cela me semble assez évident. Je ne suis toujours pas à l’aise avec le français. Lorsque je suis arrivée ici, je ne parlais pas un mot de votre langue.

Vous attachez beaucoup d’importance au phrasé ?

Estelle Perrault : C’est vrai. Il faut trouver le juste milieu entre la technique du jazz vocal et celle de la respiration. Après, il faut aussi laisser parler l’émotion. Mais pas trop ! C’est un challenge pour moi car je suis très émotive. Il m’est déjà arrivé de pleurer  en chantant. Aujourd’hui, on a parfois l’impression que tout le monde chante de la même manière. Or, plus on est soi-même, plus on se démarque. Si vous écoutez bien Carmen McRae et Sarah Vaughan, vous constaterez que leur phrasé est totalement différent mais elles transmettent quelque chose de tellement vrai. C’est ce que j’aime aussi dans le jazz: on raconte une histoire.

Entretien réalisé par Annie Grandjanin


Album « Dare That Dream » (Art District MUSIC/ distribution SOCADISC), disponible depuis le 17 septembre 2021.


 

 

 

 

 

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