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Yael Naim : "L'album NightSongs" est le plus proche de ce que je suis aujourd’hui. Je ne suis plus la personne de "She was a boy"

Musique. Cinq ans après « Older », la chanteuse franco-israélienne Yael Naim revient avec « NightSongs ». Un album dont le voyage intérieur mène vers des moments d’émotion d’une beauté absolue, qui nous aide à respirer dans ce monde privé d’oxygène.

Yael Naim: « J’ai remarqué que j’aimais écrire et composer la nuit. C’est durant ces moments que j’arrive un peu à me  retrouver, que j’aime travailler la musique, où l’écoute devient plus sensible »

Un voyage intérieur, une expérience intime. Le nouvel album de Yael Naim agit comme un baume en cette période de confinement, d’isolement et d’inquiétude. Un opus qu’il faut prendre le temps d’écouter, pour en goûter toutes les saveurs et les nuances. « NightSongs » a été essentiellement composé la nuit. Une ambiance nocturne, qui a servi d’univers à la chanteuse franco-israélienne, habituée à travailler avec son fidèle complice, David Donatien, depuis ses débuts et le tube mondial « New Soul » (2007), qui pour la première fois a composé ses chansons entièrement seule. Apaisant, poétique, « NightSongs » mêle mélancolie, moments suspendus et émotion. Un opus d’une beauté absolue aux chansons douces et introspectives, qui nous aide à respirer dans ce monde privé d’oxygène.

Vous avez composé vos chansons essentiellement la nuit. Est-ce qu’on écrit mieux dans ces conditions… ?

Yael Naim : C’est surtout une sensation qui a commencé il y a quelques années où j’ai remarqué que j’aimais écrire et composer la nuit. C’est durant ces moments que j’arrive un peu à me  retrouver, que j’aime travailler la musique, où l’écoute devient plus sensible. Je ne sais pas si c’est mieux d’écrire la nuit. C’est différent de la journée où j’aime produire et faire la partie technique, où il faut que je sois au maximum de ma concentration. La nuit, il y a un lâcher prise qui permet de se connecter à ce truc un peu mystique d’inspiration ou des idées qui nous traversent à ce moment-là .

En quoi était-ce important pour vous d’écrire entièrement seule « NightSongs » ?

Yael Naim : En fait mon premier album à la base, devait être un projet seule et j’ai fait cette rencontre avec David, qui m’a appris tellement de choses. A force de mettre les mains ensemble dans ce projet, c’est devenu un projet à deux, même si c’était mes compositions. On continue de travailler ensemble, on est en train d’écrire une musique de film. Mais je ne suis pas la même quand je suis seule. J’avais envie de plonger dans un univers dans lequel je me sens bien et d’aller au bout. Je me suis retrouvée à l’âge de 34 ans à me dire : « je ne peux pas, par confort, ne pas faire ce truc qui m’appelle depuis toujours ». C’est-à-dire d’accomplir quelque chose seule et de voir ce qui sort de cela, mes limites et ce que cela donne.

Comment avez-vous vécu cette expérience ?

Yael Naim : J’ai rencontré beaucoup de difficultés à tous les niveaux. Et surtout comment  plonger dans un monde personnel, tout en communiquant avec des gens qui peuvent me rejoindre ou pas dans cette aventure et comment faire ce mélange entre l’intérieur et l’extérieur. Ça été très dur pour moi au début. C’était spécial de m’exposer avec quelque chose d’aussi important, que je n’arrivais pas à transmettre aux autres. Ensuite le voyage a commencé et j’ai adoré chaque seconde, même les difficultés. C’est un peu comme donner une naissance. On ne peut pas vivre l’accouchement sans avoir la douleur du moment-même et une nuit sans sommeil. En composant cet album, j’ai adoré ressentir les choses. Avant, j’étais protégée, c’était génial. Là, ça m’a obligé de réveiller beaucoup de choses qui étaient endormies, d’apprendre, d’aller jusqu’au bout dans la production ou dans les émotions. Il n’y a pas de filtre, ni de deuxième avis. Il n’y a que soi et l’envie de faire ce qu’on ressent.

D’où vient ce côté lumineux et sombre qu’on sent au long de l’album ?

Yael Naim : J’avais envie d’aller dans les endroits de ma vie, qui étaient inconscients et dans l’ombre. A la faveur de la nuit, il y avait quelque chose que j’avais envie de chercher dans l’obscurité. J’ai essayé de trouver ce point d’équilibre entre la lumière et la nuit. L’album a été complètement lié à la période de vie que j’ai vécue, accompagnée par la naissance de mon deuxième enfant et la mort de mon père. Ça été des moments forts, très durs ou très beaux qui ont imprégné l’écriture de l’album. Aujourd’hui, c’est facile d’en parler mais à un moment ça a tout déstabilisé. J’ai beaucoup lu, pris soin de moi. Mais c’est vrai que des événements comme la mort, la naissance où l’approche de la quarantaine, amènent à se poser des questions existentielles, comme : qu’est-ce que je n’ai pas osé faire ? Qu’est-ce que j’ai fait de ma vie ? Quand oserai-je faire autrement les choses etc… ça été des moments  forts.

La mélancolie qui imprègne vos mélodies, c’est aussi vous dans la vie ?

Yael Naim : J’ai quelque chose de joyeux et léger dans la vie quotidienne. J’ai la sensation qu’il n’y a que dans la musique que je me permets d’évacuer des sentiments que je n’arrive pas à exprimer autrement. C’est plus une sensation qui arrive. Je ressens, j’entends une mélodie, je pose mes mains sur le clavier du piano ou d’un autre instrument et ça vient presque fini, texte et musique…

Diriez-vous que cet opus est celui qui vous ressemble le plus ?

Yael Naim : C’est délicat comme question. Au départ, oui, parce que je suis vraiment allée au bout de ce que je suis. Et en même temps, à chaque album, j’ai senti qu’il était en phase avec ce que j’étais à ce moment-là. Je dirais que « NightSongs » est le plus proche de ce que je suis aujourd’hui. Je ne suis plus la personne de « She was a boy », par exemple.

La douceur qui traverse vos chansons, c’est aussi une réponse à ce monde où on se sent tous un peu perdus?

Yael Naim : Oui, sûrement. C’est clairement une demande de se retrouver, de fermer la porte à toute cette agitation. On est trop sollicités par des calculs, des peurs, les réseaux sociaux, la pression qu’on met sur les enfants à l’école. On est beaucoup sur un truc extérieur, de paraître, de prouver. On ne nous apprend pas la force qu’il y a à être simplement assis, connecté et de sentir que tout va bien. Le fait d’avoir toujours vouloir plus est une illusion. C’est vraiment ce besoin de se dire avec rien, dans le silence et le fait de se détendre quelques instants, on respire et se sent mieux. L’album est né de ce genre d’état. J’ai mis trois ans à le faire parce que j’aime bien que les choses mûrissent dans le temps.

Comment allez-vous traduire toutes ces ambiances en live. Serez-vous seule sur scène ?

Yael Naim : Il y aura deux manières. Je vais faire une partie de concerts à l’étranger et à la fin de la tournée française je vais être seule, avec un piano, une guitare, des loopers. Et comme c’est un travail sur les voix, les textures, j’ai choisi également d’être entourée d’un chœur classique de huit chanteurs.

Entretien réalisé par Victor Hache

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