« Autoroute », direction l’amour : un road trip magistral

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"Autoroute" : le nouveau roman de Sébastien Bailly : un road trip magistral. Photo DR

Le Book Club de We Culte/« Autoroute ». Après l’étonnant Parfois l’homme, Sébastien Bailly nous offre, avec « Autoroute », un road trip à travers la France en mettant en scène un homme qui abandonne famille, collègues et amis pour rejoindre celle qu’il aime à l’autre bout de la France. Une folie qu’il va nous raconter en quelques douze heures de route. Magistral !

Notre note
★★★★ (On a adoré)

« Autoroute » : Écrit à la seconde personne – ce qui permet d’observer son personnage à la manière d’un scientifique – ce roman confirme le talent très particulier de Sébastien Bailly, qui avait déjà fait merveille dans Parfois l’homme

« C’est une folie, tu le sais. Mais ce serait pire encore de rester chez toi, pire encore de douter, pire encore de ne pas savoir. » C’est ce besoin de savoir qui est le plus fort. Qui va pousser notre homme à prendre le volant après avoir réglé son GPS et l’entendre lui dire « vous arriverez dans 11 heures et 37 minutes. »

Derrière lui, il laisse une femme et deux enfants, sans véritable remords. Leur vie de couple s’est étiolée au fil des ans et cette usure lui pèse. Il ne comprend plus sa fille, qui entre dans l’adolescence, il veut laisser sa liberté à son fils toujours prompt à s’opposer. Il abandonne aussi des collègues et un travail qui remplissait bien ses journées, mais qui là encore, avait cessé de l’enthousiasmer.

Et alors que défile un paysage aussi familier que déprimant – « les immeubles cossus font place aux HLM, les HLM aux pavillons, les pavillons aux hangars des zones commerciales » – il a la temps de se souvenir, d’observer son environnement défiler au fil des kilomètres, d’étudier les autres automobilistes qui partagent avec lui le long ruban de l’autoroute.




Car s’il est sans doute l’un des seuls à faire une aussi longue route vers ce nouvel amour qu’il espère partagé, il est accompagné d’une ribambelle d’automobilistes, plutôt plus pressés que lui, plutôt plus imprudents que lui, plutôt plus blasés ou énervés que lui. Lui a le temps de regarder le paysage changer jusque vers sa destination sur la côte, à l’ouest du pays, il regarde les gens, les animaux, les objets et voit son esprit vagabonder au rythme d’un inventaire à la Prévert.

Des autocollants qui ornent l’arrière des véhicules au curieux fascicules achetés sur l’aire d’autoroute, d’un petit avion de tourisme qui atterrit d’urgence au petit oiseau qui n’aura pas cette chance, sans oublier une chaussure bleue perdue sur le bas-côté, tout est prétexte à digression, sans doute pour cacher la crainte qu’il n’atteigne pas son objectif, que son amour fou ne soit pas partagé. De stations-service en aires d’autoroute et leurs fast-food industriels, il avance sans que jamais son esprit ne reste au repos.

Écrit à la seconde personne – ce qui permet d’observer son personnage à la manière d’un scientifique – ce roman confirme le talent très particulier de Sébastien Bailly qui avait déjà fait merveille dans Parfois l’homme (qui paraît simultanément en poche). Ici aussi la prose s’accompagne d’un jeu littéraire et formel constitué de 65 courts chapitres qui couvrent l’étendue des réflexions de l’automobiliste, du petit détail à la pensée profonde. On se régale autant de l’un que de l’autre !

Henri-Charles Dahlem

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À propos de l’auteur

Sébastien Bailly © Photo DR

Sébastien Bailly est né près de Paris et a grandi à Rouen. Ancien journaliste, (Ouest-France, Télérama et Libération), admirateur de Perec, on lui doit d’avoir trouvé l’unique « e » glissé par erreur dans une réédition de 𝘓𝘢 𝘋𝘪𝘴𝘱𝘢𝘳𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯. Il a écrit plusieurs ouvrages dont 𝘓𝘦𝘴 𝘡𝘦𝘶𝘨𝘮𝘦𝘴 𝘢𝘶 𝘱𝘭𝘢𝘵 (Mille et une nuits, 2011) préfacé par Hervé Le Tellier. Son premier roman, 𝘗𝘢𝘳𝘧𝘰𝘪𝘴 𝘭’𝘩𝘰𝘮𝘮𝘦 a été couronné du Prix première RTBF. 𝘈𝘶𝘵𝘰𝘳𝘰𝘶𝘵𝘦 est son deuxième roman. (Source : Éditions Le Tripode)


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Henri-Charles Dahlem