Livres coups de coeur 2022. Avant la rentrée littéraire d’hiver programmée pour le 5 janvier 2023, un ultime coup d’œil dans le rétro pour se rappeler les temps forts de l’année qui tire à sa fin. La belle occasion pour We Culte de présenter sa sélection des meilleurs romans et récits étrangers parus en 2022. Mention spéciale pour Toni Morrison, Orhan Pamuk et Salman Rushdie. Bonnes lectures !
Coups de coeur : découvrez notre top 2022 des meilleurs romans étrangers
LE PODIUM
« Récitatif » de Toni Morrison
Elle fut une écrivaine libre et révoltée. Parée de nombreux prix, dont un Pulitzer (1988) et un Nobel de littérature (1993)- elle fut la première Afro-américaine à être distinguée par l’Académie suédoise. Née en 1931 à Lorain, Ohio, Toni Morrison est morte le 5 août 2019 à New York- elle avait 88 ans. Au fil de sa vie, elle a écrit des romans indispensables et une seule « novella » qui nous est arrivée en fin d’été 2022. Le titre : « Récitatif ».
Un livre écrit en 1983 et court, une petite centaine de pages. Un texte XXS dans lequel Toni Morrison joue avec les pistes incertaines- où est le blanc ? le noir ? « Récitatif », c’est le livre de la couleur cachée. En effet, sortant de ce livre, on est incapable de dire avec assurance qui est qui : la romancière, tout au long des pages, glisse des détails qui peuvent laisser croire que… mais vite, d’autres surgissent pour entretenir l’interrogation. Oui, qui est qui ? Deux gamines de 8 ans, les mêmes devenues femmes qui se rencontrent par hasard. La grande littérature de combat contre le racisme.
«Récitatif» de Toni Morrison. Traduit par Christine Laferrière. Christian Bourgois, 126 p, 14 €.
« Les Nuits de la peste » d’Orhan Pamuk
Prix Nobel de littérature 2006, écrivain turc né à Istanbul, 13 millions de livres vendus dans le monde depuis 1982, Orhan Pamuk nous a offert, avec « Les Nuits de la peste », un roman-fresque. Près de 700 pages. Il ajoute : « En racontant les six mois les plus denses et les plus troublants qu’ait vécus l’île de Mingher, près de la Méditerranée orientale, c’est ma propre histoire que j’ai incorporée à celle de ce pays tant aimé ».
Ce livre, cela faisait quarante ans qu’il y songeait, « ce livre, qui est sur la peste, certes, mais d’abord sur les conséquences politiques d’une pandémie. Comment un État y fait face ? Comment il s’y prend pour imposer des mesures sanitaires drastiques, notamment une quarantaine à toute une population… » Précision de Pamuk : il en a commencé l’écriture de ces « Nuits… » il y a cinq ans sur un sujet « dont tout le monde se fichait »… Et voilà comment le lecteur est embarqué vers cette île où la peste aurait fait son apparition, cette peste qui se répand sur la planète de la Chine à San Francisco. Deux experts y sont envoyés en toute urgence sur ordre de l’anxieux sultan…
« Les Nuits de la peste » d’Orhan Pamuk. Traduit par Julien Lapeyre de Cabanes. Gallimard, 688 pages, 25 €.
« Langages de vérité » de Salman Rushdie
Trois mois plus tôt lors d’une conférence aux Etats-Unis, il a été victime d’une tentative de meurtre qui lui a fait perdre un bras et un œil. Toujours sous le coup d’une fatwa depuis 1989, il serait au secret quelque part outre-Atlantique où il se remet lentement. De ses nouvelles, on en a reçu au début novembre avec « Langages de vérité », un recueil d’essais sur le monde qui va, la religion, la censure, les auteur.e.s qui lui sont proches ou qu’il apprécie… tout simplement, un hymne à la littérature. Romancier à qui on demandait un jour : « Comment aimeriez-vous mourir ? », il avait répondu : « Je préférerais ne pas »… « Langages de vérité », c’est un recueil en quatre parties (augmentées du questionnaire de Proust) avec des essais rédigés entre 2003 et 2020. Il y a des contes fantastiques, on croise Héraclite, puis Philip Roth, Kurt Vonnegut, Samuel Becket, on est invité à penser et à réfléchir à la vérité, au courage, à l’instinct de liberté avant d’évoquer la pandémie « covidienne »… « Langages de vérité », Ce sont les versets littéraires en mode Salman Rushdie.
« Langages de vérités » de Salman Rushdie. Traduit par Gérard Meudal. Actes Sud, 400 p, 25 €.
Et AUSSI
« Elizabeth Finch » de Julian Barnes
La femme, la cinquantaine, est professeure, s’appelle Elizabeth Rachel Jane Finch. Lui, Neil, fut son élève, a 30 ans, est comédien de télé et de doublage et « roi des projets inachevés ». Deux ou trois fois par an, ils se retrouvent dans un restaurant italien de Londres. Livre des amours manqués, de l’amour indicible, « Elizabeth Finch » est un roman aussi impressionniste qu’exigeant, quasi pointilliste qui, plus qu’au corps, s’adresse principalement à l’esprit. Julian Barnes signe là un texte qui peut mener à la liberté et au bonheur.
« Elizabeth Finch » de Julian Barnes. Traduit par Jean-Pierre Aoustin. Mercure de France, 208 pages, 19 €.
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« Pensez avant de parler. Lisez avant de penser » de Fran Lebovitz
Publié outre-Atlantique en 1994, « Pensez avant de parler. Lisez avant de penser » a enfin été traduit en français. Son auteure ? Fran Lebowitz, 71 ans, star du monde intellectuel américain, spécialiste du mot d’esprit, considérée comme « la femme la plus drôle des Etats-Unis » et copine de Warhol et Scorsese. Après cinq romans, elle n’écrit plus : portant une veste de costume sur une chemise, elle est une people qui monte sur scène, répond aux questions des spectateurs et se raconte. Elle a réponse à tout. On l’adore !
« Pensez avant de parler. Lisez avant de penser » de Fran Lebovitz. Traduit par Pierre Demarty. Pauvert, 352 pages, 23 €.
« Utopia Avenue » de David Mitchell
Avec l’auteur britannique David Mitchell qui a passé des périodes de sa vie en Italie et au Japon, on se retrouve à Londres, en 1967. Du banal, en quelque sorte, avec « Utopia Avenue », ce livre bien dense, bien épais (plus de 750 pages !) mais ça déménage, comme ces effervescentes Swinging Sixties, ces années 1960 qui swinguaient outre-Manche… Mitchell s’offre un pas de côté en plongeant dans le monde de la musique avec Utopia Avenue, un groupe folk-rock psychédélique. Un roman avec mille génies, et tout autant de dingues et de paumés. « That’s All Rock » !
« Utopia Avenue » de David Michell. Traduit par Nicolas Richard. Editions de l’Olivier, 752 pages, 25 €.
« Sontag » de Benjamin Moser
Susan Sontag (1933- 2004), ce n’est pas seulement une photo, chevelure brune avec une mèche blanche, mais aussi et surtout une des stars de la vie littéraire et culturelle américaine. Avec « Sontag », une somme de près de 900 pages récompensée par le prestigieux prix Pulitzer, Benjamin Moser a réussi le tour de force d’écrire une biographie monumentale tout en empathie mais sans la moindre complaisance. Un livre indispensable qui montre, définitivement, qu’« on ne naît pas Susan Sontag : on le devient ».
« Sontag » de Benjamin Moser. Traduit par Cécile Roche. Christian Bourgois, 898 p, 39 €.
« Willibald » de Gabriella Zalapi
Le bonheur de lecture est immédiat avec « Willibald », le deuxième et nouveau roman de la grande Gabriella Zalapi. Après « Antonia » (2019), la plasticienne signe là l’un des plus aboutis, l’un des plus beaux textes de cette année Depuis l’adolescence, Mara est hantée par un tableau sur le mur du salon dans son HLM. Willibald qui l’a acheté dans les années 1920 la hante également. Elle trouvera des lettres de Willibald dans un hangar chez sa mère qui dira : « Je sais mais ne sais pas ». D’une écriture étincelante, à la Michelangelo Antonioni…
« Willibald » de Gabriella Zalapi. Editions Zoé, 160 pages, 17 €
SANS OUBLIER
-Edith Bruck : « Le Pain perdu » (Editions du Sous-Sol)
-Jonathan Franzen : « Crossroads » (Editions de l’Olivier)
-Grisélidis Real : « Chair vive. Poésies complètes » (Seghers)
-Elif Shafak : « L’île aux arbres disparus » (Flammarion)
-Grigori Sloujitel : « Les jours de Saveli » (Editions des Syrtes)
Serge Bressan