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Haruki Murakami revient avec "Abandonner un chat" et "Première personne du singulier". (Photo) K. Kurigami

Livres. Traduit en cinquante langues, Haruki Murakami est, à 73 ans, l’écrivain japonais contemporain le plus lu dans le monde. En cet hiver, on le retrouve avec deux livres, l’un à caractère autobiographique, l’autre avec huit nouvelles. Homme de la discrétion, pour une fois, il se livre en mots doux comme le soi…


Haruki Murakami fait coup double et livre ses souvenirs


haruki murakami
Haruki Murakami, l’écrivain japonais contemporain le plus lu dans le monde

L’homme a réputation de cultiver la discrétion. A 73 ans, né à Kyoto, Haruki Murakami est un des écrivains essentiels du 20ème siècle finissant et du 21ème naissant. Traduit en cinquante langues et édité à des millions d’exemplaires, il est un des auteurs japonais contemporains les plus lus au monde. On le connaît, outre ses livres, fou de jazz et de base-ball, animateur radio, DJ ou encore marathonien- des activités qui ont toutes alimenté nombre de ses romans, récits et nouvelles.

Mais l’écrivain japonais se fait discret sur sa vie personnelle et quotidienne, dès l’instant où son interlocuteur tente de s’immiscer dans la chose privée. Murakami écrit beaucoup, parle peu- ainsi, il accorde à la presse de très rares interviews- pour la plupart, il répond aux questions envoyées par mail…

Dans la plus récente (accordée à l’hebdomadaire parisien « L’Obs »), il a confié : « Pour un romancier, ce qui est le plus important, le plus précieux, c’est « d’écrire un bon roman ». Le reste, eh bien, ce n’est jamais qu’une sorte de bonus. Quant à ceux qui ont envie de parler, qu’ils parlent, et ceux qui ont envie de se taire, qu’ils se taisent. Voilà tout ». Murakami le mutique, on peut le retrouver en ce cœur d’hiver avec deux livres : « Abandonner un chat » et « Première personne du singulier ».

 

haruki murakami abandonner un chatSous-titré « Souvenirs de mon père », texte délicatement illustré par Emiliano Ponzi, « Abandonner un chat » constitue très certainement une première dans l’œuvre de l’écrivain japonais. « Je suis le fils ordinaire d’un homme ordinaire. C’est parfaitement évident. Mais au fur et à mesure que j’ai approfondi cette réalité, j’ai été convaincu que nous sommes tous le fruit du hasard, et que ce qui a eu lieu dans ma vie et celle de mon père a été accidentel », écrit Haruki Murakami. Et d’égrener ses souvenirs. Ça transpire des pages de nostalgie, de mélancolie.



Dans ce bref récit autobiographique, l’auteur évoque Chiaki, ce père avec lequel il entretenait des relations ô ! combien difficiles. Ce père dont, longtemps, enfant puis adolescent, il jugeait la personnalité lointaine. Ce père qui emmenait son fils au cinéma voir des films américains, des films de guerre ou des westerns. Ce père taiseux mort d’un cancer à 90 ans, ce moine-enseignant qui avait pris part à la guerre sino-japonaise (1937- 1945) et la Deuxième Guerre mondiale et dont, longtemps, il ignora l’engagement militaire.

Et puis, dans ce texte tout aussi pudique qu’intime, un souvenir. Un jour, le père et le fils sont partis à vélo avec, dans une caisse, la chatte de la maison. A quelques kilomètres, le père abandonne l’animal. A leur retour, surprise : la chatte les attendait devant la porte du domicile… « Abandonner un chat », un texte tout empli d’intimité et de pudeur. D’élégance et de retenue…

haruki murakami première personne du singulier

Avec « Première personne du singulier », l’auteur invite lectrices et lecteurs à un autre genre. Un recueil de huit nouvelles, véritable « biographie de soi-même » (une expression dans la nouvelle titrée « Recueil de poèmes des Yakult Swallows »)… Au fil des pages toutes placées sous le signe du « je », le narrateur prend un immense plaisir à jouer avec la première personne. Vite, on s’interroge : qui est ce narrateur ? Personnage fictif ou, sous le masque des mots et des phrases, Haruki Murakami lui-même ? Seraient-ce des souvenirs personnels ou inventés ?

Dans ces huit nouvelles, on y retrouve des femmes inaccessibles, une jeune fille qui écrit des poèmes et prévient son amoureux qu’elle risque de prononcer le prénom d’un autre pendant l’amour, un autre qui invite le narrateur dans une maison fantôme sur une colline à Kobe, des hommes fragiles et solitaires, on y fait des rencontres de hasard- et soudain, surgissent des rêves avec un vieillard philosophe, un singe voleur de nom… ou encore le grand et éternel Charlie Parker jouant la bossa nova !

Comme personne, l’auteur japonais maîtrise les coups de batte de base-ball et sait, à la perfection, jouer de l’art de la bifurcation. Dans ces huit nouvelles, les bifurcations et les coïncidences dessinent une ligne brisée- ce qui fait dire à Haruki Murakami : « Il n’est pas exclu qu’elle constitue comme une courte biographie d’un être humain, moi-même »… Play it again, Haruki !

Serge Bressan

  • A lire : –« Abandonner un chat » de Haruki Murakami. Traduit par Hélène Morita. Belfond, 88 pages, 17 €.

« Première personne du singulier » de Haruki Murakami. Traduit par Hélène Morita. Belfond, 162 pages, 21 €.

EXTRAIT

« Bien entendu, j’ai de nombreux souvenirs de mon père. Comment pourrait-il en être autrement, étant donné que, depuis ma naissance et jusqu’à ce que je m’envole du nid à dix-huit ans, nous avons vécu côte à côte dans notre modeste demeure ? Et comme il en va de même, je suppose, pour la plupart des pères et de leurs fils, certains de ces souvenirs sont heureux, d’autres beaucoup moins agréables. Mais ceux qui me restent le plus vivants en mémoire n’appartiennent à aucune de ces catégories. Il s’agit plutôt de scènes parfaitement ordinaires de la vie de tous les jours ». (in « Abandonner un chat »).

 

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