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Malville : le nouveau livre de Emmanuel Ruben. Photo Dorian Prost

Livre. Emmanuel Ruben était de passage à Lyon pour y présenter « Malville », son nouveau livre, une exploration de ses propres souvenirs dans la région de Morestel, non loin de Lyon, et au bord du Rhône. Il y a vécu avec sa famille, son père travaillant  à Superphénix, cette centrale nucléaire qui a suscité un profond mouvement d’opposition dans les années 70 et rencontré ensuite de nombreux problèmes techniques jusqu’à son abandon en 1997. Nous avons pu échanger Emmanuel Ruben puis assister ensuite à une rencontre avec ses lecteurs, organisée par « L’oeil cacodylate », une belle librairie lyonnaise.


« Malville » : une savoureuse chronique d’une adolescence auprès du surgénérateur de Creys-Malville


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Malville par Emmanuel Ruben

Quand on aime le vélo et qu’on a fait connaissance avec l’œuvre d’Emmanuel Ruben en lisant son foisonnant récit d’un voyage en bicyclette tout au long du Danube, on a bien sûr envie de l’aborder sur ce sujet. Il aime toujours le vélo et en souffre de ne pas pouvoir en faire en ce moment : une malheureuse chute l’a privé de son grand projet de l’année, la participation à l’étape du Tour de France, une randonnée qui  réunit chaque année des milliers de cyclotouristes sur le parcours d’une étape du Tour professionnel.

Mais l’auteur est à Lyon pour parler de « Malville ». Lyon c’est sa ville de naissance et il y a vécu ses premières années avant de suivre ses parents du côté de Morestel, son père étant affecté au surgénérateur EDF de Creys-Malville, une centrale rendue célèbre par l’opposition qu’elle avait soulevée. En 1977 une grande manifestation avait conduit à des affrontements violents et à la mort d’un des manifestants écologistes.

On traverse le miroir et on saisit la vie de ceux qui y travaillaient avec la conviction de participer à l’expérimentation d’une centrale qui devait contribuer à un grand progrès pour toute la société. Et on découvre surtout comment un adolescent a vécu dans cet environnement  très international car les salariés étaient issus de tous les pays associés à EDF dans ce projet.



Le livre étant annoncé comme s’inspirant de faits réels et étant pour une grande part autobiographique, il était passionnant de tenter de percevoir la part du réel et la part du fictif dans le récit. Il était vraiment saisissant de rencontrer un auteur dont Samuel, un des jeunes adolescents de Malville est le personnage le plus proche.

On découvre par exemple que dès 9 ans cet enfant se passionnait pour les cartes et que l’auteur est devenu plus tard géographe. A dix ans il commençait l’écriture d’un premier roman qu’il situait dans un pays imaginaire dont la référence devait ensuite apparaître dans tous les livres d’Emmanuel Ruben. Il nous confirme donc ce que Samuel représente de lui. Mais on ressent une sorte de déception quand il nous révèle que l’Astrid de Malville, une adolescente libre et flamboyante, est, elle, un personnage totalement fictif.

On franchit encore la barrière entre le fictif et le réel lors de la rencontre avec l’écrivain organisée par une librairie lyonnaise. En effet les parents de l’auteur tiennent une grande place dans son récit. Or ces parents, aujourd’hui lyonnais, étaient au rendez-vous et on y voyait donc un couple sortant du livre et présent dans la réalité.

Le père tenait d’ailleurs à préciser qu’il était militant à la CFDT et non à la CGT comme son fils l’avait présenté dans son livre. Un échange plus personnel avec lui permettait aussi de confirmer la précocité du jeune Emmanuel, géographe en herbe qui guidait ses parents en voyage avec les cartes qu’il aimait tant scruter.

Malville est donc la savoureuse chronique d’une adolescence auprès du surgénérateur de Creys-Malville. Et l’auteur nous régale avec une belle chronique de ses années adolescentes et nous promène de la réalité à la fiction avec beaucoup d’humour et de poésie.

Le livre a aussi une dimension dystopique. Emmanuel Ruben imagine un accident industriel conduisant à un confinement nucléaire de la société à la manière de celui que nous avons connu avec la COVID.

Lors des échanges qu’on a pu avoir avec lui on découvre que Samuel, le jeune adolescent anti-nucléaire est maintenant Emmanuel, un homme qui porte une critique encore plus sévère sur cette industrie nucléaire.

Yves Le Pape

  • A lire « Malville » d’Emmanuel Ruben. Editions Stock, 265 pages -20,90 €

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