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Christophe Boltanski publie «Les Vies de Jacob» © AFP / JOEL SAGET

Livres We Culte. Pour cette semaine de lecture, rendez-vous avec Christophe Boltanski qui, avec son troisième roman, se met en quête d’un personnage dont il a 369 photos. On enchaîne avec la toujours impeccable Nina Bouraoui avec son très réussi dix-huitième roman. On boucle l’inventaire avec la primo-romancière Julie Ruocco, formidablement prometteuse. Trois suggestions pour une belle rentrée littéraire.


Les livres de la semaine : Boltanski, Bouraoui et Ruocco


boltanski bouraoui ruoccoCHRISTOPHE BOLTANSKI : «Les Vies de Jacob»

Suffirait-il qu’un album tombe dans les mains d’un reporter pour que surgisse un grand roman ? Après avoir lu «Les Vies de Jacob» le troisième roman de Christophe Boltanski, on répondra oui. Dans une vie précédente, il fut donc reporter de guerre, puis il passa à l’écriture romanesque avec «La Cache» (prix Fémina 2015) et «Le Guetteur» (2018). Boltanski récidive mais, cette fois, il fait un pas de côté, s’éloignant de sa famille, matériau de ses deux précédents textes.

Et là, il se montre un des meilleurs dans le domaine de la non-fiction. Le narrateur a trouvé dans un marché aux puces un album réunissant d’un même homme, 369 clichés du visage pris dans une cabine Photomaton dans les premières années 1970. Dans cet album, une note : «En cas d’accident, prière de contacter le consulat d’Israël, 3 rue Rabelais, à Paris 8ème». De l’homme, on sait son nom, Jacob B’chiri, Tunisien né dans une famille d’origine yéménite. Le narrateur enquête : qui est cet homme ? un artiste ? un mégalomane ? un agent du Mossad ? Ainsi, au fil de pages réjouissantes, on passe de Marseille à Djerba, en passant par Israël. Pour tenter de percer le mystère des vies (et des morts) de Jacob…

  • «Les Vies de Jacob» de Christophe Boltanski. Stock, 234 pages, 19,50 €.

  • LIRE AUSSI : Rentrée littéraire : Djian, Grumberg, Minard,Tarantino, le quarté gagnant !

boltanski bouraoui ruoccoNINA BOURAOUI : «Satisfaction»

Toujours la même musique… Puissante, sensuelle, émouvante. Une musique composée par Nina Bouraoui qui, avec «Satisfaction», signe son dix-huitième roman. L’héroïne se nomme Michèle Akli, on l’appelle Madame Akli. Bretonne, elle a suivi Brahim son mari en Algérie en 1962, après l’Indépendance. Les années ont passé, ils ont un fils. Elle est femme au foyer, attend en fin de journée le retour de son mari directeur d’une usine de papier. Elle ne l’aime plus, et déteste tous les hommes qui ne la désirent pas. Sa vie sur les hauteurs d’Alger, c’est l’ennui.

Elle consigne ses états d’âme et ses pensées dans ce qu’elle appelle « les carnets de la honte». Elle écrit ses peines, ses regrets, ses rêves, son amour pour leur fils… Madame rêve. De quoi ? elle ne sait pas trop… Et puis, elle rencontre Catherine, la mère de la petite amie (androgyne) de son fils. Elle n’est pas lesbienne, mais le trouble est là. Jusqu’où va aller cette histoire ? Soudain, résonne un des hymnes éternels des Rolling Stones, «(I Can’t Get No) Satisfaction »… «Je ne peux obtenir aucune satisfaction». Un roman enveloppé de jasmin, débordant de violence sourde et de mélancolie.

  • «Satisfaction» de Nina Bouraoui. JC Lattès, 290 pages, 20 €.


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JULIE RUOCCO : «Furies»

Parmi les premiers romans de cette rentrée littéraire d’été 2021, voici l’un des plus remarqués. Et aussi l’un des plus remarquables. «Furies» est signé par Julie Ruocco, 28 ans, qu’on avait déjà lu en 2016 avec son livre de philosophie Et si jouer était un art ? Travaillant au Parlement européen à Bruxelles, elle débarque en majesté dans le monde romanesque. Un premier roman pour un hommage aux femmes qui ont fait les révolutions arabes et à leur quête de justice.

Et voilà lectrices et lecteurs embarqués à la frontière turque dans le sillage de Bérénice, une archéologue française reconvertie en receleuse d’antiquités. Mais rapidement, elle est confrontée à la guerre. Elle recueille la fille d’une réfugiée, fait la connaissance d’Asim- il était pompier syrien, il est fossoyeur et, pour échapper à l’Etat islamique, il s’est réfugié en Turquie, il y confectionne de faux passeports. Pour redonner vie aux morts dont sa sœur Taym enterrés dans son pays, pour ressusciter leurs noms… Bérénice déterre, Asim enterre. Et jamais loin les Furies, référence aux trois déesses persécutrices de la Rome antique. Un texte aussi étourdissant qu’éblouissant.

  • «Furies» de Julie Ruocco. Actes Sud, 290 pages, 20 €.

Serge Bressan

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