Livres We Culte. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions. On commence avec « La carapace du homard », le premier roman de la Danoise Caroline Albertine Minor, une des nouvelles voix de la littérature nordique ; on enchaîne avec « Kafka. Le temps des décisions », le premier tome de la colossale trilogie que l’Allemand Reiner Stach consacre au géant de la littérature que fut Franz Kafka, et on boucle avec « Même le bruit de la nuit a changé », le très réussi « roman autobiographique » de la Française Violette d’Urso qui s’est mise dans les pas de son père mort lorsqu’elle avait 6 ans. Bonne lecture à toutes et tous !
Livres : We Culte vous conseille Caroline Albertine Minor, Reiner Stach et Violette d’Urso
CAROLINE ALBERTINE MINOR : « La carapace du homard »
Diplômée d’anthropologie et de création littéraire, elle a été remarquée lors de la parution de son premier livre- un recueil de nouvelles sélectionné pour le Prix du Conseil Nordique. Née à Copenhague, la Danoise Caroline Albertine Minor nous revient, à 33 ans, avec cette fois un roman- son premier, joliment titré « La carapace du homard ».
Près d’un père distant et d’une mère envahissante, ont grandi Ea, Sidsel et Niels. A présent, les parents ne sont plus et la fratrie a éclaté. Ea, l’aînée, vit à San Francisco avec un homme et sa fille. Sidsel a étudié aux Etats-Unis et est revenu vivre à Copenhague avec sa fille Laura- elle travaille dans un musée.
Quant à Niels, il se plaît à vivre en bohême entre divers boulots et nuits dans des squats avec des potes musiciens. Bref, pour la fratrie, la vie serpente tel un long fleuve tranquille. Sauf que… Divers événements viennent bousculer l’histoire. Ne serait-il pas venu, ce temps où il ferait bon de recoller la fratrie ? mais dans une vidéo envoyée à Niels par Ea, un rabbin disserte sur les carapaces de homard. En grandissant, le crustacé se trouve à l’étroit dans ladite carapace. Il doit s’en débarrasser… Entre vie, désirs et souvenirs, Caroline Albertine Minor nous offre un texte délicieusement lumineux.
- « La carapace du homard » de Caroline Albertine Minor. Traduit par Terje Sinding. Grasset, 322 pages, 24 €.
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REINER STACH : « Kafka. Le temps des décisions »
Enfin ! Pas moins de vingt ans d’attente pour la VF du premier tome d’un trilogie colossale, écrite par l’Allemand Reiner Stach et consacrée à Franz Kafka (1883- 1924). Quinze ans de travail pour « Kafka », cette somme dont le premier volume, « Le temps des décisions », pèse près de 1 000 pages.
Tenu pour l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de l’œuvre kafkaienne, Stach n’a pas opté pour une biographie linéaire- résultat, l’avis d’Imre Kertész, prix Nobel de littérature : « Ce que le genre biographique peut produire de meilleur. Un roman à part entière ». Ainsi, dans ce tome 1, Stach concentre son propos sur la période 1910- 1915- la période la plus documentée sur l’écrivain austro-hongrois né à Prague. Alors, Kafka est un jeune homme, il veut devenir écrivain et travaille à l’Office d’assurances, au service « accidents industriels ».
« Tout mon être est dirigé vers la littérature », assure celui qui revendique, pour maître en littérature et écriture, Gustave Flaubert. Reiner Stach n’invente rien, retient le moindre détail, évoque la « jeune fille de Berlin », fait exploser quelques mythes- il revendique l’écriture d’« un portrait biographique à taille réelle ». Le tome 2 est annoncé pour l’automne prochain, et le 3 au printemps 2024. Indispensable !
- « Kafka. Le temps des décisions » de Reiner Stach. Traduit par Régis Quatresous. Le Cherche Midi, 962 pages, 29,50 €.
VIOLETTE D’URSO : « Même le bruit de la nuit a changé »
Retour d’une classe verte. L’enfant a 6 ans. Sur le quai d’une gare parisienne, sa mère et ses sœurs sont venues la chercher. Une pointe de déception : son père lui avait promis qu’il viendrait l’accueillir, il n’est pas là. A la maison, une de ses sœurs, 12 ans, lui dit : « Papa est mort ».
Il s’est écroulé deux jours plus tôt dans les escaliers de l’immeuble. Dès lors, Anna n’aura qu’une idée fixe : le retour de son père. Aux yeux de l’enfant, c’est le père, ce héros, cet homme toujours mis élégamment qui, un jour, est venue la chercher à l’école en trottinette habillé en Davy Crockett… Entrée en matière de « Même le bruit de la nuit a changé », le premier et beau roman de Violette d’Urso, 23 ans, fille d’une ancienne mannequin mondialement réputée et d’un prince italien.
Entrée en matière pour une quête heureuse, malheureuse, aussi pour tenter de mieux connaître qui était ce père. Vraiment héros ? Oui, persuadée qu’est l’enfant devenue jeune femme. Elle a enquêté sur les traces paternelles, ça l’a menée en Italie, Rome, Florence, elle y a appris les tourments de son père, son addiction aussi… Roman autobiographique (avec quelques inventions, avoue l’auteure), « Même le bruit de la nuit a changé » est paru ce 22 mars, jour anniversaire de la mort du père…
- « Même le bruit de la nuit a changé » de Violette d’Urso. Flammarion, 304 pages, 20 €.
Serge Bressan