sorj chalandon
Le journaliste et écrivain Sorj Chalandon publie "Enfant de salaud" (JF PAGA)

Livre. Il a été un des meilleurs journalistes français de sa génération. Il est passé à l’écriture romanesque, et s’est imposé très vite comme un auteur du meilleur niveau. Sorj Chalandon est de retour avec « Enfant de salaud », un roman aussi cinglant qu’empli de colère et de regrets. Un grand roman…


Livre. « Enfant de salaud » de Sorj Chalandon : les légendes du père


Rien moins qu’un brouillard de mensonges. Et aussi une confidence : « J’ai passé mon enfance à croire passionnément tout ce qu’il me disait, et le reste de ma vie à comprendre que rien de tout cela n’était vrai ». Des mots dits et écrits par Sorj Chalandon qui, une fois encore, ausculte la figure du père avec un nouvel et furieusement efficace roman, « Enfant de salaud ». Un roman aussi cinglant qu’un uppercut de Mike Tyson, qu’un direct de Muhammad Ali, et également le roman de la rentrée littéraire préférés des libraires en littérature française, selon le sondage réalisé par Xerfi/I+C et publié ce 27 septembre 2021 par « Livres Hebdo »…

Sorj Chalandon rappelle les mots de son grand-père évoquant son père : « Je l’ai vu, dans Lyon, habillé en Allemand et tu es un enfant de salaud ». « Enfant de salaud », ainsi appelait le grand-père s’adressant au petit Sorj- la grand-mère s’en offusquait, le grand-père répondait : « Il saura bien un jour, alors que ce soit maintenant ou demain… »

En 2015, Sorj Chalandon racontait dans « Profession du père » une enfance marquée par un père pas seulement mythomane mais aussi tyrannique et violent. Dans « Enfant de salaud », il ne s’inspire pas de son enfance, il fait enquête sur ce père qui « chaque fois qu’il entrait dans ma chambre, il avait un métier nouveau, j’aurais aimé qu’il soit instituteur un jour, ferronnier le lendemain, ou vitrier, mais non il était chef de la CIA, agent secret, professeur de judo, il avait été l’amant d’Edith Piaf, il avait créé les Compagnons de la Chanson… Evidemment, tout cela était faux mais j’avais 12 ans, c’est mon papa et je le crois ».



Il fait enquête sur ce père qui a fricoté avec les Nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale et qui, en 1945, fut condamné à un an de prison et cinq ans de dégradation nationale pour des « actes nuisibles à la défense nationale ». Alors qu’il est envoyé à Lyon par le journal pour lequel il travaille pour couvrir le procès de Klaus Barbie, surnommé « le boucher de Lyon », un homme réussit à entrer au palais de justice, habillé en vétéran, arborant une fausse Légion d’honneur à la boutonnière, « appuyé sur une canne de bazar au milieu des béquilles des torturés et des chaises roulantes des rescapés ». Cet homme, c’est son père- Chalandon remarque qu’il grimace quand les survivants des camps de la mort témoignent, qu’il baille quand les larmes envahissent leurs yeux.

A ce père mythomane qui s’est inventé des vies (il assurait avoir été résistant pendant la guerre…), le fils tentera de demander des explications. « Il était mon héros. Il voulait m’éblouir, il m’a aveuglé », confie Sorj Chalandon. Ce père qui lui assura fièrement avoir fait partie de la division « Charlemagne » de la Waffen-SS et défendu le bunker d’Hitler…

Et il y a aussi cette vieille boîte en fer qui appartenait à sa marraine- à l’intérieur, des cartes postales, des lettres et aussi le casier judiciaire du père… Tenaillé par les regrets et la colère, l’incompréhension et la tristesse, « l’enfant de salaud » adressera un ultime message à ce père : « J’ai besoin de savoir qui tu es pour savoir d’où je viens »

sorj chalandon enfant de salaudSerge Bressan

A lire : «Enfant de salaud» de Sorj Chalandon. Grasset, 336 pages, 20,90 €

EXTRAIT

« Je venais de faire entrer le procès de mon père dans la salle d’audience qui jugeait Klaus Barbie. La petite histoire et la grande rassemblée. Dans le box vide de l’accusé, il y avait de la place pour les aventures de ce jeune Français. Pour ce père en fond de salle, entré là par la ruse. Qui avait été jugé sans admettre son crime. Alors que des milliers d’autres avaient comparu les yeux baissés devant les juges d’une France libre, mon père leur avait tenu tête en racontant des histoires pour enfants. Je me suis dit que déjà, il s’entraînait pour m’endormir un jour. Moi, sa famille, ses amis, tous ceux qu’il croiserait après la guerre. Nous étourdir comme un joueur de flûte ».

 

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