Témoignage. Philippe Hersen, producteur de spectacles a bien connu Bernard Tapie. Il est celui qui a concrétisé le «rêve de théâtre» de l’homme d’affaires, qui aimait faire l’acteur. Il fit ses premiers pas sur scène dans «Vol au-dessus d’un nid de coucou», mis en scène par Thomas Le Douarec, incarnant le rôle joué au cinéma par Jack Nicholson. Un moment exceptionnel dont se souvient notre journaliste Bertrand Riguidel, à l’époque attaché de presse de la pièce, qui fit un triomphe parisien, puis en province, à l’aube des années 2000.
Nous sommes en 1998, Philippe Hersen produit la pièce «Les Portes du Ciel» de Jacques Attali avec, dans le rôle principal, Alain Delon. Bernard Tapie voulait assister à une représentation, et contacte le producteur. Les deux hommes se rencontrent à l’issue du spectacle et bavardent. Philippe Hersen lui glisse alors : «vous feriez un formidable comédien, Bernard ». Touché, ce dernier lui répond « Vous savez que j’en ai très envie ! ».
Une première idée refusée par Tapie, puis une deuxième qui, au bout de quelques semaines, revient vers Philippe Hersen : « Formidable ! On commence quand ? ». Cette proposition n’est autre que l’adaptation au théâtre du film de Milos Forman « Vol au-dessus d’un nid de coucou ». Pour ses premiers pas au théâtre, Bernard Tapie se frottera au rôle tenu à l’écran par Jack Nicholson !
Bertrand Riguidel : En tant qu’attaché de presse du spectacle, j’ai pu assister à quelques répétitions et voir un Bernard Tapie heureux d’être là, totalement investi, très pro…
Philippe Hersen : C’était un comédien né, et comme il était très bosseur, il savait son texte par cœur, dès les premières répétitions. On ne va pas se mentir, il aimait diriger et ses propositions furent de bonnes propositions. Par exemple, son arrivée sur scène, menotté (il faut se rappeler qu’il sortait d’un séjour en prison!) est son idée. Tous les soirs, son entrée en scène déclenchait des standing ovations, avant qu’un seul mot ne soit prononcé !
C’était un capitaine très loyal et il aimait être en troupe. Il a adoré jouer cette pièce qui fut un triomphe parisien en 2000, puis en tournée en province, c’était fou ! Les gens voulaient le voir sur scène, venaient voir un phénomène, un talent à l’état brut.
Et il était assez sensible en tant que comédien, même si il était très pudique…
Philippe Hersen : Oui, mais il utilisait cela pour ses rôles, notamment dans le « Vol » mais aussi pour la pièce d’après « Un beau salaud » de Bernard Chesnot … Il l’a démontré plus tard dans le film de Claude Lelouch «Hommes, femmes, mode d’emploi»… Il était très drôle également, avec une répartie et un humour très fin.
Vous étiez devenus proches, un rapport très privilégié…
Philippe Hersen : Oui, on se respectait, et on se faisait confiance, même si ce n’était pas évident – le spectacle, ce n’est jamais gagné ! – mais le succès public de « Vol au-dessus d’un nid de coucou » nous a confortés dans cette idée que Bernard était un homme de scène, un artiste, un tempérament, et qu’il pouvait s’exprimer sur un plateau. Il y a un an, il m’a dit, « je remonterai sur scène, Philippe ». Il était malade, il souffrait mais il avait une envie féroce de se battre et de continuer. Il voulait rejouer le « Vol », aux Folies Bergère, mais il n’a pas pu, il souffrait trop…
Votre prochain spectacle, en tant que metteur en scène, «Charlie et la Chocolaterie», est une comédie musicale … Bernard Tapie a commencé comme chanteur …
Philippe Hersen : C’est vrai, mais Bernard est avant tout un comédien : il savait parfaitement occuper l’espace et son talent d’écoute et de répartie était un formidable atout.
Entretien réalisé par Bertrand Riguidel
- Philippe Hersen monte actuellement le spectacle musical «Charlie et la chocolaterie» de Roal Dahl, dont la première aura lieu le 22 octobre au Théâtre du Gymnase Marie Bell à Paris.