Top livres 2021 étrangers. Avant la rentrée littéraire d’hiver programmée pour le 6 janvier 2022 avec ses 545 livres annoncés, un ultime coup d’œil dans le rétro pour se rappeler les temps forts de l’année qui tire à sa fin. La belle occasion pour We Culte de présenter sa sélection des meilleurs romans et récits étrangers parus en 2021. Mention spéciale pour Mariana Enriquez, Roberto Saviano et Natasha Trethewey. Bonnes lectures !
Notre Top livres 2021 : les meilleurs romans et récits étrangers
« Burning Boy » de Paul Auster
Pas moins de mille pages. Un pavé colossal, c’est « Burning Boy », le nouveau roman de Paul Auster. Sujet du livre : Stephen Crane (1871- 1900), tenu pour le « bad boy » de la littérature américaine du 20ème siècle, ami de Joseph Conrad et Henry James, auteur de six romans, de recueils de poésie et de nouvelles, journaliste de l’immersion terrassé à 28 ans par la tuberculose. Né à Newark (comme Auster !), il est considéré comme l’inventeur de la modernité littéraire nord-américaine. Paul Auster s’est tenu à distance de la biographie romancée, et offre une biographie de romancier…
« Burning Boy » de Paul Auster. Actes Sud, 1008 pages, 28 €.
« Histoires de couples » de T.C. Boyle
Avec « Histoires de couples », T.C. Boyle offre sept nouvelles pour évoquer l’Amérique délirante. A 73 ans, il demeure le plus rock des écrivains américains. Son écriture est éternellement diablement agile- ainsi, il peut raconter le réchauffement de la planète, les bébés éprouvettes ou encore les «progrès » de l’informatique. A toutes les pages, ça cingle, ne milite jamais. T.C. Boyle n’a pas son pareil pour évoquer les dingues et les paumés. C’est délicieusement futuriste et écologiste, délicatement tragique et mélancolique. Et surtout, ultramoderne…
« Histoires de couples » de T.C. Boyle. Grasset, 224 pages, 20,90 €.
« Notre part de nuit » de Mariana Enriquez
Troisième roman mais premier traduit en français de l’écrivaine argentine Mariana Enríquez, « Notre part de nuit » est un gros pavé bien dense (près de 800 pages!)… Bien plus qu’un phénomène, c’est un livre immense. Une sorte de «road book», comme il existe des «road movies». On file dans les pas d’un père et de son fils. Ils vont traverser l’Argentine par la route. Peut-être sont-ils en fuite… mais où vont-ils? Sait-on seulement si les deux veulent échapper à quelque chose, à quelqu’un?
Le petit garçon se prénomme Gaspar, sa mère a disparu dans des circonstances qu’on dira étranges. Il a un don, le même que son père, et son destin est déjà tracé : plus tard, il sera médium pour le compte d’une mystérieuse société secrète qui entre en contact avec les Ténèbres pour percer les mystères de la vie éternelle. Avec Gaspar et son père, c’est le grand voyage. Sur la route, dans l’histoire aussi. Et même dans les forces occultes des ténèbres du côté de Silvina Ocampo et Stephen King.
« Notre part de nuit » de Mariana Enriquez. Editions du Sous-Sol, 768 pages, 25 €.
« Poussière dans le vent » de Leonardo Padura
Le grand roman de la perte, de l’exil et de la dispersion, c’est « Poussière dans le vent » de Leonardo Padura, essayiste, journaliste, scénariste et romancier cubain. Ça commence avec une photo pour elle qui arrive de New York et lui qui vient de Cuba. Ils ont 20 ans, ils s’aiment, il lui montre donc une photo de groupe. La jeune femme est intriguée, elle se met en quête de savoir qui sont ces jeunes gens. Ils étaient huit amis, très liés depuis la fin des études au lycée. Certains ont disparu, d’autres sont restés au pays. Un texte aussi brillant qu’universel.
« Poussière dans le vent » de Leonardo Padura. Métailié, 640 pages, 24,20 €.
« En mer, pas de taxis » de Roberto Saviano
Il a raconté la camorra (la mafia napolitaine) en 2006 dans « Gomorra ». Cette année, Roberto Saviano est entré en guerre contre l’indifférence avec son nouveau livre, « En mer, pas de taxis ». Il affronte le sujet des migrants- et fait le constat (terrible) que tout le monde ne se sent pas concerné par le problème. Quand on lui pose la question : pourquoi un livre sur les migrants ?, le journaliste italien, 42 ans et toujours sous protection policière, rappelle qu’un leader politique en Italie avait baptisé «taxis de la mer» les navires des ONG humanitaires pour des opérations de sauvetage en Méditerranée, des ONG qu’il accusait de favoriser le phénomène migratoire… Au fil des pages d’ « En mer, pas de taxis », en mots et photos, entre témoignages et récits, Roberto Saviano n’épargne aucun dirigeant, ceux d’Italie, de la droite de Matteo Salvini, ceux de la gauche, ceux de l’Union européenne. Et supplie que la Méditerranée ne devienne pas le plus grand cimetière humain au monde…
« En mer, pas de taxis » de Roberto Saviano. Gallimard, 176 pages, 25 €.
« Connexion » de Kae Tempest
En 2020, à 34 ans, l’artiste aux trois albums au succès mondial faisait son «coming out» en tant que non binaire, révélant son nouveau prénom, Kae. L’une des figures mondiales de la «nouvelle poésie» dévoile « Connexion », un texte écrit l’an passé en confinement, tandis que le monde artistique était privé de scènes. Cette situation a amené Kae Tempest à réfléchir sur la créativité. Les réseaux sociaux sont un tableau sur lequel se mirent les ego, et un marécage où l’individu oublie qui il est. Le livre de l’urgence à la connexion, à nouveau, de la (re)naissance, pour que (re)vive la création.
« Connexion » de Kae Tempest. Editions de L’Olivier, 144 pages, 14,50 €.
« Memorial Drive » de Natasha Trethewey
Ne jamais revenir à Atlanta. En quittant la capitale de l’État de Géorgie, Natasha Trehewey a emporté ce qu’elle avait « cultivé durant toutes ces années : l’évitement muet de mon passé… » Pour des raisons professionnelles, la jeune femme doit s’y rendre. Et elle raconte. C’est « Memorial Drive », le roman de l’Américaine Natasha Trethewey, enseignante, écrivaine et poétesse récompensée par un prix Pulitzer.
Retour à Atlanta, la ville de Martin Luther King et aussi de ses parents, elle évite Memorial Drive, l’autoroute qu’empruntait sa mère Gwendolyn Ann Turnbough. D’un premier mariage interracial est née Natasha. Quand ses parents se séparent, la mère refait sa vie avec Joe, un «vétéran» du Vietnam qui, en 1985, la tue. Natasha a tout juste 19 ans… Dans ce roman étourdissant, se mêlent deux trajectoires : celle d’une femme noire mariée à un homme blanc à une époque où une telle situation était pour le moins mal acceptée, et celle d’une Amérique en proie à ses démons.
« Memorial Drive » de Natasha Trethewey. Editions de L’Olivier, 224 pages, 21,50 €.
« Le Grand Rire des hommes assis au bord du monde » de Philipp Weiss
La folie extrême et ultime en près de 1 200 pages en cinq volumes réunis en un coffret sur lequel on lit : «roman». A 39 ans, l’Autrichien Philipp Weiss a signé rien moins qu’une œuvre gigantesque, « Le Grand Rire des hommes assis au bord du monde »– quatre romans et un manga (!). Fresque hallucinée pour plonger dans la virtualité qui n’est rien d’autre que l’externalisation de nos rêves et de nos cauchemars. Vertige garanti avec cinq récits, cinq histoires- indépendants et enchevêtrés. Tout simplement, un premier « roman » sur l’évolution de l’humanité. Colossal !
« Le Grand Rire des hommes assis au bord du monde » de Philipp Weiss. Seuil, 1088 pages, 39 €.
Et aussi…
-Eve Babitz : « Eve à Hollywood » (Seuil)
-Jonathan Coe : « Billy Wilder et moi » (Gallimard)
-Lionel Shriver : « Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes » (Belfond)
-Zadie Smith : « Grand Union » (Gallimard)
-Peter Wohlleben : « Marcher dans les bois. Le guide amoureux de la forêt » (Les Arènes)
Serge Bressan