Livres. Dans un livre richement illustré, un décryptage impeccable d’un Serge Gainsbourg, grand maître dans l’art de la provocation au XXème siècle…
« Serge Gainsbourg. La flamme du scandale » : l’artiste a mis le feu à la société française, lui le « politiquement incorrect » pour qui la provocation fut une dynamique…
D’entrée, on est prévenu. Ainsi, marchand d’art, expert en manuscrits et propriétaire d’une galerie d’art à Lyon, Julien Paganetti n’y va pas par quatre chemins dans son (beau) livre simplement titré « Serge Gainsbourg. La flamme du scandale » et dédié « aux libres d’esprit » : « Serge Gainsbourg est un oiseau rare. Tout a été dit, écrit, commenté sur cette personnalité hors du commun qui, en son temps, admirée ou honnie, a marqué toutes les mémoires nationales. L’homme fut complexe, génial, paradoxal, tendre et blessé. Une espèce disparue. Il fut de ceux que jamais l’on n’oublie. Le pouvoir de la fascination est étrange ».
Dans cet ouvrage abondamment illustré (avec, entre autres, des photographies inédites de Michel Giniès), l’auteur prend comme appui pour son évocation une date : 11 mats 1984. Ce jour-là, un dimanche en fin de journée, le créateur de « La Javanaise » ou encore du « Poinçonneur des Lilas » est l’invité unique de l’émission « 7/7 » présentée par Anne « pull mohair » Sinclair sur TF1. Il va y jouer de la provocation comme un art…
A l’époque, la télé française ne compte que trois chaînes, et l’audience est impressionnante- environ 10 millions de téléspectateurs. Ce soir-là, Gainsbourg sort un billet de 500 francs. Et, en direct, l’enflamme.
Ce geste, d’apparence audacieux, est originellement un acte de protestation contre la surfiscalité du gouvernement socialiste, avec François Mitterrand à la présidence de la République depuis le 10 mai 1981.
Immédiatement, ce billet enflammé sur un plateau télé devient un immense scandale. C’est la flamme du scandale, une polémique nationale. D’un côté, ceux qui crient au génie ; de l’autre, ceux qui sont outrés par un tel geste…
Avec un bel à-propos, Julien Paganetti ne manque pas de rappeler que la provocation, c’est à partir des années 1980 la marque de fabrique de Gainsbourg qui deviendra Gainsbarre- avatar des excès.
L’hymne national, « La Marseillaise », en version reggae et paroles modifiées. Des amitiés politiques avec des « parachutistes ». Des soirées follement arrosées qui l’envoyaient au poste pour la nuit- au petit matin, les policiers le ramenaient chez lui.
Des propos grossiers à la star américaine Whitney Houston à la télé dans une émission de Michel Drucker. Une chanson et un clip, « Lemon Incest », en 1984 avec Charlotte- sa fille alors tout juste 13 ans… Et c’est ainsi que Serge Gainsbourg a mis le feu à la société française, lui le « politiquement incorrect » pour qui la provocation fut une dynamique…
Serge Bressan
- A lire : « Serge Gainsbourg. La flamme du scandale » de Julien Paganetti. Herscher, 242 pages, 29 €.
EXTRAIT
« Serge Gainsbourg n’a, depuis toujours, qu’une quête : être aimé ! Le seul sens que l’on puisse trouver à cette vie absurde et cruelle. Pour être aimé, il faut être reconnu et pour être reconnu, il con vient d’être différent, unique. Tout est probablement là, comme toujours : l’amour.
Des textes et chansons iconoclastes aux propos tranchants, en passant par toutes sortes de provocations comme celle (…) avec le Pascal en feu, Gainsbourg n’a cessé de braver les âmes, et de défier les hommes pour que ceux-ci le regardent, le reconnaissent, puis l’aiment ».