Les Quais du Polar et les écrivains franchisseurs de frontières

Les quais du polar
Les Quais du Polar : affiche de la 21e édition

Festival/les Quais du Polar. La 21ème édition des Quais du Polar se déroulait à Lyon du 4 au 6 avril 2025 sur le thème « Au-delà des frontières » avec les 125 invités de 17 nationalités qui y étaient invités. Elle  a retrouvé les 100 000 festivaliers de l’édition précédente. Le public était nombreux pour la grande enquête dans les rues de Lyon comme pour les conférences et rencontres du Palais de la Bourse, de l’Hôtel de Ville ou de la chapelle de la Trinité ainsi que les séances de cinéma et les plus de 250 événements organisés dans la métropole lyonnaise. Le succès populaire se traduit également par une nette augmentation du chiffre d’affaires des libraires indépendants partenaires du festival ainsi que dans la cérémonie des dédicaces. En effet les festivaliers se sont installés parfois plus d’une heure ou deux à l’avance dans l’espoir de passer 30 secondes avec leurs écrivains favoris.

En duo à la Cité de la Gastronomie

C’est un des moments les plus sympathiques du Festival. Chaque année deux auteurs sont invités à écrire un polar qui se situe en même temps à Lyon et dans une autre ville européenne. Cette année c’est un dialogue entre Lyon et Milan qui a été proposé à l’italien Valerio Varesi (L’autre loi, Agullo) et la française Michèle Pedinielli (Un seul oeil, Editions de l’Aube). Le résultat de cette écriture à quatre mains c’est Contrebandiers (Editions Points), un livre qui s’inscrit tout à fait dans le thème du festival car il se passe beaucoup de choses à la frontière franco-italienne. De la contrebande bien sûr mais aussi toutes sortes de migrations, depuis l’époque du fascisme jusqu’aux migrants d’aujourd’hui. Cette rencontre s’est conclut par une buffet gastronomique offert cette année par l’Institut culturel italien de Lyon

James Elroy. Photo Yves Le Pape

James Ellroy à la Chapelle de la Trinité

James Ellroy (Les enchanteurs, Rivages) était sans conteste la vedette de cette édition du Festival. Les festivaliers ont commencé à se presser plus d’une heure avant le début de la rencontre et ils sont nombreux à ne pas avoir pu y accéder. Il était convenu avec les organisateurs qu’il n’aborderait pas de sujets politiques à Lyon. Il a donc fait preuve, sans exagération, d’un peu de provocation et une surprenante (pour celles et ceux qui ne le connaissent pas vraiment) affirmation d’une foi chrétienne qui a trouvé à la baroque Chapelle de la Trinité un lieu idéal pour s’exprimer. Il dit « j’apporte de la lumière » et  dans chaque roman « je vise la rédemption ». Il trouve en France un accueil bien plus enthousiaste qu’aux Etats-Unis mais il est probable que la philosophie qui le guide échappe souvent à ses lecteurs français.



Les finlandais

Olivier Norek (Les guerriers de l’hiver, Michel Lafon), ancien capitaine de police, est sans doute le plus important franchisseur de frontière de ces Quais dont il est un habitué car c’est son premier roman hors cadre du polar. Il a connu cet hiver un beau succès et quelques prix avec ce livre qui prend pour cadre une guerre qui a opposé la Finlande et l’URSS en 1939. Il nous embarque dans une formidable chronique guerrière qui a de profonds échos avec les images très actuelles des combattants ukrainiens.

Les quais du polar
Arttu Tuominen. Photo Mika Toivanen

Et c’est l’une des surprises de ce salon d’y trouver Arttu Tuominen (Tous les silences, La Martinière),  un finlandais qui prend en quelque sorte le relais d’Olivier Norek. Il fait revivre en effet des souvenirs de la seconde guerre mondiale où un contingent de se ses compatriotes s’est engagé dans les troupes allemandes pour combattre les soviétiques. Ce passé de massacres commis aux côtés des SS a laissé des traces encore difficiles à assumer aujourd’hui. C’est la force de ce roman de conjuguer avec habileté, des crimes d’aujourd’hui avec ceux de ce passé très souvent enfoui.

Les prix du Polar

De nombreux prix sont attribués à l’occasion du Festival. Parmi ceux-ci on a pu admirer la participation des nouvelles générations comme les élèves de cinq écoles primaires lyonnaises qui ont sélectionné un Prix du Polar Jeunesse (Sandrine Bonini, La folle évasion, Seuil jeunesse) ou La salle du pendu une nouvelle écrite par une classe de seconde d’un lycée de Douai dans le cadre d’un partenariat avec la Police Nationale.

Richard Schittly/DR

Le « régional de l’étape », Richard Schittly, correspondant du journal Le Monde à Lyon a été primé pour son livre « Action Directe Lyon, de l’ultragauche au terrorisme » (La Manufacture de livres) sélectionné par le Tribunal Judiciaire de Lyon et Libération. L’auteur prend un moment sur sa séance de dédicaces pour nous présenter son travail qui raconte l’histoire d’un groupe lyonnais issu d’une scission d’Action Directe, un groupe terroriste d’ultragauche des années 80. « Il braquait des banques dans la région lyonnaise et allait commettre plus d’une trentaine d’attentats à Paris ». L’auteur a choisi de publier ce livre aujourd’hui car il pense que cette histoire a des échos réels dans l’actualité contemporaine.

Vera Buck. Photo Asja Caspari

Le prix Le Point du Polar Européen est sans doute le plus prestigieux qui soit annoncé à Lyon. Il a été attribué à Vera Buck pour Les Enfants loups (Gallmeister). C’est un thriller extraordinaire aux grandes qualités littéraires. Les principaux personnages sont très attachants, les situations sont surprenantes et la construction du roman est particulièrement bien conçue.

L’autrice a malheureusement du écourter son séjour à Lyon mais nous avons convenu d’une prochaine interview à distance pour échanger plus longuement sur son roman qui va sortir en livre de poche en août prochain.

Yves Le Pape

Image de Yves Le Pape

Yves Le Pape