Tosca dans l’ombre grandiose de Pierre Audi à l’Opéra Bastille

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Tosca : une fresque passionnelle à l'Opéra Bastille, jusqu'au 18 avril 2026 @Elisa Haberer

Toutes les musiques de We Culte/Tosca. Reprise d’une production désormais mythique, la Tosca conçue en 2014 par le regretté Pierre Audi revient à l’Opéra Bastille, à Paris, dans une soirée d’une intensité rare. Magnifiée par une distribution de gala – Saioa Hernández, Jonas Kaufmann, Ludovic Tézier – et dirigée d’une main experte par Oksana Lyniv, cette fresque passionnelle, opéra truffé d’airs tubesques, retrouve toute sa puissance dramatique sous les applaudissements d’un public conquis. A découvrir jusqu’au 18 avril 2026.

Tosca : Servie par une distribution étincelante et dirigée par une Oksana Lyniv acclamée, cette production s’impose comme l’un des grands triomphes lyriques de la saison

Créée en 2014 puis reprise en 2016, 2019 et 2021, la mise en scène de Pierre Audi s’impose désormais comme l’une des signatures les plus marquantes de l’Opéra de Paris. Fidèle au livret de Giacosa et Illica, lui-même inspiré de la pièce de Victorien Sardou, Audi déploie un univers visuel d’une densité wagnérienne.

Dès l’ouverture du rideau, le spectateur se retrouve face à un gigantesque crucifix anthracite, symbole écrasant de la domination du baron Scarpia. Il structure l’espace comme une menace permanente, autour de laquelle prennent forme les décors spectaculaires de Christof Hetzer : la chapelle de Sant’Andrea della Valle, le palais Farnese, puis la terrasse désolée du Château Saint-Ange, baignée de lumières crépusculaires inspirées de Pasolini. Cette verticalité sacrée et oppressante, reprise dans une croix suspendue qui semble planer sur les actes II et III, donne à l’ensemble la dimension d’un drame spirituel autant que politique. Une vision sombre, méticuleuse, qui continue de fasciner par sa cohérence et sa grandeur plastique.



Nous sommes à Rome, en juin 1800. La « République romaine », fondée par les troupes françaises deux ans plus tôt, vient d’être renversée. Le pouvoir réactionnaire de Ferdinand Ier et de Maria Caroline impose l’ordre à coups d’arrestations et de tortures.

C’est dans ce climat de terreur que se joue l’un des mélodrames les plus célèbres du répertoire : l’amour incandescent de Floria Tosca, diva aussi jalouse que dévouée, et du peintre Mario Cavaradossi, broyé par la machinerie policière du terrifiant baron Scarpia.

Puccini, maître absolu du théâtre musical, y déploie une partition d’une efficacité redoutable, truffée d’airs devenus de véritables tubes lyriques – Recondita armonia, Vissi d’arte, E lucevan le stelle – portés par une écriture orchestrale somptueuse, sensuelle et incisive, que la cheffe Oksana Lyniv sublime avec une autorité remarquable.

Dans cette nouvelle distribution , la soprano espagnole Saioa Hernández offre une Floria Tosca d’une force impressionnante. Autant souveraine dans les aigus tranchants que bouleversante dans les graves, elle domine la scène avec une présence scénique rare.

Son Vissi d’arte allie fragilité et orgueil blessé, donnant au personnage une humanité poignante. Habitué du rôle, Jonas Kaufmann confirme une fois encore son affinité profonde avec Puccini. Sa voix, identifiable entre toutes dès les premières mesures, navigue avec un naturel souverain entre velours et puissance dramatique. Phrasé aérien, souffle magistral, intensité contenue avant l’explosion finale son E lucevan le stelle est un sommet  de virtuosité.

Ludovic Tézier reprend son rôle fétiche avec une maîtrise totale. Autoritaire et glaçant dès son entrée, monumental dans le Te Deum, il cisèle chaque réplique avec une précision de prédateur. Des murmures perfides aux rugissements terribles sa palette expressive compose un Scarpia à la fois noble, sadique et terriblement humain.

Autour de ce trio d’or la distribution demeure solide : Amin Ahangaran (Angelotti), André Heyboer (le Sacristain), Florent Mbia, Bernard Arrieta… L’ensemble est impeccablement soutenu par l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra national de Paris, ainsi que par la Maîtrise des Hauts-de-Seine, tous salués avec ferveur à chaque reprise d’acte.

Quelques mois après la disparition de Pierre Audi, le 03 mai à Pékin, cette reprise de Tosca prend une dimension particulière. Elle apparaît comme l’un des sommets de son art, un chant du cygne théâtral dont la rigueur, la beauté plastique et l’intelligence dramaturgique marqueront à jamais la mémoire du spectateur.

Servie par une distribution étincelante et dirigée par une Oksana Lyniv acclamée, cette production s’impose comme l’un des grands triomphes lyriques de la saison, un hommage somptueux à Puccini comme à celui qui en fut l’un des plus grands serviteurs scéniques.

Jean-Christophe Mary 

Tosca, Opéra Bastille, jusqu’au 18 avril 2026. Place de la Bastille – 75012 Paris

  • Melodramma en trois actes (1900)
  • D’après Victorien Sardou
  • Musique : Giacomo Puccini
  • Livret : Giuseppe Giacosa
  • Luigi Illica – D’après Victorien Sardou
  • Direction musicale : Oksana Lyniv
  • Mise en scène : Pierre Audi
  • Décors : Christof Hetzer
  • Costumes : Robby Duiveman
  • Lumières : Jean Kalman
  • Dramaturgie : Klaus Bertisch
  • Chef des Choeurs : Alessandro Di Stefano

Distribution du 11 décembre 2025

  • Saioa Hernández Floria Tosca 
  • Jonas Kaufmann Mario Cavaradossi 
  • Ludovic Tézier Il Barone Scarpia
  • Amin Ahangaran Cesare Angelotti
  • André Heyboer Il Sagrestano
  • Florent Mbia Sciarrone
  • Bernard Arrieta Un carceriere
  • Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
  •  Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Image de Jean-Christophe Mary

Jean-Christophe Mary