en attendant bojangles
"En Attendant Bojangles" : Georges (Romain Duris) et Camille (Virginie Efira) s'aiment de manière passionnelle, mais leur amour est menacé par le destin… (©Roger Arpajou/Curiosa Films/StudioCanal).

Sortie cinéma. Il est temps que cela change. Virginie Efira n’a toujours pas eu de César, malgré quatre nominations récentes (meilleure actrice en 2017 pour « Victoria », en 2019 pour « Un Amour Impossible », en 2021 pour « Adieu Les Cons« ; meilleur second rôle en 2019 pour « Le Grand Bain »). Les « professionnels de la profession » –dont certains, bêtement, ne lui pardonnent pas son passé d’animatrice télé au début des années 2000– pourront à nouveau constater, comme les spectateurs, que l’actrice belge est devenue l’une des valeurs sûres du cinéma français en allant voir « En Attendant Bojangles », qui sort ce mercredi 5 janvier sur les écrans.


Cinéma. « En Attendant Bojangles » : une comédie globalement décevante


En attendant Bojangles
« En Attendant Bojangles » de Regis Roinsard

Deux films en 2021

Le film n’est pas éligible aux prochains César (car sorti après le 31 décembre), dont les nominations seront annoncées le 26 janvier, pour une cérémonie prévue le 25 février. Mais les membres de l’Académie des arts et techniques du cinéma auront deux occasions de voter pour Virginie Efira, pour des films de 2021: Benedetta, qui fut sélectionné au Festival de Cannes, et Madeleine Collins, qui vient de sortir le 22 décembre.

Une nouvelle fois l’actrice crève l’écran dans « En Attendant Bojangles ». Elle y partage l’affiche avec Romain Duris (vu récemment dans Eiffel), dans un rôle qui lui impose certes d’en faire parfois des tonnes: le film n’est pas vraiment maîtrisé et part un peu dans tous les sens. Mais elle y est présente de bout en bout, passant de la comédie au mélodrame, très convaincante.

Tango

Elle est fantasque et change sans arrêt de prénom, il est baratineur et s’invente constamment de fausses identités: Camille (Virginie Efira) et Georges (Romain Duris) se rencontrent lors d’une réception mondaine sur la terrasse d’un grand hôtel de la Riviera, dansent le tango devant tout le monde avant de se jeter à l’eau puis de s’enfuir en MG décapotable pour aller se marier seuls (et consommer le mariage) dans une petite chapelle en pleine campagne.

Plaisir et fantaisie

On est à la fin des années 50 et au début des années 60, et Camille et Georges ont bientôt un fils, Gary. Georges tient un garage, le couple est constamment fauché et poursuivi par les huissiers mais croque la vie à pleine dents, possède une grue de Numidie apprivoisée, n’ouvre jamais son courrier, organise des fêtes somptueuses avec amis et voisins, ne vit que pour le plaisir et la fantaisie sans penser au lendemain.



Mais Georges et Gary, âgé maintenant de 9 ans, voient bien que la mélancolie envahit parfois Camille, qui se réfugie dans son monde intérieur en écoutant sa chanson préférée, Mr. Bojangles. Le mari et le fils vont tout faire pour que Camille garde les pieds sur terre et continue de savourer l’existence sans sombrer dans le précipice au bord duquel elle chemine doucement…

Best-seller de 2016

Le film est librement inspiré du best-seller d’Olivier Bourdeaut paru en 2016 (Ed. Finitude), couronné de nombreux prix et déjà adapté au théâtre et en BD. Le roman et le film tirent leur titre de Mr. Bojangles, une chanson écrite et enregistrée en 1968 par Jerry Jeff Walker, artiste américain de musique country, reprise ensuite par plusieurs artistes dont Nina Simone en 1988 (à écouter ici).

C’est le troisième film de Régis Roinsard, ancien réalisateur de clips et de pubs qui, après quatre courts métrages, avait connu un joli succès critique et public avec Populaire en 2012 (avec Déborah François et déjà Romain Duris), puis a réalisé le thriller Les Traducteurs en 2020 (avec Lambert Wilson) situé dans les milieux de l’édition.

Adaptation libre

Il a librement adapté le livre, choisissant notamment de raconter l’histoire du point de vue du père et non de l’enfant, comme dans le roman. Celui-ci ne fait que 160 pages, mais il en a fait un film de plus de deux heures, avec des extravagances de réalisation assumées: « Le style d’Olivier Bourdeaut offre au lecteur une liberté qui lui permet d’imaginer beaucoup de choses », explique-t-il. « Au cinéma, ces espaces laissés à l’imaginaire, ces trous, n’existent pas, il faut, au contraire, les incarner de la manière la plus puissante possible tout en gardant le romanesque, la fantaisie, la vérité. Il fallait que ça souffle, que ça valse. A l’écran, les choses doivent prendre une puissance supérieure. Automatiquement, certaines scènes disparaissent, d’autres se créent ».

en attendant bojangles

Début loufoque et romantique

Le début du film est loufoque et romantique, agréable et très enlevé, léger, outré mais original. Mais peu à peu on se lasse de la luxuriance des décors, de la succession des excès des personnages, des traits d’humour un peu forcés, des dialogues trop travaillés qui sonnent parfois comme une série de mots d’auteur –surtout de la part du gamin (Solan Machado-Graner), mignon mais qui cabotine et parle comme un dictionnaire de citations.

Puis le ton change, le film devient sérieux et triste, l’ambiance vire au mélo et on en vient presque à regretter la première heure et ses excès. Mais même ces excès reprennent, le loufoque et les tentatives d’humour reviennent, et cette fois le cœur n’y est plus, ni chez les personnages ni chez les spectateurs.

Confettis

Bref, un peu de modestie et de simplicité dans la réalisation n’auraient pas nui –et dans la longueur, aussi: 2h05 c’est un peu long pour une comédie, même si elle vire ensuite au mélodrame. Le film contient de jolis moments de poésie et d’émotion mais n’emporte pas complètement l’adhésion: quelques confettis réussis dans une comédie dramatique globalement décevante.



Heureusement il y a Virginie Efira, qui passe de la gaieté absolue au désespoir le plus profond, et que l’on n’avait pas vue depuis longtemps dans un rôle aussi léger et débridé (dans la première moitié du film): « C’est vrai et c’était vraiment bien de jouer, pour un temps du moins, l’espièglerie, le décalage et la jouissance de l’existence. C’est merveilleux de rentrer à l’intérieur d’histoires aussi romanesques », dit-elle.

Romain Duris, dans le personnage de Georges, ajoute une autre citation pour décrire sa femme Camille, son amour fou (au sens propre): « Quand on est auprès d’elle, c’est simple: on peut mourir ».

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« C’est de ma faute. J’aurais dû garder les pieds sur terre pour deux » (Romain Duris).


  • A voir : « En Attendant Bojangles » (France, 2h05). Réalisation: Régis Roinsard. Avec Virginie Efira, Romain Duris, Solan Machado-Graner (Sortie 5 janvier 2022).

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