Cinéma/Hommage. Claudia Cardinale s’est éteinte à l’âge de 87 ans, laissant derrière elle une filmographie foisonnante et un héritage inoubliable. Égérie du cinéma italien et muse des plus grands — Visconti, Fellini, Leone — elle a traversé plus de cent cinquante films avec une présence unique : beauté solaire, voix rauque, intensité magnétique. De la robe tourbillonnante du bal du Guépard à la silhouette fière de Jill dans Il était une fois dans l’Ouest, elle fut l’une des dernières grandes légendes du septième art. Sa disparition endeuille le monde, mais son image reste éternelle, gravée dans la mémoire des cinéphiles.
Claudia Cardinale : Elle fut l’une des dernières divas du cinéma, une actrice qui a bâti une légende universelle
Claudia Cardinale s’est éteinte à 87 ans, mais dans la mémoire des cinéphiles, son regard et sa voix résonneront longtemps encore. Elle fut l’une des dernières divas du cinéma, une actrice qui, sans jamais céder à l’artifice, a bâti une légende universelle.
Une étoile née par hasard
Née Claude Joséphine Rose Cardinale en 1938 à Tunis, dans une famille d’origine sicilienne, rien ne la destinait à régner sur les écrans. À dix-sept ans, un concours de beauté – « La plus belle Italienne de Tunis » – bouleverse son destin. Elle gagne un voyage en Italie. Le cinéma l’accueille, un peu malgré elle. Elle dira plus tard : « Je ne voulais pas devenir actrice. Je voulais être institutrice. » Mais le destin, parfois, est plus têtu que les rêves.
Très vite, les producteurs remarquent ce mélange unique : une beauté méditerranéenne éclatante, une voix rauque inoubliable (qu’on refusa même de doubler malgré son accent français), et une présence magnétique. Derrière l’élégance et le sourire, il y avait une profondeur, une gravité, qui la rendaient différente.
Visconti, Fellini, Leone : la trinité d’un mythe
Sa carrière épouse l’âge d’or du cinéma italien. Trois films suffisent à dire son importance — et chacun appartient au panthéon.
- Visconti, Le Guépard (1963). Claudia est Angelica, la jeune femme dont la beauté ensorcelle et symbolise un monde nouveau, face à l’aristocratie mourante incarnée par Burt Lancaster et Alain Delon. La célèbre scène du bal, ce long travelling où elle danse dans une robe de soie claire, résume à elle seule l’élégance du cinéma italien : Cardinale y incarne la jeunesse qui triomphe, l’avenir qui se lève.
- Fellini, 8½ (1963). Dans ce chef-d’œuvre labyrinthique, elle apparaît comme une figure salvatrice au milieu des tourments de Marcello Mastroianni. « Je suis celle qui vous aide à trouver la vérité », lui dit-elle dans un souffle. Fellini en fait l’ange lumineux de son univers onirique.
- Leone, Il était une fois dans l’Ouest (1968). Jill, la veuve au destin bouleversé, est son rôle le plus mythique. Leone, maître du western, lui offre des plans d’une majesté inoubliable : Claudia Cardinale qui descend du train, son chapeau à la main, son visage baigné de poussière et de soleil. Le réalisateur déclara : « Elle était l’Ouest. À elle seule, elle portait l’épopée. »
Les mille visages d’une icône
Au-delà de ces sommets, Cardinale a exploré tous les genres. Elle fut partenaire d’Alain Delon dans Rocco et ses frères (1960), de Jean-Paul Belmondo dans Cartouche (1962), de Brigitte Bardot dans Les Pétroleuses (1971). Elle traversa les époques et les styles, de la comédie populaire aux drames d’auteur.
Une anecdote célèbre raconte que, sur le tournage de Cartouche, Belmondo improvisa une cascade qui la fit rire en pleine prise. Le réalisateur décida de garder ce moment : l’éclat de son rire, franc et presque enfantin, résumait sa spontanéité à l’écran.
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Elle travailla aussi avec Blake Edwards à Hollywood (The Pink Panther, 1963), mais refusa de s’y installer. « Je n’aimais pas l’idée d’être façonnée par un système. Je voulais rester libre. » Cette liberté fut sa ligne de conduite : une actrice européenne, multilingue, insaisissable.
L’héritage d’une légende
Claudia Cardinale aura tourné dans plus de 150 films, multipliant les métamorphoses. Elle fut tour à tour princesse, rebelle, aventurière, muse. Mais toujours, elle resta fidèle à elle-même : une femme de chair et de vérité.
Son image demeure gravée dans nos mémoires : une robe de bal qui tournoie, un sourire dans la poussière d’un western, une larme dans un mélodrame italien. Elle appartient désormais à ce panthéon rare des actrices éternelles, aux côtés d’Anna Magnani, Sophia Loren, Jeanne Moreau.
Sa mort, survenue en France, clôt une époque. Mais son cinéma, lui, ne s’éteint pas. Chaque projection de Il était une fois dans l’Ouest ou de Le Guépard ramène Claudia Cardinale parmi nous, radieuse et immortelle.
Car les véritables actrices ne meurent pas : elles deviennent des mythes, des fragments de lumière. Claudia Cardinale en est l’incarnation parfaite.
Victor Hache