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"Les Nuits Mashhad" : Venue de Téhéran, la journaliste Rahimi (Zar Amir Ebrahimi) enquête sur un tueur en série qui assassine des prostituées dans la ville sainte de Mashhad ©Metropolitan Films.

Sortie cinéma. Contrairement à Kim Kardashian, c’est une sex tape qui a brisé sa carrière. Quatorze ans après avoir quitté son pays pour éviter d’être jugée à cause de la diffusion sur Internet d’une vidéo montrant ses relations sexuelles avec son petit ami de l’époque, l’actrice iranienne Zahra Amir Ebrahimi, 41 ans, tient sa revanche sur les mollahs: elle a obtenu le Prix d’interprétation féminine du dernier Festival de Cannes, pour son rôle dans LES NUITS DE MASHHAD, qui sort ce mercredi 13 juillet sur les écrans.


« Les Nuits de Mashhad » : Enquête sur un tueur en série iranien


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« Les Nuits de Mashhad », un film à l’atmosphère de thriller inspiré de faits rééls, de Ali Abbasi ©Metropolitan Films

Tueur en série

Dans le film, qui était en compétition sur la Croisette, elle interprète Rahimi, une journaliste de Téhéran qui vient enquêter sur un tueur en série qui sévit dans la ville sainte de Masshad, dans le nord-est de l’Iran. L’homme prétend vouloir « purifier » la ville: il assassine des prostituées qu’il ramène chez lui sur sa moto. « Je vais nettoyer la ville de ces traînées », dit-il à la presse au téléphone.

Rahimi interroge la police, qui n’a aucun indice, et le procureur, un imam qui ne l’aide pas. Visiblement les autorités locales ne sont pas pressées de voir l’affaire résolue.

Alors, une nuit, Rahimi emploie les grands moyens pour tenter de coincer l’assassin: elle se poste à un carrefour et se fait passer pour une prostituée…

Faits réels

L’histoire se base sur des faits réels, qui ont eu lieu à Mashhad en 2000 et 2001: Saeed Hanaei, 38 ans, un maçon marié à une femme beaucoup plus jeune que lui, père de 3 enfants, très religieux, qui allait régulièrement prier au mausolée, a tué 16 femmes.



Le réalisateur Ali Abbasi, 41 ans, vivait à l’époque en Iran avant d’émigrer, lui aussi, en Europe en 2002: en Suède puis au Danemark, dont il a la nationalité. LES NUITS DE MASSHAD est son troisième film, après deux histoires à la limite du fantastique: SHELLEY en 2016 et l’étonnant BORDER en 2019.

Tourné en Jordanie

Il n’a jamais tourné en Iran puisque LES NUITS DE MASHHAD a été tourné à Amman, en Jordanie, où ont été trouvées les ruelles sombres, les quartiers déserts la nuit et les bidonvilles censés être ceux de Mashhad. Les autorités iraniennes ont dénoncé le film et sa sélection par le Festival de Cannes.

Le gros changement par rapport aux faits réels est le rôle de la journaliste Rahimi, que le réalisateur a ajouté et confié au dernier moment à Zar Amir Ebrahimi, très connue en Iran (avant sa vidéo intime) pour ses séries télévisées et qui, de son propre aveu, ne reverra jamais son pays tant que les religieux y seront au pouvoir.

Suspense

L’histoire est racontée avec suspense, notamment dans sa seconde moitié, avec de nombreuses séquences de nuit et des scènes de violence et de sexe. Le spectateur sait dès les premières minutes qui est le tueur, interprété par Mehdi Bajestani, comédien de théâtre et de cinéma lui aussi très connu en Iran et qui a donc pris des risques en tournant ce film non autorisé par le pouvoir. Autant que sa partenaire, il méritait lui aussi le Prix d’interprétation à Cannes.



Outre l’atmosphère de thriller du film, LES NUITS DE MASHHAD dresse un portrait de la société iranienne dans laquelle la place de la femme n’est pas glorieuse. « Je n’avais pas l’intention de réaliser un film de serial killer. En revanche, je voulais faire un film sur une société devenue tueuse en série », explique le réalisateur. « Le film aborde la misogynie profondément ancrée dans la société iranienne, qui n’est pas particulièrement religieuse ou politique, mais culturelle. La misogynie se propage dans toutes les classes sociales à travers les habitudes des gens. En Iran, nous avons une tradition de haine envers les femmes, ce qui aboutit souvent à des drames terribles ».

Mépris des femmes

Ce mépris des femmes –qui s’illustre notamment par une scène dans laquelle la journaliste est lourdement draguée par le chef de la police dans sa chambre d’hôtel– a eu pour conséquence à l’époque, dans les faits réels, qu’une partie de la population a pris fait et cause pour le tueur en série dans sa croisade contre les prostituées jugées « impures ».

« LES NUITS DE MASHHAD n’est pas conçu comme une action politique contre le gouvernement iranien », dit le réalisateur. Mais un assassin de femmes devenu héros national pour certains: le film montre ce degré ultime de misogynie, avec notamment, dans la glaçante dernière séquence, une vidéo du jeune fils du tueur.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « Tout homme finit par rencontrer ce qu’il cherche à fuir » (phrase avant le générique de début).


  • « LES NUITS DE MASHHAD » (« Holy Spider ») (Iran/Danemark, 1h57). Réalisation: Ali Abbasi. Avec Mehdi Bajestani, Zar Amir Ebrahimi, Arash Ashtiani (Sortie 13 juillet 2022)

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