Danse. On a l’habitude de considérer le Festival d’Avignon, in et off confondus, comme un festival dédié au théâtre. En réalité c’est aussi un rendez-vous très important pour le cirque, la chanson et la danse. La Cour d’Honneur est maintenant régulièrement ouverte aux chorégraphes et la danse est présente également dans la programmation du Off. Olivier Py a donc invité Jan Martens à présenté son « Futur Proche » dans la Cour d’Honneur du 19 au 24 juillet et un spectacle de l’immense danseuse et chorégraphe Marie-Claude Pietragalla était programmé dans le Off.
Au Festival d’Avignon on y danse, évidemment…
« Futur proche » de Jan Martens © Christophe Raynaud de Lage« Futur Proche » dans la Cour d’Honneur
Jan Martens et l’Opera Ballet Vlaanderen présentaient donc leur « Futur proche » dans la Cour d’Honneur. Quelques enfants participaient également à la représentation et la musique était celle d’un clavecin, une musique très contemporaine que Bach aurait certainement pu composer s’il était né au XXème siècle
Martens définit lui-même cette création comme un «exercice démocratique » mettant en scène « l’urgence climatique » et la situation de crise que traverse aujourd’hui l’humanité.
Cette chorégraphie « démocratique » se traduit certainement par la place qui est donnée au travail personnel de chaque danseur. De nombreux moments laissent place en effet à l’expression individuelle des membres du ballet. Dans les mouvements d’ensemble Martens fait appel à toutes sortes de références venant de différents courants de la danse contemporaine mais aussi du foklore.
Les individualités sont aussi mises en valeur dans un moment très spectaculaire où la danse est filmée et projetée sur l’immense mur du Palais des Papes. Les mouvements sont alors très désarticulés, sans doute pour exprimer les effets dramatiques de la crise climatique qui se manifeste avec violence sous nos yeux cet été.
Prise au premier degré le bain collectif de la scène finale aurait pu faire référence à la situation caniculaire que traverse l’Europe en ce moment. Elle a sans doute un autre sens pour le chorégraphe qui conclut donc son ballet par un final énigmatique assez déroutant.
La danse-théâtre de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault
Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault ont adapté, chorégraphié et mis en scène « Dans la solitude des champs de coton », une pièce de Bernard-Marie Koltès déjà mise en scène de nombreuses fois sur les scènes de théâtre. C’est en effet un texte majeur du théâte contemporain qui oppose deux hommes, un dealer et son client et que Koltès présente de la façon suivante : « Cela traite d’une bagarre de texte, d’une bagarre verbale que l’on pourrait comparer à une bagarre de rue »
Le duo est ici représenté par deux danseurs : Julien Derouault lui-même et Dexter-Pierre Belleka. Dans un premier temps c’est en voix off qu’on entend le texte de Koltès. Il y a dit-on parfois une musicalité dans un texte. C’est cette musicalité qui accompagne les danseurs et c’est vraiment surprenant de voir comment ils réussissent à parfaitement danser un texte. Dans un second temps les danseurs vont dire eux-même en diret leur texte et devienent alors des acteurs qui dansent.
Le projet fou du Théâtre du corps de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault prend là toute sa dimension. L’acteur danse, le danseur joue et le duo donne ainsi au texte de Koltès une force incroyable. C’est un spectacle follement ambitieux que réalisent parfaitement deux danseurs-acteurs au formidable talent, un travail magistralement mis en lumiéres par Alexis David.
Yves Le Pape
- « Futur Proche » au Théâtre de la Ville à Paris du 26 au 28 avril 2023
- « Dans la solitude des champs de coton » de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, à 22h jusqu’au 30 juillet au Théâtre du Balcon, 38 rue Guillaume Py, 84000 Avignon, 04 90 85 00 80.