Spectacle. Seule en scène, dans « Je ne suis pas narcissique » l’actrice donne et dévoile tout. Et derrière elle, ce sont toutes les actrices que l’on entend. Chloé Mons est magnétique dans ce rôle sur mesure, comme une robe de haute couture.
Les actrices prisent dans les filet d’une parole vide ou futile sur le métier, leurs amours, leurs emmerdes, leurs blessures de chair, leurs poules et leurs analystes. Est-ce qu’elles n’ont plus rien à dire ou qu’elles peinent à mettre des mots sur le jeu, leur art, qui devrait se dire sans en avoir à en rajouter? Chloé Mons leur donne corps, elle leur donne voix et l’on entend alors la vacuité, le silence, le chaos de l’échange trop balisé. « Je ne suis pas narcissique » est une variation drôle, fine intelligente, enlevée et superbement interprétée. Il s’agit d’un montage d’interviews d’actrices un monologue éclaté. C’est le cinéma, le théâtre, ses décors, ses artifices, son glamour, ses paillettes, ses impasses et ses fulgurances aux questions auxquelles elles font écho que l’on entend tout à coup avec force et finesse mêlée. La mise en scène est très réussie, épurée mais chargée de références. Le décor est sobre : un portant, quelques vêtements, des talons hauts, des magazines. Chloé Mons s’empare avec brio du moindre accessoire pour donner une autre tonalité, faire entendre tous les personnages de cette galerie. Une voix off vient aussi donner du rythme. On les écoute ces pauvres actrices empêtrées dans des réponses clichées, alors pour échapper à leur sort, elles dansent, hurlent, soliloquent, scandent. Le texte est porté par une bande son qui participe d’une ambiance qui oscille entre l’intime de la confidence et l’impétuosité du discours public. Ce n’est jamais moqueur mais le spectateur se prend à rire aux raccourcis caustiques, aux paroles définitives et aux mimiques drôles à souhait. Chloé Mons incarne toutes les actrices avec la même générosité, grâce, tension, elle les dévoile et au final en madone, vêtue d’un voile blanc, pâle comme une apparition, débarrassée des oripeaux de la célébrité, elle nous touche encore et porte à réfléchir sur le sens plus profond du texte. Si l’apparence est légère, le propos se fait aussi aiguisé sur ce monde consumériste, d’apparences où la parole se mue trop souvent en slogans et où le verbe avoir ne se conjugue plus avec le verbe être. Véronique Sousset
|