esclavage memoires normandes
"Esclavage mémoires normandes" : une exposition présentée simultanément au Havre, à Honfleur et à Rouen

Exposition/Esclavage mémoires normandes. Des villes comme Nantes ou Bordeaux avaient déjà abordé ce douloureux sujet. Avec l’exposition régionale « Esclavage, mémoires normandes », déclinée en trois volets, le Havre, Honfleur et Rouen lèvent à leur tour le voile sur leur passé commun et leur implication dans le commerce esclavagiste. À découvrir jusqu’au 10 novembre 2023.


« Esclavage mémoires normandes » : l’exposition est présentée simultanément au Havre, à Honfleur et à Rouen


Dans le sillage du 10 mai, décrétée Journée Nationale des Mémoires de la Traite, de l’Esclavage et de leur Abolition, l’exposition « Esclavage, mémoires normandes » présentée simultanément au Havre, à Honfleur et à Rouen, lève le voile, pour la première fois, sur le passé commun et l’implication de ces trois villes dans la traite atlantique et l’esclavage entre 1750 et 1848.

Une reconnaissance historique qui se décline en trois volets. Au Havre sous le titre « Fortunes et Servitudes », elle met en lumière le rôle des individus et la manière dont ils se sont retrouvés impliqués dans le commerce esclavagiste. A Honfleur avec « D’une terre à l’autre », la question de la traite est abordée sous l’angle maritime tandis que Rouen a choisi d’évoquer « L’envers d’une prospérité ».

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« Esclavage mémoires normandes » : l’Hôtel Dubocage de Bléville au Havre

 « Fortune et Servitudes », l’Hôtel Dubocage de Bléville (Musées d’Art et d’Histoire du Havre)

« Le Havre aborde le sujet à travers le prisme des individus. Du continent africain aux quais du port normand, du XVIe siècle au XIXe siècle, le parcours se construit autour de l’ensemble des figures impliquées ou entraînées dans ce système économique fondé sur l’exploitation de l’être humain… » explique dans la présentation Emmanuelle Riand (directrice des Musées d’Art et d’Histoire et co-commissaire de l’exposition).

Dans deux salles réunies par une cour, l’exposition havraise « Esclavage mémoires normandes », rassemble pas moins de 200 oeuvres. Dès l’entrée, deux bustes accueillent les visiteurs: celui d’une femme anonyme et un nubien identifié sous le nom de Charles-Henri-Joseph Cordier (1827-1905).

Puis on découvre les conditions de vie sur les bateaux et dans les plantations, des actes de décès, des portraits des grandes familles impliquées dans la traite mais aussi ceux qui l’ont dénoncée comme Marie Le Masson, Bernardin de Saint-Pierre ou encore l’Abbé Jacques-François Dicquemare.

On s’arrête un moment sur le visage d’une jeune femme albinos, exploitée comme un sujet de curiosité… Des documents d’autant plus précieux que le bombardement de la ville, en 1944, a également causé la destruction de bon nombre d’archives.

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« Esclavage mémoires normandes » : « D’une terre à l’autre » au Musée Eugène Boudin à Honfleur

« D’une terre à l’autre » au Musée Eugène Boudin à Honfleur

Au-delà du côté carte postale de cette jolie ville, qui a notamment connu l’émergence de l’impressionnisme, on apprend que Honfleur s’inscrivait au 5ème rang des ports négriers. L’angle abordé ici est celui des premiers voyages de traite au XVIIe siècle et leur résurgence le siècle suivant. Les familles impliquées n’ayant plus de descendants à Honfleur, le travail de mémoire a sans doute été moins complexe.

Outre un certain nombre de documents graphiques qui n’avaient jamais été montrés jusqu’ici, des vitrines exposent des perles achetées à Venise puis aux Pays-Bas qui deviendront une monnaie d’échange pour l’achat des esclaves, des bilans de cargaison dressés par les capitaines des navires, des journaux de bord, le détail des modifications apportées aux bateaux (restaurés pour l’occasion) comme la rambarde permettant de séparer l’équipage et les captifs, les hommes et les femmes…



On découvre également que l’eau de vie était la marchandise la plus demandée dans le processus d’échange et que Saint-Domingue était la colonie de prédilection pour Honfleur.

Symbole de cette reconnaissance, le 10 mai dernier, le préfet a, pour la première fois, déposé une gerbe dans le port en mémoire des esclaves.

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« Esclavage mémoires normandes » : Musée Industriel de la Corderie Vallois (c) RMM Y. Deslandes

« L’envers d’une prospérité », au Musée Industriel de la Corderie Vallois

Dans cette ancienne usine textile à filature hydraulique du XIXe siècle, l’exposition met en scène divers objets comme un yoyo à double face avec d’un côté une fête villageoise et de l’autre des africains maltraités par des marins, une table dressée telle qu’on pouvait la voir à Rouen au XVIIIe siècle avec des faïences, un sucrier, du cacao, du café… Le tout assorti de commentaires sur le sort réservé aux esclaves, colliers de serrage et écarteurs de bouche à l’appui, pour que les plus nantis puissent profiter de ce luxe.

Un arbre généalogique présenté sous forme de portraits reliés par des fils évoque notamment Thomas-Napoléon Brière de Lisle, dit « Desisles Brière », un homme déclaré quarteron qui deviendra le 2ème plus grand imprimeur de Rouen puis le propriétaire de La Vieille Feuille Rouennaise, devenue aujourd’hui Le Journal de Rouen. Un peu plus loin, un documentaire commenté par des membres fondateurs d’Akiyo revient sur la genèse de ce mouvement culturel engagé guadeloupéen.

Parallèlement à « Esclavage mémoires normandes », les trois villes se sont associées pour mettre en place une exposition virtuelle, proposer des manifestations culturelles avec des rencontres dans les bibliothèques, des concerts, des spectacles, des conférences, des contes… « Cette exposition régionale s’adresse à tous les publics. Il est important et nécessaire de la visiter, y compris avec les plus jeunes » préconise Edouard Philippe (Maire du Havre), dans le magazine de la ville.

Annie Grandjanin


  • A voir : Exposition « Esclavage mémoires normandes » jusqu’au 10 novembre 2023. Infos complémentaires sur le site internet ICI 

Retrouvez l’ensemble des chroniques culturelles d’Annie Grandjanin sur :annieallmusic.com/


 

 

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