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"Sens dessus dessous" par André Dussollier, une pièce à voir au Théâtre des Bouffes Parisiens (c) Jean-François Robert

Théâtre. Trois Césars et un Molière sur son CV, André Dussollier revient à 77 ans avec « Sens dessus dessous » pour un « seul en scène » au Théâtre des Bouffes Parisiens. Un patchwork de textes d’hier et d’aujourd’hui pour quatre-vingt-dix minutes toutes consacrées au plaisir des mots… et de l’esprit. L’un des beaux et grands moments de la saison théâtrale. On y court !


« Sens dessus dessous » par André Dussollier : c’est le plaisir des mots, ça virevolte, le débit est étourdissant


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« Sens dessus dessous » : André Dussollier sur la scène du Théâtre de Bouffes Parisiens (c) Térèze Wysocki

En fond de scène, sur l’écran, des images qui se bousculent. Foules pas sentimentales, ça grouille, ça fourmille. Tension, surtension, le monde est fou… et soudain, déboule sur scène un homme. Essoufflé, on devine une journée speed pour cet homme sans importance. Ouf ! enfin chez soi. On peut se poser… Rien autour de soi, on peut se laisser aller à la rêverie.

C’était le début d’« Un soir quand on est seul », une pièce jouée par Sacha Guitry le 2 juin 1917 dans ce même théâtre des Bouffes-Parisiens et qui, près d’un siècle plus tard, sert de fil rouge à l’immense André Dussollier pour « Sens dessus dessous ».

Multirécompensé au cinéma et fort d’un Molière au théâtre, il se glisse sur cette scène pour, à 77 ans, présenter son quatrième seul en scène- après « Monstres sacrés, sacrés monstres » (texte de Roland Dubillard,) « Les athlètes dans leur tête » (Paul Fournel) et « Novecento » (Alessandro Baricco).

Natif d’Annecy (Haute-Savoie), il aime rappeler qu’il a découvert le théâtre, lors d’une sortie scolaire, avec une représentation de « Poil de carotte » de Jules Renard. Avec sa voix reconnaissable parmi mille, il sait tout jouer, tout interpréter.

Dussollier, c’est le plaisir des mots. Il raconte : « J’ai composé un montage de textes, de poèmes et de sketches d’époques, de styles et d’horizons différents auxquels j’ai voulu donner une certaine cohérence. Certains de ces textes sont en moi depuis toujours. D’autres, je les ai découverts au fil de mes rencontres. C’est un voyage inattendu au pays des mots accompagné d’images projetées, d’une ambiance sonore et lumineuse. Certains textes sont graves, je pense à ceux de Victor Hugo ou d’Aragon, d’autres absurdes et même comiques comme ceux de Roland Dubillard, l’auteur éternel et définitif des « Diablogues » (1975) ou de Raymond Devos dont je me sers du titre, Sens dessus dessous. Alterner la tragédie et l’humour m’a toujours été nécessaire… »



Dans un décor minimaliste (une table, une chaise dans la pièce principale de l’appartement), André Dussollier- chaussures et pantalon noirs, chemise bleu marine, jongle avec les textes. Guitry, Dubillard, Hugo, Aragon… et aussi deux textes présentés lors de spectacles précédents (« Monstres sacrés » de Dubillard et « Le lanceur » de Fournel).

Une version formidablement personnelle de « Sens dessus dessous », le grand classique de Raymond Devos avec le locataire de dessous qui a tendance à envier celui qui est au-dessus et à mépriser celui qui est en dessous.

Avec Dussollier, ça virevolte, le débit est étourdissant- oui, ce comédien a du souffle, est capable de dire de longues tirades à la vitesse grand V tout en demeurant parfaitement compréhensible pour l’auditeur/spectateur. Pendant une heure et demie, sans pause ni pose (la bouée de sauvetage pour artiste et comédien médiocre), il nous attrape, nous emmène, peu à peu tout nous happe, impossible de se dérober, de se détacher- et, aussi aérien qu’un deltaplane en Haute-Savoie, aussi grâcieux que Misha Barychnikov, il n’a besoin ni de livre.s (en main) ni de prompteur (en fond de salle, toujours éteint).

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André Dussollier dans « Sens dessus dessous » (c) Térèze Wysocki

Avec « Sens dessus dessous » en particulier et dans la vie en général, André Dussollier pratique le plaisir des mots. Ceux de Guitry, tout en acidité ; ceux de Hugo, tout en intériorité ou encore ceux de l’abbé Charles-Gabriel de L’Atteignant, tout en grivoiserie à peine masquée : « Madame quel est votre mot / Et sur le mot et sur la chose / On vous a dit souvent le mot / On vous a fait souvent la chose / Ainsi de la chose et du mot / Vous pouvez dire quelque chose / Et je gagerais que le mot vous plaît beaucoup moins que la chose… »

Des mots de tourment avec le lanceur de marteau, le mal-aimé de l’athlétisme, qui effectue quatre, cinq tours dans sa cage avant de balancer la boule d’acier (7,2 kilos) au bout du filin d’acier long d’un mètre et vingt centimètres… Des mots définitifs d’Alphonse Allais : « J’ai décidé de vivre éternellement. Pour l’instant, tout se passe comme prévu ! » Et puis, « Le Mot », le texte de Victor Hugo sur la rumeur- délicieusement moderne, formidablement contemporain en ces temps de conflits en Europe de l’est. Les gens sont fous, les temps sont flous… Heureusement, il y a André Dussollier. Il nous met « sens dessus dessous »… et nous en redemandons !

Serge Bressan


  • A voir : « Sens dessus dessous ». Auteur, mise en scène et interprète : André Dussollier.
  • Textes de Sacha Guitry, Roland Dubillard, Raymond Devos, Victor Hugo, Charles Baudelaire, André Frédéric, Charles-Gabriel abbé de L’Atteignant, Louis Aragon, Michel Houellebecq, Elia Kazan et Paul Fournel.
  • Collaboration artistique : Catherine D’At. Scénographie / vidéo : Sébastien Mizermont- VLB. Lumières : Laurent Castaing. Illustration sonore : Cyril Giroux. Accessoires : Pauline Stern.
  • Durée : 1h30.
  • Dates et lieu des représentations :
  • Théâtre des Bouffes Parisiens. 4 rue Monsigny, 75 002 Paris. Tél. : 01 42 96 92 42. Jusqu’au 25 mars 2023. Mardi- samedi, 20h. Dimanche, 15h.

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