Exposition. Pablo Picasso et Auguste Rodin, ces deux géants qui ont ouvert la voie à l’art moderne, sont exposés comme face à face dans les deux musées parisiens qui leur sont consacrés. Une double exposition événement qui rassemble plus de 500 pièces (sculptures, peintures, céramiques, dessins, photographies…) des deux artistes hors normes. A voir absolument.
Qu’ont en commun ces deux immenses artistes ? La démesure, la force de ses œuvres pour Rodin, l’innovation, la modernité, surtout en peinture, pour Picasso. Enfin, les deux géants partagent un refus certain de l’académisme et une nette préférence pour l’audace et l’érotisme, thème majeur dans presque toutes leurs œuvres.
Picasso, né à Malaga (Espagne) en 1881 et Auguste Rodin, né à Paris en 1840, se sont-ils un jour rencontrés ? Ce n’est pas certain. Pour la première fois, ces deux géants de l’art moderne qui ont chacun bousculé les codes, sont confrontés l’un à l’autre dans une double exposition événement dans les deux musées parisiens qui leur sont consacrés. Si le rapprochement des deux artistes ne paraît pas immédiatement évident, il permet néanmoins de mesurer leur inventivité, leur créativité et leur inspiration respective.
Agé de 14 ans, Auguste Rodin est inscrit à l’Ecole Impériale de Dessin et Mathématiques, dite «Petite école», par son père. Il y suit des cours de peinture et s’émerveille de ce qu’il découvre au Musée du Louvre. L’élève Rodin a échoué trois fois de suite au concours de l’Ecole des Beaux Arts de Paris, mais il persévère. Sa première sculpture, réalisée à l’âge de 20 ans, est un buste de son père en notable romain de l’Antiquité.
Il débute sa carrière en collaborant avec Carrier-Belleuse, sculpteur renommé du second empire. Quelques années plus tard, grâce à son association à l’artiste belge Van Rasbourg il participe à la décoration du Palais des Académies à Bruxelles. Vers l’âge de 36 ans, il voyage en Italie afin de découvrir les artistes de la Renaissance. L’œuvre de Michel-Ange le fascine et l’inspirera durablement.
Agé d’à peine 40 ans, l’Etat français lui passe une commande pour le futur musée des Arts Décoratifs. Ce sera «La Porte de l’Enfer», œuvre monumentale inspirée de «La Divine comédie» de Dante. Suivront «Le Baiser», «Le Penseur», «Les Bourgeois de Calais», «La Cathédrale»…. Rodin est le maître de l’énorme, du gigantisme comme en témoignent ses statues de Balzac, Victor Hugo, ou de Saint-Jean Baptiste.
Camille Claudel, qu’il rencontre à l’âge de 43 ans, sera son inspiratrice. Elle à peine 19 ans et devient sa muse, sa compagne, sa collaboratrice. Elle ne l’inspire pas seulement, ils s’aiment passionnément pendant douze ans puis, ils se sépareront. Il s’associera un temps à Claude Monet dans la galerie de Georges Petit. Alors âgé de 60 ans, il organise une rétrospective de son œuvre pendant l’Exposition Universelle. Là, il atteint enfin la notoriété.
Auguste Rodin est le père de la sculpture moderne, un artiste prolixe qui nous a laissé un matériel considérable soit environ 7 000 sculptures, 10 000 dessins et autant de photographies. Son sujet principal était le corps humain : «Le modelé, c’est par lui que la chair vibre, combat, souffre. C’est l’expression et la proportion… tout est là» disait-il avant de mourir en 1917.
Pablo Picasso, lui, arrive de son Espagne natale à Paris en 1900. Le jeune homme est fasciné par les statues de «Balzac», «Le Penseur» et les œuvres massives et monstrueuses du maître. Il s’en inspirera sans doute pour ses peintures en distordant les corps, qu’il rend énormes.
Fondateur du cubisme avec Georges Braque, Picasso a été peintre, dessinateur, graveur, sculpteur. Grand collectionneur d’art africain, surtout congolais, il fut largement influencé par la statuaire africaine, notamment les masques qu’il possédait en quantité.
Elève brillant, en 1897, il réussit le concours d’entrée à l’Académie Royale de San Fernando. Il a 16 ans ! En peinture, sa carrière se divise en plusieurs périodes : Bleue (1901-1904), Rose (1904-1906), africaine (1907-1909), cubiste (1907-1914), surréaliste à partir de 1925 ; une période qui marquera une rupture radicale avec ses précédentes œuvres. Infatigable, il entreprend à partir de 1928 des sculptures en fer forgé soudé. Dans le même temps, il peint et grave des séries de corridas, des textures moulées pour des sculptures… Il dessine énormément sur le thème du Minotaure, ce dieu monstre à corps de taureau et tête d’humain.
En Mars 1936, en Espagne pendant la République, il est nommé directeur du Musée du Prado à Madrid, quand survient le terrible bombardement de Guernica, en Avril 1937 par l’aviation allemande. Il se lance dans la représentation des horreurs de la guerre civile et livre son œuvre emblématique «Guernica»… Son engagement politique fait partie de sa vie, il adhèrera au Parti communiste français en Octobre 1944. S’en suivront une série d’œuvres artistiques marquées par la représentation de multiples colombes. Puis il y aura la période de Vallauris et de ses céramiques. Il s’installe ensuite au château de Vauvenargues dans le sud de la France, en 1958 où il s’éteindra. Il avait 92 ans.
Qu’ont en commun ces deux immenses artistes ? La démesure, la force de ses œuvres pour Rodin, l’innovation, la modernité, surtout en peinture, pour Picasso. Enfin, les deux géants partagent un refus certain de l’académisme et une nette préférence pour l’audace et l’érotisme, thème majeur dans presque toutes leurs œuvres. La magistrale double exposition qui les réunit et confronte leur art respectif, rassemble plus de 500 pièces (sculptures, peintures, céramiques, dessins, photographies…) des deux artistes. A voir absolument
Jane Hoffmann
- A voir: « Picasso-Rodin » au Musée National Picasso : 5 rue de Thorigny – 75003 Paris et au Musée Rodin : 77 rue de Varenne, 75007 Paris. Réservation obligatoire. Les deux expositions sont à voir jusqu’au 2 janvier 2022.