Document. Ce fut d’abord un film de Yann Arthus-Bertrand et Anastasia Mikova. Puis est paru « Woman », le livre du film. Dans plus de 50 pays, 2 000 femmes ont témoigné. L’hymne à toutes ces femmes qui sont « la moitié de l’humanité ».
En sept grands chapitres (« Être une femme », « Vivre son corps », « Explorer sa sexualité », « Devenir mère », » Être en couple », « Dire les violences » et « S’émanciper ») et avec l’aide de spécialistes, les deux auteurs de « Woman » proposent un bel hymne à « la moitié de l’humanité »
Une idée fixe : célébrer la parole des femmes. Un projet fou : se poser dans plus de cinquante pays et recueillir le témoignage de 2 000 femmes- ce qui a nécessité quatre-vingt-cinq tournages et deux ans de travail. C’est un film documentaire,« Woman », réalisé par Yann Arthus-Bertrand et Anastasia Mikova et sorti en salles en France le 4 mars dernier. C’est aussi, sous le même titre, un livre illustré et classé dans la catégorie Histoire- Société- l’éditeur précise qu’il s’agit là du « livre du film ». Ce n’est pas seulement un livre de (magnifiques) photos, au fil des pages on part en voyage sur la planète femmes, ces femmes qui forment aujourd’hui la moitié de la population mondiale. Pour ce projet d’envergure- comme le fut le précédent « Human », la production a bénéficié du mécénat de grandes sociétés, ce que ne manquent pas de reprocher les ultra-féministes à Arthus-Bertrand et Mikova en appelant au boycott du film et du livre…
En sept grands chapitres (« Être une femme », « Vivre son corps », « Explorer sa sexualité », « Devenir mère », » Être en couple », « Dire les violences » et « S’émanciper ») et avec l’aide de spécialistes, les deux auteurs proposent un bel hymne à « la moitié de l’humanité » et précisent : « Ce sont les femmes elles-mêmes qui nous ont guidés dans ce qui était véritablement important. Elles nous ont parlé du travail, de l’éducation, de l’émancipation ou encore de la maternité. Mais également de sujets très intimes comme leur rapport au corps ou leurs premières règles. (…) Pour beaucoup d’entre elles, l’entretien a davantage ressemblé à une introspection, voire à une thérapie. Elles avaient besoin de libérer certaines douleurs si ancrées en elles qu’elles ne pensaient pas être capables d’en parler… «
Alors, au fil des pages, on rencontre Violette la Française, Ertharin l’Américaine, Natalia la Russe, Heena la Sud-Coréenne. Il y a aussi Tanvie l’Indienne, Paola la Libanaise, Sara la Danoise, Sibel la Turque… « Woman », selon le souhait de Yann Arthus-Bertrand et Anastasia Mikova, c’est un portrait bienveillant sur la place de la femme dans nos sociétés mais aussi une réflexion sur le monde d’aujourd’hui ou encore une présentation de toutes les injustices subies par les femmes en ces premières années 2000.
Les témoignages peuvent être émouvants– comme celui de la Française Anne-Marie, 104 ans, qui évoque « un coup de foudre qui dure » : « J’avais 17 ans et un peintre canadien qui avait un atelier ici, à Belle-Île, voulait faire mon portrait. Mais on était copains, c’est tout ! Un jour, Rabi est arrivé dans son atelier. Rabi, c’est celui qui allait devenir mon mari. Il était beaucoup plus vieux que moi. Ce jour-là, il m’a regardée, je l’ai regardé, et tout a été dit. C’était magique. J’ai 104 ans aujourd’hui, et ce qui me manque le plus, ce sont ses mains. Parce que, le soir, il prenait les miennes. Il était très malade, mais il me prenait les mains et il me regardait. Et ça, ça me manque terriblement ».
D’autres interrogent, soulèvent l’indignation. Par exemple, celui de Nahide la Turque : « Dans la vie, tu meurs une fois. Mais si tu vis la polygamie, tu meurs tous les jours. Moi, je l’ai vécue, et je suis morte tous les jours. Pas un jour, tous les jours ! C’est une mort qui fait mal. C’est très étrange, en fait. L’homme que tu aimes, l’homme qui t’aime, le père de tes enfants… il te partage avec une autre. Et toi, tu partages l’homme que tu aimes avec une autre. Dans la même maison, deux femmes… » Celui d’Amina, à peine sortie de l’adolescence au Mozambique : » Je pensais que, le jour de l’accouchement, j’irais à l’hôpital, que mon ventre allait s’ouvrir tout seul, que le bébé allait sortir et qu’ensuite mon ventre allait se refermer. Je n’avais aucune idée de la façon dont ça se passe dans la vraie vie. J’avais simplement 14 ans et je n’étais pas préparée à devenir maman ». Celui de Mamta l’Indienne qui ne pensait pas, le jour de son mariage, qu’elle épousait un homme cupide et dangereux, capable de lui jeter de l’acide au visage pour une dot selon lui insuffisante : « Je demande au peuple indien : la beauté est-elle la seule chose qui compte ? Quel est ce pays obsédé par l’apparence ? Tous les jours, des femmes sont victimes de ces attaques. Combien de temps devra-t-on endurer tout ça ? »
Il y a aussi, sur la planète femmes, Lucia la Malgache mariée de force à 15 ans par son père avec un homme de 41 ans- une brute qui la violera tous les soirs ; Revecca la Bolivienne que sa mère a dissuadée d’aller à l’école ; Xiaochen la Chinoise qui, à 14 ans, a été emmenée par sa mère à l’hôpital pour une première intervention de chirurgie plastique- tout y est passé, une liposuccion pour être plus mince, des injections de Botox au visage pour être plus photogénique, un comblement de graisse pour être plus distinguée, son nez opéré 6 fois, ses yeux 3 fois, 3 fois ses lèvres, 3 fois les os du visage, 5 ou 6 fois des comblements de graisse pour tout le visage et 2 fois les seins… A noter également, parmi tant d’autres témoignages dans « Woman », celui du Dr Denis Mukwege, le chirurgien gynécologue surnommé « l’homme qui répare les femmes » et prix Nobel de la Paix 2018- il ne manque pas de rappeler, d’affirmer que « la femme est la mère de l’humanité ». Ne jamais l’oublier…
Texte Serge Bressan
- « Woman » de Yann Arthus-Bertrand et Anastasia Mikova. Editions de La Martinière, 224 pages, 25 €.
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Biographie des auteurs
Yann Arthus-Bertrand : Réalisateur et photographe né à Paris en 1946. Il s’est fait connaître du grand public en 1999 avec la parution de « La Terre vue du ciel », vendu à plus de 3 millions d’exemplaires dans le monde. Nommé ambassadeur de bonne volonté des Nations Unies en 2009, il réalise cette même année son premier documentaire, » Home « , sur l’état de notre planète, vu par près de 600 millions de spectateurs. Fort de ces succès internationaux, il fonde en 2005 l’ONG GoodPlanet afin de sensibiliser au respect de l’environnement. Il a publié, à ce jour, une soixantaine de livres.
Anastasia Mikova : Journaliste et réalisatrice née à Kiev (Ukraine) en 1982. Son travail a toujours porté sur des questions sociales et humaines comme l’immigration illégale, le trafic d’organes ou les mères porteuses. Sa collaboration avec Yann Arthus-Bertrand a débuté avec la série documentaire « Vu du ciel », puis s’est poursuivie en tant que première assistante sur « Human » et enfin co-réalisatrice sur « Woman » en 2020.