leïla slimani le pays des autres
L'écrivaine Leïla Slimani © Francesca Mantovani / Edition Gallimard

Roman. Prix Goncourt 2016 avec « Chanson douce », Leïla Slimani revient avec un troisième roman, « Le Pays des autres « . Premier volet titré « La guerre, la guerre, la guerre », il ouvre une saga familiale qui courra des années 1940 à aujourd’hui. Et, dès sa sortie en librairies, c’est un nouveau succès pour une romancière qui  » dégage une lumière très singulière ».

Première partie d’une grande fresque toute en humanité et justesse, ce roman enthousiasmant est empli de personnages qui, tous, vivent dans « Le pays des autres ». Un roman nourri de l’amour et de la guerre…

En ouverture, deux citations. La première, d’Edouard Glissant dans « L’Intention politique » : « La damnation de ce mot : métissage, inscrivons-le en énorme sur la page ». La seconde, de William Faulkner dans « Lumière d’août » : « Son sang ne voulait pas se taire, ne voulait pas être sauvé, ne voulait ni l’un ni l’autre ni laisser le corps se sauver lui-même. Son sang noir le poussa d’abord vers la case de nègre puis son sang blanc l’en fit sortir… »

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© Francesca Mantovani/Édition Gallimard

A 38 ans, Leïla Slimani ouvre ainsi son troisième roman, « Le Pays des autres« , après  » Dans le Jardin de l’ogre  » (2014) et « Chanson douce » (2016, prix Goncourt). Ce « Pays des autres », annonce-t-elle, est le premier tome d’une trilogie qui court de 1940 à aujourd’hui et sous-titré « La guerre, la guerre, la guerre ». Personnages principaux : les grands-parents de la narratrice, Mathilde l’Alsacienne et Amine Belhaj le Marocain. Début de l’histoire : en 1944, pendant la Deuxième Guerre mondiale, des soldats français viennent en Alsace, parmi lesquels Amine le spahi. Mathilde et Amine se rencontrent, se plaisent. Vont vivre ensemble, partent au Maroc « faire fructifier » les terres de la ferme qu’Amine a reçue de son père. On lit : « La première fois que Mathilde visita la ferme, elle pensa : « C’est trop loin ». Un tel isolement l’inquiétait. A l’époque, en 1947, ils ne possédaient pas de voiture et ils avaient parcouru les vingt-cinq kilomètres qui les séparaient de Meknès sur une vieille trotteuse, conduite par un Gitan. Amine ne prêtait pas attention à l’inconfort du banc en bois ni à la poussière qui faisait tousser sa femme. Il n’avait d’yeux que pour le paysage et il se montrait impatient d’arriver sur les terres que son père lui avait confiées « .

Présentant son nouveau roman, Leïla Slimani confiait : « En écrivant « Le Pays des autres », j’avais envie aussi de montrer les beautés de l’enfance, de l’amour maternel, de l’amour en général, le désir qui peut naître chez une adolescente, la beauté des paysages « .

Paru le 5 mars dernier, tiré à 120 000 exemples, « Le Pays des autres » s’est retrouvé à la première place des ventes dès la première semaine de mise en place. Moins de sept jours après la sortie, l’éditeur a décidé de deux tirages supplémentaires – ce qui, à ce jour, porte le total d’exemplaires mis en librairie à 180 000. C’est le phénomène Slimani. Et pas seulement, assure-t-on dans le petit monde parisiano-littéraire, parce que l’auteure a grandement occupé les médias avant même la sortie de ce « Pays des autres ». « C’est une personne cash, elle dit ce qu’elle pense mais le plus souvent avec le sourire », confie une critique littéraire parisienne influente. Une autre confie : « Leïla Slimani est une écrivaine avec un petit supplément d’être. Elle dégage une lumière très singulière ». Son éditeur chez Gallimard, Jean-Marie Laclavetine,  ajoute : « Elle s’est imposée dans le paysage de façon naturelle. Elle concentre en elle-même beaucoup d’éléments dont elle est tout à fait consciente même si elle ne les a pas suscités. Il se trouve que oui, elle est jeune, dynamique, belle, intelligente. Elle est franco-marocaine. Elle a en elle quelque chose qui pacifie toutes les interrogations qu’on peut avoir dans le présent de notre société. Elle incarne quelque chose d’aimable ». Le président de la République française, Emmanuel Macron, avait songé à la romancière pour la charge de ministre de la Culture et de la Communication et l’a finalement nommée représentante de la Francophonie dans le monde « ce qui ne m’empêche pas de dire au Président ce que je pense », glisse-t-elle…

Elle, la romancière qui n’hésite pas à s’attaquer au tabou de la sexualité dans son pays natal avec un texte-choc, « Sexe et Mensonges : La Vie sexuelle au Maroc « , paru en 2017. « Elle n’est pas très aimée ici au Maroc par les islamistes bien sûr et les conservateurs. Son livre a été un coup de poing dans l’hypocrisie sociale », commente Tahar Ben Jelloun, romancier, poète, peintre et membre de l’Académie Goncourt. Une de ses consœurs écrivaines assure : « Elle est inoxydable »« Tout cela, confie Leïla Slimani, je le dois à ma grand-mère », et d’ajouter : « Mes grands-parents étaient des personnages romanesques ». Ils ont grandement inspiré « Le Pays des autres ». Ce pays où Amine tente de faire fructifier des terres aussi ingrates que rocailleuses, où Mathilde va connaître, avec ses deux enfants, la solitude et l’isolement, le manque d’argent et aussi la méfiance parce qu’elle est étrangère…

roman le pays des autres leila slimaniLe « couple mixte » aura-t-il avoir raison d’une société figée, alors, dans ses croyances et traditions ? Le premier volet de ce « Pays des autres  » court sur dix années marquées des tensions et des violences, pour se terminer en 1956 et l’indépendance de l’ancien protectorat français. Première partie d’une grande fresque toute en humanité et justesse, ce roman enthousiasmant est empli de personnages qui, tous, vivent dans « Le pays des autres ». Un roman nourri de l’amour et de la guerre…

Texte Serge Bressan

  • « Le Pays des autres », Leïla Slimani. Gallimard. 370 p, 20 €.

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