Livres. C’est noir, terrifiant, beau, haletant… En ces temps de vacances estivales, sans modération, c’est permis ! On consomme et savoure le roman policier. Avec, c’est cadeau, une sélection de cinq livres. Cinq polars indispensables…
Camilla Läckberg : « Femmes sans merci »
Après « La Cage dorée », une histoire de vengeance d’une jeune femme, la trentaine, persécutée par son mari riche homme d’affaires, Camilla Läckberg- la star du polar « made in Scandinavie », est de retour avec un court livre (144 pages) aussi étincelant qu’implacable. « Femmes sans merci », ce sont Ingrid Steen, Viktoria Brunberg et Birgitta Nilsson. Trois femmes d’âge et de condition sociale différents. Mais toutes trois ont un point commun : leurs maris les maltraitent. Et puis, un jour, prise de conscience, chacune de son côté prépare alors sa vengeance. Elles ne se connaissent pas, se croisent sur les réseaux sociaux, élaborent le plan : anéantir (tuer ?) le mari de leur amie virtuelle… Avec « Femmes sans merci », non pas un roman mais une novella, Camilla Läckberg n’y va pas par quatre chemins. Et règle le sort des hommes à la sulfateuse. C’est sacrément efficace. Mieux, imparable.
J.P. Manchette : « L’Affaire N’Gustro »
Publié originellement en 1971 dans la Série Noire chez Gallimard, le premier roman de J.P. Manchette (1942- 1995). Tenu pour l’un des auteurs les plus importants du polar français, pour « L’Affaire N’Gustro » il s’est grandement inspiré de l’enlèvement et l’exécution d’un leader marocain tiers-mondiste sur le sol français en 1965. Dans ce roman noir que l’auteur qualifiait, comme l’ensemble de ses livres, de « néo-polar », on déambule avec Henri Butron. Un sacré personnage- un peu beaucoup voyou, et aussi barbouze, trafiquant d’armes et même scénariste. De son style fluide et débridé, follement incisif, J.P. Manchette déroule également l’enchaînement de circonstances qui amènera Butron dans l’affaire N’Gustro, du nom d’un leader du Tiers-Monde. Un roman où cohabitent salauds pathétiques et idéalistes au visage en sang, où seuls les cyniques s’en sortent…
Keith McCafferty : « La Vénus de Botticelli Creek »
Une jeune femme a disparu dans la vallée de la Madison, on la croit dévorée par un loup. Elle s’appelle Nanika Martinelli, elle est guide de rivière, divinement belle et rousse, on la surnomme « la Vénus de Botticelli Creek ». Le shérif Martha Ettinger part dans les montagnes enneigées à sa recherche, elle va découvrir un homme au corps transpercé sur les bois d’une carcasse de cerf géant- la question surgit : meurtre ou accident ? Est-ce là une piste pour retrouver la jeune femme ? Dans ses recherches, le shérif est aidé par son ami Sean Stranahan- peintre, pêcheur et à l’occasion privé, et confronté à un groupe de défenseurs fanatiques de la cause animale. Avec « La Vénus de Botticelli Creek », l’Américain Keith McCafferty- grand amateur de pêche à la truite en rivière, signe là un neuvième roman (le troisième en VF) de grande évasion et au suspense ébouriffant.
Lilja Sigurdartóttir : « Trahison »
Avec « Trahison » – son quatrième roman traduit en français, l’Islandaise Lilja Sigurdartóttir revient avec une belle réputation. Son éditeur la présente ainsi comme « la nouvelle reine du polar nordique »– un titre que la romancière de Reykjavik confirme avec un texte haletant entre réseaux sociaux haineux et menaces physiques. Il y a, dans cette » Trahison » version Sigurdartóttir, du « Borgen », cette fameuse série télé danoise. Dans le livre de la romancière islandaise, le personnage principal se prénomme Úrsúla ; elle a bossé dans l’humanitaire, elle vient d’accepter de remplacer le ministre de la Justice jusqu’aux élections. Mais elle va vite déchanter : l’administration du ministère bloque tout ce qu’elle entreprend et dès après sa première intervention publique, elle est la cible d’un cyber-harcèlement. Il y a de la trahison à tous les étages, même de celles et ceux qu’on croit ses proches…
Franck Thilliez : « Il était deux fois »
Un dix-neuvième roman pour Franck Thilliez, l’un des maîtres du polar francophone. Avec lui, et contrairement aux contes de fées, ce n’est pas « il était une fois » mais bien « Il était deux fois », comme le titre ce nouveau roman… Là, le romancier explore une mémoire en lambeaux- c’est diablement bluffant, maître intraitable qu’il est dans l’art du crime et génie ébouriffant dans celui de la double feinte. Dans une petite ville de montagne en 2008, une jeune fille de 17 ans disparaît- on retrouve son vélo contre un arbre. Son père, lieutenant de gendarmerie, mène l’enquête, se retrouve dans un hôtel, on lui donne la chambre 29, 2ème étage. Dans la nuit, des oiseaux morts cognent aux fenêtres. Il se réveille dans la chambre 7, rez-de-chaussée. Il apprend qu’on est en 2020 et que sa fille a disparu depuis douze ans… Cinq cents pages aussi noires que déroutantes.
Texte Serge Bressan
A lire :
–« Femmes sans merci » de Camilla Läckberg. Traduit par Réi Cassaigne. Actes Sud, 144 pages, 14,90 €.
–« L’Affaire N’Gustro » de J.P. Manchette. Série Noire / Gallimard, 224 pages, 14 €.
–« La Vénus de Botticelli Creek » de Keith McCafferty. Traduit par Janique Jouin- de Laurens. Gallmeister, 384 pages, 23,80 €.
–« Trahison » de Lilja Sigurdartóttir. Traduit par Jean-Christophe Salaün. Métailié, 330 pages, 22 €.
–« Il était deux fois » de Franck Thilliez. Fleuve éditions, 530 pages, 22,90 €.