dick annegarn pour son album symphonique 12 villes 12 chansons
Dick Annegarn se produira le 5 décembre à la BNF à Paris

Dick Annegarn se produira le 5 décembre à l’auditorium de la BNF à Paris, à l’occasion de la célébration des 80 ans de la collecte de l’industrie phonographique par la Bibliothèque nationale de France. Un concert où il reprendra les chansons de son album symphonique «12 villes-12 chansons». Rencontre avec un dilettante céleste à l’âme vagabonde, magnifiquement inspiré par la poésie urbaine.

Dick Annegarn:  » il y en a marre des esthétismes. Résoudre, pas résoudre, amertume, âpreté…le malaise fait partie de la partition. Les sons dissonants sont plus proches de notre âme »

Dick Annegarn, 66 ans, aime créer la surprise en allant sans cesse vers l’inconnu pour nourrir son imaginaire. Cet été, il était au festival des Nuits de Fourvière à Lyon, entouré d’un orchestre symphonique de 40 musiciens. Cette fois, c’est à l’auditorium de la BNF à Paris, qui célèbre les 80 ans de la collecte de l’industrie phonographique, qu’on pourra entendre les chansons voyageuses de son nouvel album «12 villes – 12 chansons». Une occasion de (re)découvrir ce dilettante céleste à l’âme vagabonde inspiré par la poésie urbaine, qui se définit comme un musicien ouvrier remettant chaque jour sa musique en chantier.

Comment définiriez-vous la partition symphonique de «12 villes-12 chansons » qui est à la fois exigeante, contemporaine, free, jazz…?

Dick Annegarn : Je n’ai pas été au conservatoire, je ne sais pas lire la musique. Cela ne me pose pas vraiment un problème culturel puisque que je me suis inspiré du blues, du jazz et je milite pour une certaine rusticité. Mais là, avec le symphonique, j’ai quand même trouvé une subtilité. Cela me fascine de voir comment une chef d’orchestre (Alexandra Cravero NDLR) peut jouer de quarante instruments en même temps. Je ne suis pas dans une musique chouette et romantique. A la limite, je créé des malaises harmoniques. Je suis dans la bascule, dans des goûts amers, dans la mélancolie qui pour moi est majeure et mineure. Je ne sais pas lire la musique, mais je sais la construire et la déconstruire.

Pourquoi cette volonté de déconstruction?

Dick Annegarn : Parce qu’il y en a marre des esthétismes. Résoudre, pas résoudre, amertume, âpreté…le malaise fait partie de la partition. Les sons dissonants sont plus proches de notre âme. Les moines, on leur interdisait les notes dissonantes parce qu’à la limite c’est sexuel ! (rires). Bartok, c’est compliqué, moi ça reste de la chanson, mais c’est le même culot harmonique qu’on a mis avec Christophe Cravero (qui signe les arrangements), au service de la musique. Et les musiciens sont contents de le faire par exemple sur «Lille» où il y a deux accords en même temps, avec dedans du Jacques Tati, du Nino Rota. Nos références sont aussi Franck Sinatra ou Brel qui avait des orchestrations proches de Ravel. On a cherché un spectacle qui se veut moderne, harmoniquement du moins.

Une musique en chantier permanent ?

Dick Annegarn : C’est un vrai boulot. Il ne faut pas assimiler la musique à une rêverie. Cet album, c’est quand même une centaine d’heures d’écriture, 900 partitions, des répétitions avec des musiciens chevronnés. Même l’écriture est un chantier, une hantise. Arrêtons de faire croire que c’est la fête de la musique, que tout le monde est musicien un beau jour comme ça, on fume un pétard, on prend un instrument et on fait de la musique. Non, c’est mille fois tu reprendras ton ouvrage ! On est dur avec soi-même. C’est une correction permanente de sa broderie. Il faut qu’il y ait du relief, de la couleur, que ça raconte quelque chose. Comme dit Guy Debord, le spectacle c’est la division dans le travail. Dès qu’il y a une élaboration, le public est témoin de l’effort des ouvriers intellectuels que nous sommes. C’est pour ça qu’on s’amuse à porter des casques de chantier sur scène ! (rires).

Quel est votre rapport aux villes que vous chantez ?

Dick Annegarn : C’est un rapport fait d’humilité, de plaisir. J’ai des scènes de ménage avec les villes.  Il m’arrive d’être  fâché, parce que je trouve qu’elles puent, d’autres fois elles hument bon, je sens une fraîcheur toute guillerette. J’aime les villes le matin. Je me suis mis à pleurer face à Vientiane au Laos, tellement elle était désuète et belle. J’ai des rapports intenses avec les rues qui ont un corps, une musique, une couleur qui peut varier avec le temps. Ce sont des moments qui m’exaltent au maximum.

Vous n’avez pas un regard toujours très gai sur les choses…

Dick Annegarn : Parce que les villes c’est un mélange de joie et de tristesse. «Tchernobyl Blues» c’est un superbe cauchemar. A Paris, il y a une personne sur deux qui est célibataire. C’est des villes de solitudes. Il y a une forme de blues, c’est sûr.

Est-ce par besoin d’être libre, que vous avez toujours voulu être marge du show business?

Dick Annegarn : Pour moi, c’est ni show-biz, ni marge. C’est une alternative voulue. Il faut être pauvre si on veut être vraiment libre. Un artiste riche est un artiste qui ne peut plus écrire. Ricet Barrier m’a dit un jour : «écrit maintenant parce que après tu vas avoir du succès et tu ne seras plus libre». Je me suis arrangé pour pouvoir survivre en n’ayant pas toute cette pathologie du disque, de la promotion et du public, qui fait partie du show-biz qui ne fait rien sans acheteurs de produits culturels. J’ai voulu vivre une vie de hobo (vagabond) d’itinérant, une vie un peu normale aussi pour pouvoir m’imaginer l’extraordinaire dans mes nuits. Pour gagner le droit d’être un auteur, il faut vivre. J’ai fait un voyage géographique, culturel, qui me permet aujourd’hui de pouvoir présenter « 12 villes-12 chansons ». Je serais resté à Paris à courir les radios, les télés et les studios, j’aurais  été un parisien, pas un voyageur.

Vous vivez dans une ferme. La campagne, ça vous rend beaucoup plus heureux que la ville ?

Dick Annegarn : Oui. C’est une rusticité que j’aime. C’est le silence aussi dont j’ai besoin. Et je suis beaucoup plus souvent à table chez le voisin à la campagne que dans une grande ville où on va plus au restaurant ou au bistrot. Une fois, à la maison, j’aime gratter la terre. C’est tracteur, vélo, moto, promenades. Et il y a le vent entre les arbres, qui est une forme de musique.

Entretien réalisé par Victor Hache

Album «12 villes-12 chansons». Label Musique Sauvage.

Dick Annegarn en concert gratuit le 5 décembre à 18h30. Bibliothèque Nationale de France. Petit auditorium, Quai François Mauriac- 75003 Paris.

Lire: Cali s’attaque à la montagne Léo Ferréhttps://www.weculte.com/featured/chanson-cali-sattaque-a-la-montagne-leo-ferre/

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