dimanche, mars 17, 2024
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Étienne Daho, dandy d’une audacieuse pop psychédélique

Etienne Daho sur l'album Blitz

Etienne Daho sort Blitz par Victor Hache. Le chanteur se réinvente magnifiquement dans Blitz, l’album de l’année. Un disque lumineux et poétique aux dansantes ambiances pop psyché, en attendant l’expo « Daho l’aime pop ! » à la Philharmonie et son retour sur scène cet été. Rencontre.

 

Que mettez-vous derrière Blitz, un mot qui renvoie à une période sombre de l’histoire anglaise ?

Étienne Daho On peut y voir plusieurs choses. C’est l’éclair, la foudre, la mise en lumière de soi-même. Le disque a été écrit à Londres. C’est un mot qui revient souvent chez les Anglais, qui sont marqués par cette période. Il y a un trauma collectif du Blitz, même pour les nouvelles générations. Trauma réveillé par les attentats récents, le Brexit. Les gens n’avaient pas ressenti cela depuis longtemps, l’Angleterre étant sur un mode exponentiel de succès, de réussite. Ils sont un peu ébranlés par tout cela. Il y a une énergie dans Blitz qui est forte. C’est une chanson de résistance via une espèce de chant militaire. Un hymne collectif dansant pour résister au danger, à la peur.

Une façon aussi de résister à la morosité ambiante ?

Étienne Daho Je trouve qu’on en sort. Il y a deux ou trois ans, on était au fond de quelque chose de sombre, de blocages collectifs. La nuit dans une ville est toujours très instructive. Là, il se passe plein de choses, les gens sortent. Le climat a changé. Il y a plus légèreté.

Qu’aimez-vous de Londres, une ville que vous connaissez bien ?

Étienne Daho J’y ai vécu à plusieurs reprises. La période la plus longue, ça a été cinq ans, dans les années 1990, au moment de l’album Éden. J’y suis resté deux ans pour les Chansons de l’innocence retrouvée et deux ans pour Blitz. Londres, c’est un fantasme adolescent qui se prolonge indéfiniment. C’est à deux heures de Paris. C’est la cinquième ville française ! (Rires.)

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La photo de la pochette de l’album est très belle, dans des ambiances un peu cuir, Marlon Brando…

Étienne Daho Le pouvoir du cuir ! (Rires.) C’est une image un peu 1970, un mélange de plein de trucs, Lou Reed avec son deuxième album, Transformer, l’Équipée sauvage avec Brando. Toutes mes pochettes sont une histoire, même si elles illustrent plus ou moins ce qu’on entend. Si on suit la logique de cette image, il y a un côté presque militaire qui pourrait faire écho à BIitz. Mais ça pourrait être aussi Portier de nuit.

Il y a des ambiances musicales très différentes dans les arrangements aux contours psychédéliques. Ce qui donne au final un Daho complètement réinventé. Une manière de sortir de vos marques ?

Étienne Daho À vrai dire, ce sont mes véritables marques. Le premier album que j’ai acheté c’est The Piper at the Gates of Dawn de Pink Floyd. C’est le disque le plus psychédélique qu’on puisse imaginer. L’écriture de Syd Barrett et le son du Floyd ont été déterminants, avec le Velvet Underground, quand j’étais adolescent. Ce sont des albums tellement puissants que l’idée était d’en sortir et de trouver sa propre musique. C’est pour cette raison que je me suis tenu à l’écart pendant très longtemps. Depuis quelques années, il y a toute cette nouvelle vague psychédélique à Los Angeles, San Francisco, avec des groupes comme The Holy Wave, Froth. J’en avais envie, comme une manière de me glisser dans quelque chose de très familier.

On remarque la présence de Calypso Valois dans certains chœurs, la fille d’Elli et Jacno, qui étaient là à vos débuts…

Étienne Daho De grands amis. Ils sont essentiels, les premières personnes à qui j’ai dit que je faisais de la musique. Ils ont accompagné mon premier album. Jacno a réalisé mon disque, Elli a fait la pochette. Elle a été la muse de l’album, même s’il y avait les musiciens de Marquis de Sade qui jouaient pour m’accompagner. Ils ont été là, vraiment. Et Calypso, je la connais depuis qu’elle est bébé. Il y a un lien familial. Mais, si elle est dans Blitz, ce n’est pas pour des raisons d’amitié. C’est parce qu’artistiquement je trouve qu’elle est bien, singulière.

Que pensez-vous de l’époque qui est très tournée vers la consommation et assez peu vers la créativité ?

Étienne Daho Vous trouvez ? On est dans un moment où ça revient. Les périodes de frustrations dont on sort permettent justement aux artistes de pouvoir émerger et de s’ouvrir. C’est peut-être encore dans l’underground, mais il y a tout un pan de la société où ça bouge. Au sommet de l’iceberg, c’est de la consommation. Il y a toujours eu une musique « pop-ulaire », et pas trop « pop » d’ailleurs, qui envahit les médias. Il faut plaire à la masse. En même temps, il y a un regain de créativité émergente et une énergie qui est très puissante.

On parle souvent de vous comme d’un dandy souverain de l’élégance française. Ça vous va comme définition ?

Étienne DAHO On a tendance à mélanger dandysme et élégance. Ce sont deux choses différentes. Le dandysme, c’est Beau Brummell, ça se termine par la mort. C’est très violent. Ce sont des choix radicaux d’aller vers des extrêmes. J’ai une petite tendance vers ça.

Que raconte la magnifique ballade les Flocons de l’été  ?

Étienne Daho C’est l’oxymore entre le chaud et le froid. Le clip se passe dans une boule à neige. Il y a un côté un peu floconneux. Cette chanson est à double lecture. Elle a un côté confortable et elle évoque quelque chose de très inconfortable. Un moment compliqué de mon parcours à la suite d’un problème de santé grave que j’ai eu il y a trois ans. Elle évoque ça, et en même temps c’est embêtant de lui coller cette énergie-là pour les gens qui l’écoutent parce qu’ils vont la ressentir d’une manière beaucoup plus sombre. Une chanson, c’est la liberté de pouvoir la prendre comme on la ressent.

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À la Philharmonie en décembre, il va y avoir une belle expo de photographies « Daho l’aime pop ! ». À quand remonte votre passion pour la photo ?

Étienne Daho Je suis passionné par l’image. Je photographie la ville, mais ce qui m’intéresse le plus, c’est le portrait. Le plus beau des paysages. J’ai pris quelques photos de la nouvelle scène pop française depuis 2014. C’était l’occasion de photographier des artistes, des musiciens. Il y a un lien, un regard, une espèce de cohérence. Mais je n’avais assez d’images pour en faire une exposition où il y a beaucoup de photographes, Avedon, Jean-Marie Périer, Richard Dumas, Pierre Réné-Worms, Antoine Giacomoni… Les gens de la Philharmonie qui m’ont proposé ce projet m’ont demandé de raconter mon parcours de la pop française, tous les artistes qui m’ont plu. C’est un choix subjectif d’artistes qui m’ont touché sur lesquels je veux mettre de la lumière, sur ceux qui ont croisé mon chemin. Je suis le narrateur et le guide de la pop française des années 1950 à aujourd’hui.

Album Blitz chez Virgin Mercury. Expo « Daho l’aime pop ! » à la Philharmonie du 5 décembre au 29 avril. Lire la biographie Une histoire d’Étienne Daho de Christophe Conte chez Flammarion et Avant la vague – Daho 78-81 de Pierre René-Worms, Sylvie Coma aux éditions RVB Books.

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