"Bob Dylan. Mixing up the Medicine" : un livre colossal qui rend hommage au légendaire chanteur américain

Livres. « Bob Dylan. Mixing up the Medicine ». Chantre de la « protest song », apôtre de la folk music et Nobel de littérature, l’Américain Bob Dylan occupe une place essentielle dans l’univers mondial de la chanson depuis plus de soixante ans. Un livre colossal,« Bob Dylan. Mixing up the Medicine », lui rend hommage. Déjà, pour les dylanologues et tou.te.s les autres, rien moins qu’une « Bible » !

"Bob Dylan. Mixing up the Medicine"
« Bob Dylan. Mixing up the Medicine » : une « Bible » de 600 pages qui retrace la vie du chanteur

Soufflant dans le vent en ces temps qui ont changé, les mots courent. On entend « icône » ou encore « monument de la culture américaine ». On entend des chansons, un grand nombre depuis la fin des années 1950, le début des années 1960 jusqu’à celles du plus récent album, « Rough and Rowdy Ways », paru en 2020. Aujourd’hui, visage émacié, Bob Dylan est octogénaire- né Robert Allen Zimmerman le 24 mai 1941 à Duluth, Minnesota, et on le retrouve, on le célèbre dans un ouvrage immense, sorti simultanément dans le monde entier et titré « Bob Dylan. Mixing up the Medicine » (sous-titre : « Les trésors du Bob Dylan Center. Tulsa, Ok).

Plus de 600 pages pour un « livre panoramique » selon l’éditeur américain Callaway, pour ce qu’on définit déjà comme la Bible du sujet dylanien, plus de 1 100 images rares ou rarement diffusées, le tout sous la direction Mark Davidson et Parker Fishel, deux des meilleurs experts mondiaux de la star étatsunienne…

Jeune homme, Robert Zimmerman était grandement inspiré par l’un des poètes essentiels du XXème siècle, le Gallois Dylan Marlais Thomas (1914- 1953). Alors, il ajouta le prénom du poète gallois au sien- ce fut l’acte de naissance de Bob Dylan.

Dans l’Amérique des années 1960 naissantes, se glissant dans les pas du grand chanteur folk Woody Guthrie (1912- 1967), il devint l’une des figures, avec Joan Baez, de la chanson folk à la sauce américaine, de la « protest song » qui inspîra et illumina la beat generation nourrie aux mots, romans et poèmes de Jack Kerouac, Allen Ginsberg ou encore Lawrence Ferlinghetti. 


« Bob Dylan. Mixing up the Medicine » :une Bible de 600 pages sur la vie du légendaire chanteur américain


Présentant « Bob Dylan. Mixing up the Medicine » (titre qui fait référence à une ligne d’un grand classique dylanien, « Subterranean Homesick Blues »), l’éditeur français explique : « En 2016, le public découvre l’existence d’archives secrètes de Bob Dylan, trésor de plusieurs milliers de pièces inestimables, manuscrits originaux, carnets de notes et brouillons de chansons, œuvres d’art, photographies, films et enregistrements « live » ou en studio. Conservée au Bob Dylan Center à Tulsa, cette collection est aujourd’hui l’un des plus vastes fonds d’archives consacrés à un artiste moderne ».

Cette découverte des archives secrètes du « Zim », c’est le « New York Times » qui, le premier, l’a évoquée, faisant état de quelque 6 000 pièces ayant appartenu à Bob Dylan et réunies à Tulsa, Oklahoma. Ce fut un événement. Parce que, depuis toujours, il y a une énigme Dylan…



Dans une récente enquête, on pouvait lire dans « M- le Magazine du Monde » : « À l’été 1964, il bascule dans l’introspection et le symbolisme, recourt à l’écriture automatique sous l’influence de son ami le poète beat Allen Ginsberg. Une technique qu’il utilise alors dans les interviews. Ceux qui l’invitent à préciser ses “messages” reçoivent des réponses absurdes ou hostiles ».

L’énigme Dylan, encore et toujours… Au fil du temps et de sa carrière, il a assuré le minimum syndical, refusant l’essentiel des demandes d’interviews de la presse. Alors, tout et son contraire a pu être dit et écrit sur Bob Dylan, des louanges pour son côté novateur et initiateur, des critiques pour son soutien- un temps- à la papauté ou pour son attitude lors de l’attribution en 2016 de son prix Nobel de littérature.

Tout et son contraire, et il donne la sensation de s’en être accommodé- comme s’il était bien au-dessus de toutes ces contingences terrestres. En 2001, dans une de ses rares confidences, il glissa : « Chacun sait qu’il y a une flopée de livres qui sont sortis ou qui vont sortir prochainement à mon sujet. Aussi, j’encourage quiconque m’a rencontré, entendu ou même aperçu à se joindre au mouvement et à pondre son propre bouquin. Sait-on jamais, il se pourrait que quelqu’un porte en lui un grand livre »

Dans l’immédiat, le grand livre, on l’a entre les mains. Au fil des chapitres de « Bob Dylan. Mixing Up the Medicine », en textes, photos et documents, une vie défile, suivant au plus près la chronologie.

Bob Dylan, c’est un accident de géographie, une façon de vivre, le son des rues, c’est survivre dans un monde cruel, ici et maintenant. Bob Dylan, c’est, comme l’écrivent Mark Davidson et Parker Fishel, le mouvement perpétuel de l’illusion. Cette illusion que là, au coin de la rue, on verra surgir « Mr. Tambourine Man »On lui dirait simplement : « Hey, Mr. Tambourine Man, play a song for me / I’m not sleepy and there is no place I’m going to ». Hé, M. Tambourine Man, joue-moi une chanson / Je n’ai pas sommeil et je n’ai nulle part où aller…

Serge Bressan

  • A lire : « Bob Dylan. Mixing up the Medicine ». Sous la direction de Mark Davidson et Parker Fishel. Traduiit par Aline Azoulay-Pacvoň, Christophe Geudin, Jean-Luc Piningre et Pierre-Richard Rouillon. Seghers, 608 pages, 79 €.

EXTRAIT de « Bob Dylan. Mixing up the Medicine »

« Quand j’avais 10 ans environ, je me suis mis à la guitare. En fait, j’en avais trouvé une dans la maison que mon père avait achetée. J’avais trouvé autre chose là-dedans, quelque chose chargée d’une aura mystique. Il y avait ce grand poste de radio en acajou dont le couvercle s’ouvrait sur une platine 78 tours. Je l’ai soulevé, un jour, et j’ai découvert un disque de country- une chanson intitulée « Drifting Too Far from The Show ». La musique de ce disque-là m’a donné le sentiment d’être quelqu’un d’autre, de n’être même pas né des bons parents ou un truc comme ca ».


Un Nobel discuté et discutable…

Sur la liste des prix Nobel de littérature, entre la Biélorusse Svetlana Alexeievitch en 2015 et le Britannique d’origine japonaise Kazuo Ishiguro en 2017, l’Américain Bob Dylan pour l’édition 2016…

Certes, dans un passé récent, des dramaturges comme l’Italien Dario Fo (1997) et le Britannique Harold Pinter (2005) avaient été honorés par l’Académie suédoise mais jamais un chanteur (auteur et interprète) n’avait été récompensé… Les honorables académiciens suédois cassèrent, en 2016, tous les codes avec ce prix accordé à un chanteur pop, à un folk singer en piste depuis les premières années 1960.

Ce Nobel de littérature accordé à Bob Dylan déclencha immédiatement des cris d’horreur chez les tenants de la tradition, tandis que les « modernes » applaudissaient des deux mains. Voilà donc un Nobel aussi discuté que discutable… Et Dylan fut fidèle à son personnage, à sa réputation.

Ainsi, après avoir attendu deux semaines avant d’annoncer qu’il acceptait le prix, il refusa de se rendre à Stockholm pour recevoir le prix- prétextant un agenda très chargé alors qu’il n’avait aucun concert programmé à cette période, il se fit représenter par une chanteuse-photographe, Patti Smith, qui devant l’académie suédoise lut le discours de l’interprète de « Like a Rolling Stone », « Blowin’ in the Wind » ou encore « The Times They Are A-changin’ »

Un discours qu’il avait envoyé à l’Académie des Nobel le matin de la réception- ce qu’elle considéra être une marque de dédain ou, pour le moins, de légèreté de la part d’une personne qu’elle tient depuis lors pour un mufle. Finalement, quelques mois plus tard, il fit dans le plus grand secret le voyage à Stockholm- dans les statuts de l’Académie, il est prévu que si le récompensé ne se déplace pas pour recevoir son prix, il n’empochera pas le chèque qui accompagne la distinction. Un chèque de 800 000 euros !

S.B.


Dylan le businessman…

On peut être un des pères fondateurs de la pop culture et aussi… un businessman averti. La preuve avec Bob « le Zim » Dylan ! En effet, à la fin 2020, il a explosé la banque… Alors âgé de 79 ans, il a bousculé l’industrie musicale qui, depuis des décennies, vivait toujours selon les mêmes principes. Dylan lança un nouveau rapport à l’art et à l’argent.

Ainsi, il avait cédé l’ensemble de ses droits d’auteur à la major Universal- pour la bagatelle de 300 millions de dollars ! Techniquement, selon un expert de l’industrie musicale, les droits d’auteur « permettent de toucher des dividendes sur la diffusion d’un titre à la radio ou en streaming, sur des ventes d’album ou sur leur utilisation dans une publicité ou dans un film, les détenteurs de droits d’enregistrement peuvent décider de futures rééditions ».

Dylan le précurseur : en effet, peu après lui et suivant son exemple, ce sont deux poids lourds de la pop-rock music mondiale qui l’imitèrent. D’abord, Bruce Springsteen qui empocha, lui aussi, une somme estimée à environ 300 millions d’euros ; puis, Neil Young qui, lui, ne vendit que 50% de ses droits d’auteur… 

Deux ans plus tard, donc en juillet 2022, peut-être à court de liquidités ou ayant de nouveaux gros besoins (!!!), l’interprète de « Blowin’ in the Wind » a vendu ses droits d’enregistrement à Sony.

Des droits qui, comme l’indiquaient à l’époque « Billboard » et « Variety »- les « bibles » de l’industrie musicale, portent sur quasiment soixante ans de chansons de Dylan et aussi sur les « droits des futures nouvelles sorties » de chansons, selon un communiqué.

Au total, au moment de la signature de l’accord, pas moins de trente-neuf albums étaient concernés. Montant du deal : plus de 200 millions de dollars pour Bob Dylan ! ainsi, entre les droits d’auteur et ceux d’enregistrement, le « Zim » a empoché plus de 500 millions de dollars ! De quoi passer une retraite au soleil…

S.B.


 

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