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"Faire face" : une autobiographie de luttes et de combats de V (Eve Ensler) (c) Mamadi Doumbouya

Livres. Connue dans le monde entier pour « Les Monologues du vagin » sous le nom d’Eve Ensler, l’écrivaine et dramaturge américaine est devenue V. Féministe depuis toujours, elle signe « Faire face », une formidable autobiographie de combats personnels et publics autour de huit grands thèmes.


« Faire face » V (Eve Ensler) : un livre aussi essentiel qu’indispensable sur une vie de combats personnels et publics


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V (Eve Ensler) (c) Mamadi Doumbouya

Longtemps, jusqu’à l’âge de 67 ans et pour l’état-civil, elle s’est appelée Eve Ensler, Américaine née à Scarsdale (New York). En 2020, après avoir écrit « Pardon », elle a changé, est devenue V– et c’est cette lettre qu’elle signe son nouveau livre, « Faire face » (sous-titre : « Une vie de passion et de lutte »).

Avant ce changement de patronyme, elle était déjà mondialement connue par nombre de textes et d’essais, et aussi et surtout pour « Les Monologues du vagin », une pièce monument de la littérature féministe, traduite en 45 langues et jouée dans 112 pays…

Récemment, l’auteure et activiste étatsunienne, 70 ans, confiait avoir « toujours aimé la lettre ‘’v’’ : c’est une ouverture. Tant de mots fascinants commencent par un V : vagins, vulves… Depuis que j’ai changé de nom, je me sens légère. J’ai la sensation de vivre ma propre vie ».

V (Eve Ensler) est une femme de luttes et de combats. Dans « Faire face », un recueil pour une autobiographie, elle annonce : « Ce livre parle de ralentir, d’évaluer et de regarder, de regarder véritablement. Il parle de se souvenir et d’honorer les êtres et les instants les plus vulnérables. (…) Il parle de ‘’prendre acte’’ ».

Dans une conversation, elle cite la poétesse américaine Adrienne Rich : « Le moment où une sensation pénètre dans le corps est politique », et glisse avoir « l’impression qu’une grande partie de ce qui se passe en moi se reflète en dehors- il n’y a pas de déconnexion » avant d’ajouter : « Désormais, ma priorité est d’honorer et d’aimer ce corps qui me maintient en vie ».

Cette vie que déroule V (Eve Ensler) dans « Faire face ». Un texte non pas chronologique mais thématisé- huit grands chapitres : Murs, Sida, Faim d’une mère, Féminicide, Le chagrin, Tomber, Peau, Prendre acte, et un épilogue.

Un texte constitué de d’extraits, d’articles de presse, de pièces en vers, de quelques images… Des mots pour dire l’intime, l’universel. Par exemple, le cancer de l’utérus dont elle a été victime et qu’elle avait déjà évoqué dans « Dans le corps du monde », publié en 2013, ce « cancer m’a radicalement transformée, explique-t-elle. Avant le diagnostic, je vivais en dehors de mon corps. Un jour, je me suis réveillée avec des tubes sortant de moi et, pour la première fois, j’ai senti que j’étais vraiment un corps. Pendant neuf mois, je me suis demandé si j’allais survivre. Mais ça a aussi été une aventure extraordinaire : je me suis reconnectée à mon corps, à la nature… »

Dans ces pages, il est question de son père qui l’avait violée quand elle avait 10 ans (ce qu’elle a raconté dans « Pardon »), de « ma mère qui n’aimait ma mère », de roses grosses comme des soucoupes ou encore d’une question existentielle : que deviendrons-nous sans contact physique ?

Au fil des pages de ce livre aussi essentiel qu’indispensable sur une vie de combats personnels et publics, V (Eve Ensler) ne manque pas d’évoquer l’écriture, « j’ai toujours besoin d’écrire. C’est la façon dont je me suis trouvée, dont j’ai su que je pouvais exister hors du périmètre des forces oppressives et violentes qui avaient déterminé, quand j’étais encore très petite, que je serais mauvaise et bonne à rien » ou encore : « Il se peut aussi qu’écrire soit une question de survie. Une façon de circonvenir le foutoir, de refuser de se laisser balayer par la tyrannie d’autrui ; un cri dans le noir ».



Au fil des pages, des joies- quelques-unes, et de la douleur, de tant de cette douleur « non ressentie consciemment, non partagée, non traitée ».

Dans la lignée du Women’s Lib et des grandes Betty Friedan, Germaine Greer, Gloria Steinem et Erica Jong, V (Eve Ensler) n’a jamais imaginé, en quarante ans de passion, d’action et de lutte, la vie autrement en faisant, encore et toujours, face.

Oui, se tenir debout et faire face, « disons ce que toutes les cellules de notre corps nous exhortent à taire. Franchissons les garde-fous, les tabous et les ronces du non-dit ». Parce que c’est une question de survie.

Serge Bressan

  • A lire : « Faire face » de V (Eve Ensler). Traduit par Mona de Pracontal. Denoël, 322 p, 21 €.

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« Faire face » de V (Eve Ensler)

EXTRAIT

« Il fait sombre là où je suis. C’est gris et intemporel et personne ne vient. Les bords sont flous. Les bords sont des trous remplis d’une boue épaisse et âcre qui sent le soufre, parfois, le sang des règles et l’urine. Ça fait trois ans que je n’ai pas de réveil à côté de mon lit. Que je n’ai pas de lit. Pas de lit fixe auquel je puisse retourner, de lit moelleux et accueillant. Je suis un gros bout de viande de vache sur un étal. On me déplace beaucoup. On me déplace de tables métalliques en lits de camp. Parfois je suis une pièce de viande de vache sur deux chaises dures en plastique orange… »

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