take me somewhere nice
Alma (Sara Luna Zorić), qui s'ennuie avec son cousin Emir (Ernad Prnjavorac), est à la recherche de son père (©Sonata Films)

Cinéma. Une adolescente néerlandaise originaire de Bosnie-Herzégovine part sur la terre de ses ancêtres à la recherche de son père malade : c’est l’histoire de départ de « Take Me Somewhere Nice », premier film en partie autobiographique de la jeune réalisatrice (néerlandaise et d’origine bosnienne) Ena Sendijarevic.


Il y a de la part de la jeune (33 ans) réalisatrice Ena Sendijarevic, toute une série de réflexions sur la quête d’identité, la migration et les frontières, la place de la Bosnie dans l’Union européenne, les différences entre hommes et femmes, les nuances entre nationalisme et patriotisme. Sa réalisation au style épuré, parfois minimaliste, fait penser aux films du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki


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Alma (Sara Luna Zorić), qui s’ennuie avec son cousin Emir (Ernad Prnjavorac), est à la recherche de son père (©Sonata Films)

Alma, 18 ans, vit avec sa mère aux Pays-Bas où ont émigré ses parents originaires de Bosnie. Son père, qu’elle n’a jamais connu, est retourné au pays et, quand elle apprend qu’il est malade, elle décide de faire le voyage pour le rencontrer.

Petits boulots

Elle est accueillie par son cousin Emir, pas très sympa, renfrogné, et qui n’est pas ravi de la revoir. Ce n’est pas le cas de son meilleur copain Denis, beau gosse et beau parleur, qui commence à la draguer. Emir et Denis sont sans emploi fixe et se débrouillent comme ils peuvent, en faisant de petits boulots.

Alma veut que les deux copains la conduisent vers son père à l’hôpital de Podvelezje, riante cité à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Sarajevo. Mais Emir, qui est le seul à avoir une voiture, ne veut pas, contrairement à Denis. Alors Alma décide d’y aller toute seule, en autocar. C’est le début d’un voyage plein d’imprévus…

Du mal à définir son identité

C’est le premier long-métrage (après trois courts-métrages) de la réalisatrice Ena Sendijarevic, 33 ans, qui, comme l’héroïne de son film, est d’origine bosnienne et vit aux Pays-Bas où elle a suivi ses études. Le film, explique-t-elle, « raconte l’histoire d’une adolescente qui a du mal à définir son identité. Elle n’est ni de l’Est ni de l’Ouest, puisqu’elle est née de parents yougoslaves, mais qu’elle a grandi dans un pays à l’opposé des Balkans: les Pays-Bas. Elle n’est ni une petite fille, ni une femme, car elle a découvert la sexualité mais, en même temps, elle reste très naïve et ouverte au monde d’une manière un peu enfantine. Elle se retrouve sans cesse à naviguer entre les opposés: nouveau contre ancien, père contre mère, Ouest contre Est, coup d’un soir contre amour durable, masculin contre féminin, calvinisme hollandais contre islam bosniaque, iPhone contre nature sauvage, passeport européen contre âme yougoslave ».


« Take me Somewhere Nice »: Road movie adolescent dans les Balkans


« Entre-deux »

« Que signifie appartenir à cet «entre-deux» dans notre monde toujours plus globalisé? Est-ce que cela veut dire n’appartenir à aucun de ces deux mondes? Comment concilier les opposés? (…). « Take Me Somewhere Nice » est un film très personnel, presque autobiographique, qui exprime de façon intuitive la solitude des êtres de cet «entre-deux» », ajoute-t-elle, même si elle précise qu’Alma n’est pas son double au cinéma: « J’ai intentionnellement choisi un personnage très éloigné de ma propre personnalité, parce que je ne souhaitais pas raconter mon histoire personnelle ».

Sa réalisation au style épuré, parfois minimaliste, fait penser aux films du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki: un appartement et un réfrigérateur envahis de bouteilles d’eau, des endroits déserts ou tristounets (parkings, boîtes de nuit, bars, hôtel, hôpital, gare routière), beaucoup de scènes muettes ou avec des dialogues décalés. Il ne se passe pas grand-chose mais ce road movie adolescent dans les Balkans (Emmène-moi dans un endroit sympa, dit le titre) oscille entre l’ennui d’une jeunesse désœuvrée et le dynamisme d’une génération avide de croquer la vie.


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Une valise mystérieuse

take me somewhere niceIl y aura dans cette histoire un voyage en autocar qui tourne court, une valise mystérieuse, un train, un garage, un chien écrasé sur la route, un autre petit chien trouvé, des poissons morts dans un aquarium, de la drogue, un numéro d’illusionniste, une bagarre sur une plage de galets…

Il y a aussi, de la part de la réalisatrice, toute une série de réflexions sur la quête d’identité, la migration et les frontières, la place de la Bosnie dans l’Union européenne, les différences entre hommes et femmes, les nuances entre nationalisme et patriotisme.

Mots d’auteur

Et cela amène parfois –principal défaut de ce film sympathique–, en opposition à la sobriété générale des dialogues, des séquences un peu bavardes et démonstratives avec des mots d’auteur placés dans la bouche des acteurs: « Artiste ou prostituée, c’est du pareil au même. On cherche toutes un peu d’attentions et d’argent… », dit une chanteuse/prostituée rencontrée en chemin. « De nos jours, les femmes ont-elles besoin d’être protégées? Vous congelez notre sperme et faites des robots pour les tâches physiques. Les hommes sont en voie d’extinction, c’est eux qui doivent être protégés », assène Denis. « Les gens ont toujours deux raisons. La bonne raison et la vraie raison », philosophe Emir. Quant à la différence entre nationalisme et patriotisme, « l’un est basé sur la haine, l’autre sur l’amour », explique le même Emir…

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« Je déteste les Pays-Bas. Il fait froid, les gens sont froids » (Alma).


cinégong logo« Take Me Somewhere Nice » (Bosnie-Herzégovine/Pays-Bas, 1h31). Réalisation: Ena Sendijarevic. Avec Sara Luna Zorić, Ernad Prnjavorac, Lazar Dragojevic (Sortie le 14 juillet 2021)

  • Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong

 

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