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François-Henri Désérable publie "L'Usure d'un monde" (Gallimard) ©AFP - Ludovic Marin

Lire sur la plage. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions. On commence avec « L’usure d’un monde » de François-Henri Désérable pour un voyage dans un Iran qui descend dans la rue, sur les pas de l’écrivain suisse Nicolas Bouvier ; on continue avec « Vers les hauteurs » de Ludovic Escande pour grimper le long des façades et filer vers les hauteurs, et on termine avec « Soleil oblique » de Donal Ryan, l’un des meilleurs écrivains de l’Irlande contemporaine pour un recueil étourdissant de nouvelles. Bonne lecture à toutes et tous !

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Lire sur la plage : « L’Usure d’un monde » de François-Henri Désérable

FRANÇOIS-HENRI DÉSÉRABLE : « L’usure d’un monde »

D’abord, une dédicace : « Aux Iraniennes vent debout cheveux au vent ». Puis des mots de l’écrivain-voyageur suisse Nicolas Bouvier (1929- 1998), extraits de « L’Usage du monde » (1963) : « Ici, où tout va de travers, nous avons trouvé plus d’hospitalité, de bienveillance, de délicatesse et de concours que deux Persans en voyage n’en pourraient attendre de ma ville où pourtant tout marche bien ».

L’auteur français François-Henri Désérable, quatre livres au compteur, s’est mis dans les pas du Suisse. Et a programmé un voyage en novembre et décembre 2022, quarante jours en Iran, de Téhéran aux confins du Baloutchistan.

Quelques semaines auparavant, était morte Mahsa Amini, une étudiante d’origine kurde arrêtée pour « port de vêtements inappropriés ». Au pays des mollahs, les manifestations surgirent dans les rues, les femmes scandaient : « Femme, vie, liberté ».

Retour d’Iran où règne la « mollahcratie », Désérable a écrit un texte aussi implacable que bouleversant, « L’usure d’un monde »– somme de chapitres courts pour choses vues. Le Ministère des Affaires étrangères lui avait déconseillé le voyage- trop tard, il était déjà dans l’avion pour Téhéran. Alors, il a observé, rencontré, parlé- il a voulu aussi mettre au jour les colères étouffées d’un peuple.

  • « L’usure d’un monde » de François-Henri Désérable. Gallimard, 162 pages, 16 €.

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Lire sur la plage : « Vers les hauteurs » de Ludovic Escande

LUDOVIC ESCANDE : « Vers les hauteurs »

Ainsi, la vie pourrait se résumer sur cette Terre en deux composantes : le sol et les dragons. Deux éléments indispensables à une vie de la voltige, si l’on en croit Ludovic Escande, éditeur parisien de 50 ans, auteur d’un premier roman remarqué (« L’Ascension du mont Blanc », 2017) et qu’on retrouve avec un deuxième texte, « Vers les hauteurs ».

Un roman d’altitude et d’apesanteur écrit par Ludo, un homme qui avait le vertige, qui avait une crise personnelle et familiale avec un divorce, qui a deux amis écrivains et alpinistes de très haute altitude et de grands espaces.

Un soir de cafard, son ami Vincent (sous l’habit duquel on devine facilement Sylvain Tesson) lui propose d’escalader la façade de son immeuble parisien. Tous deux se retrouveront à minuit sur les toits de l’immeuble abritant les fameuses Editions de… Minuit.

Début d’une passion pour le narrateur, celle de l’alpinisme urbain qu’on appelle stégophilie, cette « perversion sexuelle consistant à faire l’amour aux toitures des villes » comme le définit Frédéric Beigbeder.

Les toits du 6ème arrondissement parisien n’ont plus de secrets pour ce narrateur qui, avec son ami, assis sur une toiture, lit les grands auteurs, dans la nuit équipé d’une lampe frontale. Alors, Ludo savoure la compagnie des mouettes et des chauve-souris…

  • « Vers les hauteurs » de Ludovic Escande. Allary éditions, 242 pages, 18,90 €.
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Lire sur la plage : « Vers les hauteurs » de Donal Ryan

DONAL RYAN : « Soleil oblique »

La réputation est belle : à 47 ans, Donal Ryan est tenu pour l’un des meilleurs écrivains de l’Irlande contemporaine. On l’avait découvert et apprécié avec son premier roman, « Le cœur qui tourne » (2015). Suivirent trois autres livres, tout aussi fameux, et voilà Ryan de retour en librairie avec « Soleil oblique et autres histoires irlandaises ».

Un recueil de vingt nouvelles, impeccable, aussi violent qu’émouvant, aussi cinglant que caressant. L’auteur fait preuve, là dans ces récits courts (jamais plus d’une quinzaine de pages) tous à la première personne du singulier, d’une capacité à capter le moindre détail, ce peu qui fait le tout…

Chez Ryan, on s’offre une balade chez les dingues et les paumés- chez les « gens de peu ». En Irlande et à Londres. C’était hier, c’est aujourd’hui avec ces personnages sérieusement cabossés, pour certain.e.s à l’intérieur, pour d’autres à l’extérieur.

Ce sont des « vies minuscules », aiment à répéter l’écrivain irlandais qui trouve son bonheur dans l’écriture de la nouvelle, ce « territoire impitoyable, alors que le roman offre une protection et un gîte ».

« Soleil oblique » fermé, nous accompagnent encore longtemps ces personnages qui, à la veille de la mort, rembobinent leur vie. Ce fut douloureux. Ce fut cruel.

  • « Soleil oblique » de Donal Ryan. Traduit par Marie Hermet. Albin Michel, 258 p, 21,90 €.

Serge Bressan

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