Livres d’été. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions : on commence avec « Le Sexe des femmes » d’Anne Akrich, un livre petit format pour un texte ramassé autour du désir et de la femme ; ensuite, on se glisse dans les années 1970-1980 avec « Sans départir » de Diane de Beauvau-Craon, une princesse belle et funky, et enfin, on plonge dans « En été » avec Karl Ove KnaisGaard, un des grands auteurs scandinaves pour un catalogue des petites choses le temps d’un été. Bonne lecture à toutes et tous !
Livres d’été : Anne Akrich, Diane de Beauvau-Craon, Karl Ove Knausgaard
ANNE AKRICH : « Le Sexe des femmes »
Un titre sans équivoque. Un sous-titre qui pourrait emmener du côté de Roland Barthes… C’est un livre petit format, aussi ramassé que dense. C’est « Le Sexe des Femmes » d’Anne Akrich qui, en 2018, avait signé un « Traité de savoir-rire à l’usage des embryons ».
Là, on la retrouve pour un texte en trois mouvements, en trois épisodes autour du désir. Elle écrit : « L’intérêt que je porte à mon sexe a relevé tour à tour de la passion féroce, de la fouille archéologique ou de la névrose- selon les spécialistes consultés à ce sujet. Depuis quelque temps, il a viré au cauchemar. Comment en suis-je arrivée là ? »
De l’auteure, Virginie Despentes- sœur en féminisme, dit : elle « est un courant féministe à elle toute seule », la qualifiant d’« abrasive, hilarante et grave ». Au fil du texte follement enlevé d’Anne Akrich et né du viol de sa petite sœur à 12 ans par leur oncle qui a été condamné à une peine de prison, on avance dans un inventaire avec du sexe mais aussi des mensonges et même des idéaux…
Loin des discours empesés de nombres de féministes de salon ou des textes savants de Germaine Greer, on a là une auteure qui, sur un sujet aussi essentiel que « Le Sexe des Femmes », sait manier l’humour- même écrire : « Je suis belle. Je ne suis ni jolie ni mignonne, je suis renversante »…
- « Le Sexe des Femmes » d’Anne Akrich. Gallimard, 194 pages, 18,50 €
LIRE AUSSI : Philippe Conticini, prince de la pâtisserie et voltigeur de l’innovation
DIANE DE BEAUVAU-CRAON : « Sans départir »
On la surnomme « la princesse destroy », on la dit « faste et curieuse » ou encore pécheresse, voire punk… A 66 ans, Diane de Beauvau-Craon a enfin décidé de se raconter- ce que lui avait suggéré Andy Warhol, lorsqu’elle avait 21 ans. Construit à partir des notes consignées sur quinze carnets, elle signe « Sans départir », un texte diablement punky.
Dernière des princesses Beauvau-Craon, d’une lignée remontant aux maréchaux d’Empire de Napoléon, elle a grandi dans la soie entre les beaux quartiers parisiens et le château paternel dans l’Est de la France. Enfant, elle est déjà rebelle, se fera virer des établissements scolaires qu’elle fréquente. A la sortie de l’adolescence, elle quitte Paris- direction New York.
Les années 1970- 1980. On y atterrit au Studio 54, haut lieu de la fête. Elle va y croiser le must de la culture pop-underground, Warhol bien sûr et aussi Roy Halston (le Yves Saint Laurent américain), le photographe Robert Mapplethorpe ou encore le couple Mick et Bianca Jagger. La drogue et l’alcool, aussi. « J’étais devenu une loque humaine », confesse-t-elle. Elle file au Maroc, se marie et donne naissance à un fils. Elle décroche de l’alcool et de la drogue, voilà vingt ans. Aujourd’hui, elle vit en Italie, avec son quatrième mari…
- « Sans départir » de Diane de Beauvau-Craon. Grasset, 322 pages, 22 €.
LIRE AUSSI : « Peloton maison »: Paul Fournel « roi de la petite reine », décrypte le cyclisme
KARL OVE KNAISGAARD : « En été »
Musicien, il aurait pu être Vivaldi. Peintre, il aurait été Arcimboldo. Mais voilà, il est Norvégien, a 53 ans et est écrivain de très belle réputation. Et après une grande aventure littéraire (« Mon combat », 4 000 pages de 2010 à 2020) et la naissance de sa fille, il a mis fin au « je » et est passé à un cycle en quatre saisons dans lequel il raconte le monde qui attend son enfant. Au début, il y eut l’automne et récemment, il a clos le cycle avec « En été ».
Dans cette saga en quatre saisons, il a développé les deux thèmes qui lui sont chers : la vie non humaine (entre autres, les animaux et les objets) et les saisons. C’est délicieusement bucolique, avec groseilles, moustiques, chauves-souris, arroseurs automatiques, glaçons dans les verres et aussi ce vélo, « moyen de transport mécanique qui se compose d’un cadre et de deux roues ».
Avec l’écrivain norvégien, on passe de la coccinelle à l’apocalypse. Certain.e.s ont voulu voir dans ces pages une parentèle avec les mots et livres de Philippe Delerm- à tort. Chez Knausgaard, c’est la quête permanente de « la profondeur dans la surface »… Petit bonheur supplémentaire pour « En été » : le livre est délicatement ponctué d’aquarelles d’Anselm Kiefer. Ultime élégance pour, comme l’écrivait Francis Ponge, ce « parti pris des choses »…
- « En été » de Karl Ove Knausgaard. Denoël, 418 pages, 23 €.
Serge Bressan