On a lu et on adore
On a lu et on adore "Une enfance française" de Farida Khelfa (photo) ©DR/Albin Michel

On a lu et on adore. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions. On commence avec Farida Khelfa– l’ex-mannequin figure des années 1980 et devenue réalisatrice de documentaires, pour un récit autobiographique suffocant sur son « enfance française ». On enchaîne avec « Portrait d’aujourd’hui » le texte écrit en 1921 par Hilda Doolittle, une des figures de l’« imagisme », entre roman et nouvelle ; et on boucle la semaine avec « Stella et l’Amérique » de Joseph Incardona pour les aventures d’une putain qui fait des guérisons miraculeuses.

on a lu et on adore Farida Kelfa
On a lu et on adore « Une enfance française » de Farida Kelfa

FARIDA KHELFA : « Une enfance française »

Deux premières phrases d’ouverture cinglantes : « Ma mère est morte hier. Je n’ai pas pleuré. Dans la chaleur caniculaire d’août, je suis rentrée à Paris le jour même ». Premières phrases d’« Une enfance française », le récit autobiographique de Farida Khelfa.

Née à Lyon en 1960, elle est actrice et réalisatrice de documentaires après avoir été une des mannequins les plus en vue dans les années 1980. Elle travailla et défila pour, entre autres, Jean-Paul Gaultier… Ces temps, elle vient donc à nous avec un livre.

Un texte au fil duquel elle confie comment elle est passée d’une enfance fracassée au firmament de la mode. Elle écrit : « J’ai une dette envers mes parents. Je leur dois la vie. Mais pas le pardon… » Elle a grandi aux Minguettes à Vénissieux, banlieue de Lyon. Famille nombreuse, père et mère algériens. Gens de peu, le père trime, boit beaucoup, frappe fort femme et enfants…

Au fil des pages, l’auteure évoque une vie d’immigrés, avec ce père violent, « victime de la colonisation », glisse-t-elle. Il y a aussi l’inceste, l’illettrisme, le racisme… Elle écrit aussi : « Il me fallut du temps pour comprendre que ma mère était une femme sous influence. Elle revêtait chaque jour sa camisole chimique, avançait ainsi, le regard brumeux et austère » ou encore : « J’étais une émigrée, je le suis restée »

  • « Une enfance française » de Farida KhelfaAlbin Michel, 258 pages, 19,90 €.
on a lu et on adore hilda doolittle
On a lu et on adore « Portraits d’aujourd’hui » de Hilda Doolittle

HILDA DOOLITTLE : « Portrait d’aujourd’hui »

Dans les premières années du XXè siècle, la littérature anglo-saxonne vit la naissance de l’« imagisme », un mouvement initié par Ezra Pound avec T.S. Eliot et aussi l’Américaine Hilda Doolittle (1886- 1961), dite H.D. Amie de D.H. Lawrence, elle est tenue pour l’une des poétesses les plus importantes de son époque. En 1921, elle boucle un texte, « Portrait d’aujourd’hui » (« Paint It Today », en VO).

La version en anglais paraît en 1992, la VF en ce début 2024… Dans la préface, Antoine Cazé évoque le « portrait de l’artiste en jeune homosexuelle » et « une de ces œuvres souterraines et fondamentales »Entre roman et nouvelle, en huit chapitres et 125 pages, H.D. (se) raconte et explore deux de ses relations les plus fortes, les plus marquantes.

Tout en introspection poétique, le texte se met dans les pas de Mite. Qui tombe amoureuse de Josepha. Un voyage en Europe, puis la séparation, Josepha se mariant. Mite aussi avec Basil qui ne se gêne pas pour la tromper. Ensuite, Mite va rencontrer Althea, naissance de nouvelles amours avec de longues promenades en forêt et réflexions sur le monde qui va.

Est-ce un portrait ? Une peinture ? Conseil de l’auteure, qu‘il faut d’urgence lire ou relire : « N’essayez pas de peindre la destruction que l’on imaginait hier pour après-demain, ni les canons de beauté d’hier ».

  • « Portrait d’aujourd’hui » de Hilda Doolittle. Traduit par Juliette Frustié. Editions des femmes– Antoinette Fouque, 130 pages, 14 €.
on a lu et on adore joseph incardona
On a lu et on adore « Stella et l’Amérique » de Joseph Incardona

JOSEPH INCARDONA : « Stella et l’Amérique »

Précédemment, nous étions allés, dans son sillage, en Suisse et les banques genevoises puis en France sur les plages d’Aquitaine pour apprécier des fresques sociales et politiques. Cette fois, changement de registre : avec « Stella et l’Amérique », l’écrivain suisse d’origine italienne Joseph Incardona nous embarque outre-Atlantique dans des bars du sud des Etats-Unis.

Là, y court une rumeur. Il y a, dans les parages, une fille qui accomplit des guérisons miraculeuses quand on couche avec elle- exemple, un client a une maladie sur le visage et les mains. On lit : « On a fait ce pour quoi il est venu, et ce soir, il revient et il n’a plus rien. Je vois son visage, sa peau est pure et lisse comme celle d’un enfant ».


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En résumé, « Stella et l’Amérique », c’est des miracles, une putain et la mort aux trousses. C’est aussi la malice incarnée… Et pour tout arranger, le Vatican est vraiment embarrassé par la situation- pensez donc, exceptée Marie Madeleine, l’Eglise et la prostitution n’ont jamais fait bon ménage.

Voilà donc Stella et ses deux anges gardiens (un journaliste et un prêtre) poursuivis par deux tueurs du Saint-Siège. Avec verve, humour et pétillance, Joseph Incardona flâne dans des contrées fréquentées par les frères Coen ou encore Guillermo del Toro. Pour notre plus grand bonheur !

  • « Stella et l’Amérique » de Joseph Incardona. Finitude, 226 pages, 21 €.

Serge Bressan

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