Le Book club de We Culte/« Un été 79 ». Dans son nouveau roman, Jean-Philippe Blondel retrace les vacances de la famille Royer dans les Alpes durant l’été 1979. Ce moment particulier, dans une famille en crise, va changer la vie du père, de la mère et de leurs deux enfants. Mais il nous permet aussi de replonger dans une époque si proche et déjà si lointaine.
Notre note
★★★★ (On a adoré)
« Un été 79 » : Avec cette radiographie douce-amère d’un noyau familial au bord de l’implosion, Jean-Philippe Blondel est au meilleur de sa forme
Pour échapper aux congés traditionnels au pied des Pyrénées dans belle famille, Michel propose de réserver dans un village de vacances pour familles (VVF) des Alpes. Une quinzaine qui lui permettra de faire un break et de trouver l’opportunité d’annoncer à Andrée, son épouse, qu’il a accepté la proposition de la SNCF de travailler à Paris, dans les bureaux qui donnent sur la Gare Saint-Lazare. Car la vie de famille commence ä lui peser. Sa femme prend ses distances et il ne comprend plus vraiment ses enfants, surtout le cadet, Philippe, qu’il trouve « gauche. Maladroit. Empoté. Et méprisant ».
Le portrait est cruel, mais Blondel sait contrebalancer l’ironie par une forme de lucidité désabusée : « Non. Ce sont des choses qu’on n’a pas le droit de dire. Ni même de penser d’ailleurs. Les enfants sont une bénédiction. »
Tout le roman baigne dans cette tonalité ambivalente, oscillant entre tendresse et exaspération. Ainsi Philippe, 15 ans, voit une opportunité dans ce séjour. Il va certes délaisser pour quelques temps Sylvie, son amoureuse, mais fera de nouvelles découvertes. Et surtout, il sera débarrassé de son frère Pascal, 22 ans, qui est l’enfant modèle, lisse, prometteur, « un vrai séducteur », là où lui n’est qu’un « littéraire à la traîne ».
C’est à travers ses yeux que le lecteur perçoit les fissures de cette famille modèle en apparence, et c’est dans sa solitude intérieure que se loge une forme de révolte douce.
En cet été 1979, il semble bien que l’état de crise soit le lot commun à tous les membres de la famille Royer. Car Andrée, directrice d’école, a décidé de changer de vie. Elle en a assez d’une relation qui tourne en rond et entend reprendre sa liberté. Les vacances s’annoncent donc explosives. mais elles apporteront leur lot de surprises, de nouvelles rencontres et de remises en question.
Avec cette radiographie douce-amère d’un noyau familial au bord de l’implosion, Jean-Philippe Blondel est au meilleur de sa forme. Comme toujours, il cherche dans les hésitations, les regards fuyants, les silences prolongés – qui en disent plus que les dialogues – l’essence de la crise. Il suggère, il observe.
À travers les détails – l’odeur du parfum à la lavande d’un collègue défunt, les repas de surgelés, les chansons du hit-parade – il recompose tout un univers d’une France en pleine mutation, après la fin des Trente Glorieuses et le désenchantement politique post-68. L’arrivée du disco et la bande-son du roman suffisent du reste à nous replonger dans l’ambiance de l’époque.
« Un été 79 » n’est pas un roman de grands bouleversements. C’est un roman de seuils franchis en silence, d’aveux contenus, de décisions qui se murmurent. Ici, chaque phrase semble posée comme une pierre discrète sur le chemin d’une vérité intime qui excelle à dépeindre les nuances. On y découvre les contradictions des adultes, la pesanteur des conventions, les silences qui gangrènent le quotidien.
À la manière de 6 h 41 ou de La Mise à nu, il choisit une temporalité courte et resserrée, où tout bascule sans fracas. L’humour discret, l’amertume lucide, et la tendresse en filigrane forment une palette qui est devenue sa signature, celle d’un écrivain qui sait, avec délicatesse, débusquer l’inquiétude dans les habitudes, l’inconsolable dans le convenu. Un roman bref, pudique et juste — comme un cliché de vacances qu’on retrouve des années plus tard, jauni, mais intact.
Henri-Charles Dahlem
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- « Un été 79 » Jean-Philippe Blondel. Éditions de l’Iconoclaste. Roman 262 p., 20,90 €.
Paru le 3/04/2025
A propos de l’auteur
Né en 1964, Jean-Philippe Blondel est professeur d’anglais dans un lycée de province. Chez Delphine Montalant, il a publié en 2003 Accès direct à la plage, son premier roman, qui a rencontré un vif succès et a obtenu le prix Marie-Claire-Blais 2005, et 1979 (2004). Juke-Box (2004), Un minuscule inventaire (2005), Passage du gué (2006) – prix Biblioblog 2007 –, This is not a love song (2007) – prix Charles Exbrayat 2008– et À contretemps (2009) ont paru aux Éditions Robert Laffont. Le Baby-Sitter (2010), G229 (2011), Et rester vivant (2011) – prix Virgin- Femina 2011 –, 06 h 41, Un hiver à Paris (2015), Mariages de saison (2016), La Grande Escapade (2019) et Un si petit monde (2021), ont paru aux Éditions Buchet/Chastel. Suivront Café sans filtre (2023) Traversée du feu (2024) et Un été 79 (2025) à l’Iconoclaste. (Source : lisez.com / Wikipédia)