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Miossec : "Je voulais reprendre mes vieux morceaux de l'album "1964" pour les arranger avec un grand orchestre. Je trouve que cela sonne encore mieux" (c) Claude Gassian

Musique/Interview. À l’occasion de la réédition de son album mythique « 1964 », nous sommes allés à la rencontre de Miossec. 20 ans après la sortie de cet opus, le chanteur brestois revient sur ce qui a marqué un tournant dans sa carrière et sur l’impact de cet album dans la chanson française. Dans cet échange sincère et sans détour, Miossec nous parle de son rapport à la musique, de sa vie en Bretagne, de sa vision de la société actuelle et des enjeux politiques à venir. Un témoignage d’un artiste engagé et fidèle à lui-même, qui continue de surprendre par sa lucidité et sa poésie.


« 1964 » : « 20 ans après sa sortie, je n’aurais jamais cru que l’album revienne à la surface et qu’il prenne cette place-là » (Miossec)


1964 miossec
Miossec (c) Claude Gassian

La réédition de votre album « 1964 » suscite un grand intérêt. 20 ans après sa sortie, que représente-t-il pour vous ?

Miossec : C’était un peu inespéré comme histoire. Je n’aurais jamais cru qu’il revienne à la surface et qu’il prenne cette place-là. Je voulais reprendre mes vieux morceaux pour les arranger avec un grand orchestre. Je trouve que cela sonne encore mieux.

Cette réédition inclut une version originale enregistrée avec l’orchestre lyrique d’Avignon. Pourquoi ne pas l’avoir publiée à l’époque ?

Miossec : A l’époque, j’avais 40 ans, je trouvais cela un peu tôt pour reprendre mes morceaux avec un grand orchestre. Du coup, je me suis mis en tête de composer à toute vitesse. Les délais étaient courts, c’était assez dingo. J’avais vraiment le couteau sous la gorge ! (rires). C’est un album qui a été fait en toute urgence. Ce qui est étonnant, c’est de voir comment il a été composé. Il n’y a pas de loi dans la musique.

Avec ce côté brut qui reste dans l’interprétation…

Miossec : C’est intéressant, quand on est dans l’air du temps, c’est très agréable. Il y a beaucoup de productions des années 90, début 2000, qui sont terriblement marquées. Et c’est vrai que « 1964 » reste intemporel. Pour moi, c’était marrant de livrer les versions telles qu’elles ont été jouées avec l’orchestre. Il y a un truc de discipline auquel je n’étais pas habitué. Avec un grand orchestre, tu ne déconnes pas. Tu ne peux te permettre de te rater en concert ou de te prendre les pieds dans le tapis, car on n’entend plus que ça. Cela demande de la rigueur.

Cela donne aussi un nouveau souffle à vos chansons…

Miossec : Cela m’a vraiment fait du bien. C’était aussi l’idée de Joseph Racaille (arrangeur de l’album). Je composais mes chansons à la guitare, j’étais à Paris à l’époque. J’apportais mes chansons avec une guitare à Joseph, il relevait les notes et il écrivait tous les arrangements. Ce qui pour moi est toujours un peu de la science-fiction, la science de l’arrangeur.



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« 1964 » : l’album culte de Miossec (c) Claude Gassian

Vous avez contribué à définir la nouvelle scène française dans les années 90. Comment voyez-vous l’évolution de la musique aujourd’hui ?

Miossec : Je trouve cela incroyablement féroce. C’est torrentiel les propositions. C’était beaucoup plus facile de se distinguer dans les années 90 qu’aujourd’hui. Cela n’a rien à voir. Pour arriver à suivre, il faut s’accrocher. C’est devenu délirant. Il y a toujours des trucs un peu drôles. Rien que sur Brest, il y a plein de choses bien, même si ce n’est pas évident de tourner, de gagner sa croûte en tant qu’artiste avec la musique, c’est devenu dingue.

Vous vivez dans le Finistère, en Bretagne. Quel rôle joue cette région dans votre vie et votre musique ?

Miossec : Avec les années, j’ai l’impression d’être vraiment du coin. Tout ce que je fais, tout ce que je suis, cela vient de là, de ma famille. Le fait d’être de Brest, d’avoir un père pompier, un grand-père décédé pendant la guerre… C’est toute l’histoire brestoise, qui est une histoire maritime, mais guerrière également. Une histoire ouverte sur le monde même si on est au bout du monde et que l’on n’est pas tourné vers Paris.

Plus qu’un lieu de ressourcement, pour moi, c’est la source. Cela justifie mon existence de musicien, de chanteur. Avoir écrit « Brest », qui a été acceptée par les Brestois… J’ai l’impression que si je n’avais qu’une chanson, ça serait celle-là. Cela rentre dans la tradition de cette ville qui est vraiment très musicale.

Que pensez-vous de la société et des enjeux politiques, vous qui chantiez « entrons en résistance, entrons en dissidence » (« Le stade de la résistance ») ?

Miossec : L’actualité politique, c’est là que cela devient dangereux. J’ai l’impression que l’on prépare le pire consciencieusement. J’ai toujours suivi la politique depuis que je suis gamin, mais ces temps-ci, c’est compliqué.

Vous avez souvent évoqué des thèmes comme la désillusion, la fuite, mais aussi la beauté des petites choses. Quels sont vos espoirs ?

Miossec : L’espoir, c’est qu’il y ait pas trop de désespoir à venir ! Quand on est de gauche, on a toujours cette naïveté de croire et d’espérer. Le moindre rayon de lumière vous fait du bien. Le problème, c’est qu’ils ne sont pas très fréquents.

Vous définiriez-vous comme quelqu’un de pessimiste ?

Miossec : Concernant l’humanité, oui, évidemment. Autrement, dans la vie, non. C’est ça qui est marrant. Je ne porte pas mes chansons toute la journée, dès le réveil. Mais c’est vrai que faire des chansons drôles, ce n’est pas quelque chose d’évident. C’est un peu idiot, mais dans l’écriture, j’ai une sorte de sincérité. Quand je suis sur scène, si je raconte des conneries, ce sont des conneries juste par rapport à moi. C’est d’ailleurs problématique d’être à ce point la gueule dans le guidon.

Les concerts ne me laissent pas indemne. Je n’ai pas ce professionnalisme qui mettrait une distance. Je n’ai pas la sensation de faire un show, un spectacle ou d’être dans un divertissement. C’est plutôt le cœur qui parle. C’est hyper brut. Je ne sais pas faire autrement. D’ailleurs, depuis le départ, je suis toujours étonné de voir qu’il y a du monde aux concerts.

En 2023 au moment de la tournée de l’album « Simplifier », vous aviez été contraint d’annuler plusieurs dates de concerts pour raison de santé suite à votre cancer des cordes vocales. Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Miossec : Je vais mieux. Je peux parler, donc c’est déjà pas mal. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais c’est une sacrée histoire. Cela ne rigole pas. Je suis content car la tournée va reprendre en février 2025. Je ne m’amuserai pas à chanter quatre fois par semaine comme j’ai pu le faire à une époque. Je ferai deux concerts par semaine, histoire de ne pas être dans le stress.

Entretien réalisé par Victor Hache


  • Album : Réédition Miossec « 1964 » en double cd et double vinyle/Pias
  • En tournée : 7/02/2025 BBC (Hérouville Saint-Clair), 27/02 L’Aéronef (Lille), 14/03 Echonova (Vannes), 15/03 Salle Jean Carmet (Allonnes), 1/04 Festival Mythos Rennes (Rennes), 18/04 et 19/04 Mairie Agon Containville, 15/05, Le Trianon (Paris)…

 

 

 

 

 

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