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Olivier Adam publie "Tout peut s'oublier" • Photo: Joel Saget - AFP

Livres. Le désarroi d’un père entre Bretagne et Japon par Olivier Adam, la « bombe » du ciné italien recherchée par Philippe Brunel, un roman noir très noir avec Hervé Le Corre, de l’amour et de la manipulation de marionnettes avec Dina Rubina et un voyage dans le surnaturel extrême dans le spas de William T. Vollmann. Voici nos cinq suggestions de lecture de la semaine.      

livre: "tout peut s'oublierOLIVIER ADAM : « Tout peut s’oublier »

Deux passions revendiquées : la Bretagne et le Japon. Deux passions pour décor de « Tout peut s’oublier », le nouveau roman d’Olivier Adam, 46 ans, arrivé dans le monde du roman en 2000 avec « Je vais bien, ne t’en fais pas », 15 romans au compteur à ce jour et par ailleurs brillant de livres jeunesse. Donc, la Bretagne et le Japon pour ce roman dont le titre est une phrase de « Ne me quitte pas », la chanson de Jacques Brel. Personnage principal de celui que des mesquins ont surnommé « le romancier urgentiste » (en raison de son abondante production littéraire, certainement) : Nathan. Il vit à Saint-Malo, est exploitant d’une salle de cinéma. Quand il va chez son ex-femme, Jun la belle céramiste japonaise, pour récupérer Léo leur fils de 4 ans, l’appartement est vide. Le roman est double : Nathan va tenter de revoir son fils mais le Japon ne reconnaît pas de droit à un étranger marié à une ressortissante revenue au pays. C’est le thème « mon fils, ma bataille ». Et puis, en bon maître d’histoires, Olivier Adam lance Nathan en amitié avec une voisine, Lise. Gabriel, Le fils de celle-ci, est révolté contre ses parents bourgeois et parti à Paris où il s’est retrouvé embringué dans un groupe d’ultra-gauche et casseur pendant les manifestations des « gilets jaunes »… Avec « Tout peut s’oublier », Olivier Adam signe le beau roman d’un cœur en miettes, de la disparition et du désarroi d’un père…

  • « Tout peut s’oublier » d’Olivier Adam. Flammarion, 272 pages, 20 €.

livre: laura antonelli n'existe plusPHILIPPE BRUNEL : « Laura Antonelli n’existe plus »

Un aveu du narrateur : « J’ignore encore ce qui a pu m’entraîner aussi loin dans cette histoire. Quel élan, quelle secrète instance m’a poussé à recomposer, cet été là, le temps d’un bref séjour à Rome, le peu que je sais où que j’ai pu savoir de Laura Antonelli… » Une certitude : le narrateur a reçu un appel téléphonique pour le moins énigmatique d’un producteur de cinéma, il ne lui a pas fallu plus pour partir pour rallier la capitale italienne dans l’espoir de retrouver Laura Antonelli (1941- 2015), actrice au faîte de la gloire dans les années 1970-80. Luchino Visconti, qui l’avait fait tourner dans « L’Innocent » (1976), affirmait qu’elle était « la plus belle femme du monde ». C’était le temps où on la présentait comme la « bombe » du cinéma italien, où s’enchaînaient soirées poudrées et / ou hollywoodiennes et amours compliquées. Un jour, la police débarque dans sa villa de Cerveteri et y trouve 36 grammes de cocaïne. Pour la « bomba atomica » du 7ème Art transalpin, commence alors la descente aux enfers. Elle se réfugie dans un appartement romain, n’en sort plus. Quand certains trouvent sa trace, elle dit : « Laura Antonelli n’existe plus ». Ces cinq mots ont donné titre au nouveau roman de Philippe Brunel, romancier « modianesque » et jusque l’an passé, « plume » d’excellence du quotidien sportif  » L’Equipe ». Un texte en grâce, lumière et ombre, tout simplement étourdissant…

  • « Laura Antonelli n’existe plus » de Philippe Brunel. Grasset, 198 pages, 18 €.

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livre: traverser la nuitHERVE LE CORRE : « Traverser la nuit »

Des allures de trinité noire… Un flic désenchanté, une femme mère de famille harcelée par son ex, un homme tueur en série sous emprise d’une mère toxique. On y ajoute Bordeaux détrempé et crépusculaire avec des ambiances poisseuses, voire glauques et ce cocktail détonnant donne un des meilleurs romans noirs du moment : « Traverser la nuit » de Hervé Le Corre, maître dans le genre du polar noir, bien noir- ce qui lui valut en 2014 le prix du Polar européen pour « Après la guerre ». Avec « Traverser la nuit », l’auteur- né à Bordeaux en 1955, joue une fois encore le noir- parce que, explique-t-il, c’est la teinte la plus adaptée pour « dépeindre notre monde ». Il y ajoute un rythme narratif volontairement lent. Rythme parfait pour ce flic désœuvré qui n’en peut plus de la violence, des féminicides, des infanticides ; pour cette Louise enfermée dans la honte d’être maltraitée par son ex et qui trouve une lueur quand elle regarde son fils Sam, ce « petit magicien, seul capable d’enchanter » son quotidien ; pour ce Christian, victime d’inceste par sa mère toxique et tueur de jeunes femmes qu’il enterre… En apparence, rien ne relie ces trois personnages. Avec Hervé Le Corre, il en est tout autre. Alors, il suffit de traverser la nuit. Le jour se lèvera- peut-être…

  • « Traverser la nuit » de Hervé Le Corre. Rivages, 320 pages, 20,90 €.

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livre: le syndrome de petrouchkaDINA RUBINA : « Le Syndrome de Petrouchka »

Elle est née à Tachkent (Ouzbékistan) en 1953, y a grandi, s’est mariée, publie d’abord dans les années 1970 des nouvelles qui lui vaudront le surnom de « Françoise Sagan soviétique ». Elle se marie, déménage à Moscou après être devenue membre de l’Union des écrivains de l’URSS. Depuis les dernières années 1990, Dina Rubina vit en Israël. Et en ce début d’année, nous parvient son cinquième roman traduit en français et paru originellement en 2010 : « Le Syndrome de Petrouchka ». Magnifique voix de la littérature contemporaine, la romancière sait à la perfection, tout en mots, nous envoyer des cartes postales visuelles, mais aussi olfactives et emplies de sons. Ainsi, le lecteur est embarqué dans un voyage de Jérusalem à Jérusalem à Sakhaline, en passant par Berlin ou encore Lviv, cette ville d’Ukraine toute proche de la Pologne. Et puis, il y a Petia (diminutif de Petrouchka, le Polichinelle russe), cet artiste renommé, cet homme mû par deux passions : les marionnettes et Liza, l’amour de sa vie, celle qu’il a épousée à 16 ans et emmenée à Léningrad. Ensemble, ils présentent un numéro fameux dans lequel, à la fin, elle imite une poupée. L’histoire bascule le jour où, Liza ne pouvant plus monter sur scène, Petia décide de fabriquer une marionnette à l’image de sa compagne. Avec Dina Rubina, « Le Syndrome de Petrouchka » déborde, pour notre bonheur et notre joie, de délicatesse. De poésie, aussi…

  • « Le Syndrome de Petrouchka » de Dina Rubina. Traduit par Marie Lhuillier. Macha Publishing, 424 pages, 21,50 €.

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livre:dernières nouvelles et autres nouvellesWILLIAM T. VOLLMANN : « Dernières nouvelles et autres nouvelles »

Dans une adresse au lecteur, on relève les mots : « En regardant ce bas monde défiler sous ma fenêtre, je me demande comment il aurait fallu que je vive ». Et l’écrivain américain William T. Vollmann, 60 ans, National Book Award 2005 pour « Central Europe », d’ajouter, présentant son nouveau livre, « Dernières nouvelles et autres nouvelles », qu’il lui paraît bien tard pour changer ce qu’il fut. Il assure refuser de se plaindre et ne nourrir qu’un seul regret, « celui de voir le plaisir toucher à sa fin ». Vollmann fut, un temps, journaliste- ce qui donne souvent à ses écrits des allures de reportage, tout en veillant à ne jamais céder à la « vérité objective ». Ainsi, avec « Dernières nouvelle set autres nouvelles »près de 900 pages pour des axiomes, neuf grands chapitres avec 32 nouvelles (plus précisément, des « histoires courtes ») et un post-scriptum, l’auteur emmène son lecteur dans les contrées infinies du surnaturel. Dans ce voyage « kolossal » à travers les âges, il propose les Balkans avec une version de « Roméo et Juliette » sous les bombes pendant le conflit yougoslave entre 1991 et 2001, le Japon, le Mexique ou encore la Scandinavie… et la Californie sous domination espagnole au temps des conquistadores, sans oublier l’Amérique profonde d’aujourd’hui. Toutes ces trente-deux nouvelles sont liées les unes aux autres par un fil (qu’importe sa couleur !) fait de désir et de mort– deux thématiques récurrentes chez William T. Vollmann. Il y a aussi les fantômes, ceux qui hantent les vivants. Peut-être est-ce aussi le contraire- qu’importe, avec Vollmann, ce sont toujours les morts qui demeurent…

  • « Dernières nouvelles et autres nouvelles » de William T. Vollmann. Traduit par Pierre Demarty. Actes Sud, 884 pages, 28 €.

Serge Bressan

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