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Leïla Slimani publie "Le Parfum des fleurs la nuit" • Photo : VALERIE MACON

Livre. Prix Goncourt 2016 pour « Chanson douce », Leïla Slimani a accepté de passer une nuit, seule, dans un musée à Venise. Dans son nouveau livre « Le Parfum des fleurs la nuit », elle raconte son rapport à l’art contemporain, mais aussi le souvenir de son père ou encore sa relation à l’écriture.              

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Leïla Slimani publie « Le Parfum des fleurs la nuit » • Photo : VALERIE MACON

Il y a la question, lancinante : « Dans quel piège suis-je encore allée me fourrer ? Pourquoi ai-je accepté d’écrire ce texte alors que je suis intimement convaincue que l’écriture doit répondre à une nécessité (…), à une urgence intérieure ? » Oui, dans quel piège, alors que Leïla Slimani, 39 ans, prix Goncourt 2016 pour « Chanson douce », avait décidé de dire non lorsqu’elle rencontra l’éditrice lui présentant le projet.

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Finalement, la romancière a accepté, s’est retrouvée une nuit, seule à Venise, à la Punta della Dogana– ce musée qui ressemble à un bateau brise-glace, avec sa proue pointue ( » On dirait que le bâtiment va se mettre à glisser sur l’eau, qu’il va se mouvoir, se faire bateau, caravelle, voilier aux mains d’un équipage en mal d’aventures »), et a écrit, pour la collection « Ma nuit au musée », « Le Parfum des fleurs la nuit »– un texte-réflexion d’un peu plus de 150 pages.

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Leïla Slimani. DR

Vite, elle prévient qu’elle n’est pas vraiment fan d’art contemporain– alors que la Punta della Dogana en est un haut lieu… Donc, pas question de se lancer, pour la romancière, dans de grandes considérations sur l’art et les œuvres exposées dans ce musée vénitien, propriété de la Fondation Pinault. Avec malice, Leïla Slimani s’offre un pas de côté, allongée sur le lit de camp dans une salle de la Punta. Elle s’interroge :  » Comment la féministe, la militante, l’écrivain que j’aspire à être, peut-elle fantasmer de quatre murs et d’une porte bien fermée? Je devrais vouloir briser les cages, souffler sur les remparts jusqu’à les faire trembler et s’écrouler… »

Bien sûr, il y a cette œuvre, ce rideau de billes rouge en plastique mais elle se laisse aller aux sensations, aux sentiments, aux souvenirs (comme ces fleurs appelées les « galants de nuit » qui exhalent leur parfum seulement à la nuit tombée)… Leïla Slimani saisit l’occasion pour évoquer son père mort une quinzaine d’années plus tôt, ancien directeur qui a dirigé une grande banque au Maroc, été emprisonné à cause d’un scandale politico-financier puis innocenté… Et profite de l’occasion aussi pour de belles réflexions sur l’écriture comme « Écrire, c’est jouer avec le silence, c’est dire, de manière détournée, des secrets indicibles dans la vie réelle » ou encore : « L’écriture est l’expérience d’un continuel échec, d’une frustration indépassable, d’une impossibilité. Et pourtant, on continue. Et on écrit ».

Serge Bressan

livre "le parfum des fleurs la nuit"Lire : « Le parfum des fleurs la nuit » de Leïla Slimani. Stock, 162 pages, 18 €.

EXTRAIT

    « Si je n’avais rien à raconter sur l’art contemporain, qu’allais-je bien pouvoir dire sur Venise ? Il n’y a rien de plus effrayant, pour un écrivain, que ces sujets sur lesquels il semble que tout a déjà été dit. (…) Je ne peux pas me contenter de célébrer la beauté de la ville, décrire mon émotion, utiliser des expressions comme « la Sérénissime » ou « la cité des Doges ». Impossible de parler des eaux stagnantes, de la mélancolie, de l’humeur rieuse de Goldoni, de la beauté qui s’offre à chaque coin de rue… »

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