Télé. Comment perdre sa vie en croyant la gagner ? «Vivre sa vie» relate les débuts difficiles d’une toute jeune femme qui préfère se prostituer plutôt que travailler honnêtement pour presque rien. C’est le thème choisi par Jean-Luc Godard, cinéaste mythique de la Nouvelle Vague, dans ce film en 12 tableaux, glaçant et intelligent. A voir vendredi 11 mars sur France 5 –21 :00.
« Vivre sa vie » : la prostitution vue par Jean-Luc Godard, avec Anna Karina
L’HISTOIRE
Une jeune femme, Nana (Anna Karina), vendeuse, désire devenir actrice et vivre à Paris. Elle a quitté son amant avec lequel elle s’ennuyait, peut-être parce qu’elle ne l’aimait plus ou qu’il était désargenté. L’argent est ce qui compte le plus pour elle. Plus tard, on la retrouve employée chez un disquaire, à Paris. Elle ne peut payer son loyer. Ensuite, on la voit fréquenter des hommes de passage.
Puis, elle accepte de poser dénudée pour un photographe. Un jour, elle est arrêtée pour avoir volé une femme dans la rue. Celle-ci a porté plainte, la soupçonnant surtout de se prostituer. Elle va jusqu’à rencontrer une entremetteuse, recommandée par une amie, pour laquelle elle pourrait travailler. Elle rédige une lettre d’embauche : «J’ai 22 ans, je suis jolie…». Elle a choisi la prostitution afin de gagner, croit-elle, beaucoup d’argent. Ce choix la mènera au drame.
NOTRE AVIS (***)
Avec cette réalisation, Jean-Luc Godard voulait trouver une nouvelle forme cinématographique. Dans ce film, son 4ème, il remplace le récit linéaire en découpant l’histoire en 12 tableaux et utilise le décalage son/image. Cela permettait de maintenir le spectateur à distance et à le faire réfléchir plutôt que ressentir. Il opérait ainsi une rupture radicale avec la narration classique.
«Vivre sa vie» est une œuvre particulière où le mythique cinéaste de la Nouvelle Vague rompt avec le cinéma français au style très littéraire. Par moment, les sous-titres remplacent les dialogues. Il filme son égérie en noir et blanc et Anna Karina est belle comme elle ne l’a jamais été.
La prostituée de Godard est impeccable sur elle comme dans sa tête. Même si elle n’est pas en phase avec la société, elle vit pleinement ses décisions jusqu’au bout, un personnage en rupture totale avec la morale, le bien-pensant, dans une naïveté déconcertante. Elle ira de ratages en déceptions jusqu’au drame, inévitable.
Nana n’a pas de difficultés à joindre «les deux bouts» comme certains l’ont pensé. Elle veut beaucoup d’argent pour réaliser ses rêves et ils sont immenses. Le film est froid, austère, même si Anna Karina est féminine et élégante. On y parle de littérature (Edgar Poe, Alexandre Dumas), ce qui peut dérouter les spectateurs…. ou leur donner l’envie de lire leurs œuvres.
Il y a une belle leçon de philosophie entre Nana et Brice Parain dans un café chic. Elle lui dit que parler, souvent, ne sert à rien. Il lui explique : «On ne peut vivre sans parler. Pour parler il faut penser. On ne peut bien parler que quand on regarde la vie…. l’amour est une solution à condition qu’il soit vrai….». Pour Nana, il est déjà trop tard.
Jane Hoffmann
- A voir : «Vivre sa vie» (1962) de Jean-Luc Godard. Avec Anna Karina, Sady Rebbot, André S. Labarthe, musique de Michel Legrand, directeur de la photographie Raoul Coutard, sur France 5 vendredi 11 mars -21:00.
