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"Babylon" : Brad Pitt et Margot Robbie ©Paramount Pictures

Sortie cinéma. Et si, pour bien commencer l’année, vous preniez un bain de cinéma de trois heures? Avec son dernier film « Babylon » (ce mercredi 18 janvier sur les écrans), le petit génie du cinéma américain, Damien Chazelle, réalisateur de « La La Land », fait une déclaration d’amour au septième art, un hommage ému et émouvant, flamboyant, époustouflant d’inventivité artistique et de maîtrise technique.


« Babylon » : du grand art filmé en Cinémascope, avec le moins d’effets spéciaux et de trucages numériques possibles


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« Babylon » : Le film s’ouvre par une longue séquence décrivant une fête démesurée dans le manoir d’un producteur d’Hollywood, à laquelle s’invite la jeune actrice Nelly LaRoy (Margot Robbie), qui veut devenir une star (©Paramount Pictures).

Il a choisi pour cela l’époque des années 20, au moment de la création d’Hollywood dans le désert de Los Angeles et du passage du cinéma muet au cinéma parlant, en racontant l’histoire de trois protagonistes inspirés de personnages réels.

Trois personnages principaux

Le premier est un immigré mexicain, Manny Torres (Diego Calva), qu’on voit dès le début du film: homme à tout faire, il tente de tenir sa promesse de transporter un éléphant à une grande fête organisée par un magnat d’Hollywood dans son manoir en plein désert.

Manny va y rencontrer une autre outsider d’Hollywood, qui comme lui rêve de se faire une place dans le cinéma: l’apprentie-starlette Nellie LaRoy (Margot Robbie), qui ne doute de rien et saura saisir sa chance au bon moment.

Troisième protagoniste de l’histoire: un acteur renommé et adulé, Jack Conrad (Brad Pitt), en pleine gloire mais qui va devoir s’adapter à l’arrivée du cinéma parlant –un personnage à l’image des John Gilbert, Douglas Fairbanks et autres Rudolph Valentino de l’époque.

Fête démesurée

Tous les trois vont se trouver mêlés à des milliers d’invités de cette fête démesurée, décadente, dépravée: de longs plans-séquences dans ce manoir donnent à cette soirée orgiaque des airs de métaphore de ce Hollywood surnommée à l’époque Babylone, en référence à sa symbolique biblique, « Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre ».



Et tous les trois vont vivre leur destin dans l’usine à rêves d’Hollywood, l’usine à sublimer et à broyer les êtres humains, leurs espérances, leur carrière, leur existence…

Chantons sous la pluie

Damien Chazelle, 38 ans, a choisi de raconter ce passage du cinéma muet au parlant, qui était déjà le thème principal du chef d’œuvre de 1953 de Stanley Donen CHANTONS SOUS LA PLUIE, un de ses films préférés et auquel il rend hommage à la fin. Mais « BABYLON, c’est la version cauchemardesque de CHANTONS SOUS LA PLUIE », dit-il.

« Mon film est une lettre d’amour au cinéma et une missive violente contre Hollywood », a expliqué le réalisateur franco-américain dans une interview à Paris-Match, reconnaissant à l’industrie du cinéma « une vitalité incroyable et une force de création qui me fait vibrer ». Mais « elle a été et elle reste une industrie qui détruit, qui avale, qui broie. C’est sans pitié. Alors, après la douceur de LA LA LAND, je voulais explorer cette part brutale. Après le rêve, le cauchemar ».

Moments de bravoure

Après la fête dans le manoir et ses excès dans tous les sens, filmée pendant une vingtaine de minutes, les moments de bravoure se succèdent tout au long des 3h09 que dure ce BABYLON et on en prend plein les yeux: un plateau géant dans le désert avec quatre tournages simultanés de films muets; une superbe double scène de Nellie qui pleure devant la caméra et de Jack Conrad au soleil couchant; des morceaux de jazz, un peu partout; un émouvant dialogue entre une critique hollywoodienne et Jack Conrad sur la fin de sa carrière et sur l’éternité des acteurs et des films; une virée souterraine avec un mafieux dans les bas-fonds de Los Angeles avec un molosse qui avale… (oups, on ne va pas spoiler); et le feu d’artifice final, dans lequel Damien Chazelle exprime tout son amour du cinéma.

Hommage à tous les métiers du septième art

Outre les trois personnages principaux, le réalisateur rend hommage à tous les métiers du septième art: pas seulement les acteurs, mais aussi les réalisateurs, les producteurs, les techniciens, même les critiques.

Et la galerie de seconds rôles est riche: une réalisatrice, Ruth Adler (interprétée par la productrice Olivia Hamilton), qui se débrouille aussi bien que les hommes; la critique et chroniqueuse mondaine Elinor St. John (Jean Smart), témoin des changements de l’industrie du cinéma; un trompettiste de jazz virtuose nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo); une chanteuse mystérieuse lors de la fête, Lady Fay Zhu (Li Jun Li), qui peut tout aussi bien écrire des cartons de sous-titres; le mafieux James McKay (Tobey Maguire), homme d’affaires et criminel mais qui rêve lui aussi d’être un artiste et un entrepreneur.

Audacieux et boursouflé

C’est drôle, rythmé, très musical, audacieux et boursouflé, plein d’emphase et d’histoires parallèles, de fureur et de démesure. Mais pas dénué de vérité historique: « Plus je faisais de recherches sur les débuts d’Hollywood, plus je me rendais compte à quel point cette période était folle », affirme Damien Chazelle.

Sur la longueur, certaines séquences peuvent paraître longues (les premières répétitions parlantes de Nellie LaRoy), mais ce sont des métaphores du cinéma. Par exemple la virée du mafieux McKay qui entraîne Manny dans le monde souterrain de Los Angeles n’a qu’un seul but: captiver l’attention du spectateur, qui se demande ce qu’il va se passer.

Brad Pitt au-dessus du lot

Des trois acteurs principaux, l’inconnu Diego Calva est une révélation et Margot Robbie assume d’en faire parfois un peu trop, alors que Brad Pitt, qu’on voit moins, se révèle au-dessus du lot. C’est lui qui, à plusieurs reprises (un peu trop souvent, ce qui est un peu répétitif), rappelle que le cinéma, c’est plus grand que la vie –et que c’est ce qu’attend le public: « Je pense que le cinéma, c’est du grand art. Ce n’est pas un art mineur », dit-il à un moment.

Du grand art que ce « Babylon », oui, filmé en Cinémascope sur pellicule 35mm, avec le moins d’effets spéciaux et de trucages numériques possibles. Et qu’il faut aller voir en salle, sur un grand écran (comme un autre film de trois heures récemment sorti, AVATAR-2). Car la télévision, les séries, le streaming, les plates-formes, les ordinateurs et les portables menacent aujourd’hui la survie du cinéma à l’ancienne.

Peur de disparaître

Cette peur de disparaître a toujours existé depuis que le cinéma existe: c’est l’un des messages du film, qui évoque le danger couru lors du passage du muet au parlant. « Cette peur a toujours été présente », explique Damien Chazelle dans une interview au dernier numéro du mensuel Première« Elle est là depuis le début, depuis Lumière qui disait qu’il n’y avait pas d’avenir pour le cinéma. Puis il y a eu la menace de la radio, de la télévision, des cassettes vidéo, des DVD, etc. Le cinéma est mort vingt fois déjà! »

« Pourtant, cette impression perdure que le cinéma est fragile et qu’il y a quelque chose qu’on pourrait perdre. C’est peut-être pour ça que je suis optimiste. Je pense que le cinéma durera toujours », ajoute-t-il. Tant qu’il y aura des films comme BABYLON

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « On ne devient pas une star. On l’est ou on ne l’est pas » (Margot Robbie, au début du film).


  • A voir : « Babylon » (États-Unis, 3h09).Réalisation: Damien Chazelle. Avec Brad Pitt, Margot Robbie, Diego Calva (Sortie 18 janvier 2023)

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