la ligne film
"La Ligne" : Entre la mère (Valeria Bruni Tedeschi, à gauche) et la fille (Stéphanie Blanchoud), les relations sont tendues (©Bandita Films/Diaphana Distribution).

Sortie cinéma. La mère et sa fille sont au bord de la crise de nerfs et finissent par y plonger: ce sont les conséquences d’une relation très chaotique que raconte le film « La Ligne » (ce mercredi 11 janvier sur les écrans), de la réalisatrice suisse Ursula Meier.


« La Ligne » : un film fort qui ausculte sans pitié et sans artifice des relations familiales dégradées


la ligne
« La Ligne » : Valeria Bruni Tedeschi (©Bandita Films/Diaphana Distribution)

Au générique de début, au ralenti, on voit l’incident qui déclenche tout: pour une raison qu’on ignore, Margaret (Stéphanie Blanchoud), 35 ans, gifle violemment sa mère Christina (Valérie Bruni Tedeschi), dont la tête heurte le piano. Deux hommes présents, membres de la famille, ont du mal à maîtriser la jeune furie.

100 mètres à la ronde

Celle-ci est arrêtée par la police puis rapidement jugée: il lui est interdit, pendant trois mois, d’approcher à moins de 100 mètres de la maison familiale. « 100 mètres, c’est 100 mètres. Pas 50 ou 85 », dit le juge.

Tandis que Christina, ancienne pianiste célèbre, est brièvement hospitalisée et a perdu l’audition d’une oreille, Margaret, ancienne chanteuse guitariste, s’installe dans un autre appartement, celui de son ex et ancien partenaire de scène (Benjamin Biolay), qui l’accueille à contre-coeur car il connaît bien ses problèmes de violence et de caractère irascible.

Petits boulots

Margaret, tout en trouvant des petits boulots (employée d’une poissonnerie, vigile dans un parking de centre commercial), veut des nouvelles de sa mère. Mais elle ne transgresse pas l’interdiction judiciaire. Elle est consciente de la violence de son agression.



Elle va reprendre contact avec l’aide de sa petite sœur Marion (Elli Spagnolo), 12 ans, qui matérialise sur le sol (sur la pelouse autour de la maison, sur la route qui passe à côté), avec de la peinture bleue, la ligne des 100 mètres à ne pas franchir. Entre les deux sœurs, puis parfois avec leur troisième sœur, le dialogue renaît. Avec la mère, c’est plus compliqué…

Distanciation sociale

La réalisatrice Ursula Meier, 51 ans, dont c’est le troisième long-métrage (après « Home » en 2008 avec Isabelle Huppert et « L’Enfant d’en haut » en 2012 avec Léa Seydoux), avait imaginé cette histoire d’éloignement mère-fille en construisant un scénario pour lequel, explique-t-elle, « j’ai commencé à tracer des lignes et des cercles autour de la maison imaginaire afin de figurer des espaces interdits à Margaret. Et puis, comme si les lignes que je traçais sur le papier et au milieu desquelles je me perdais parfois avaient contaminé l’espace réel autour de moi, j’ai commencé à les voir apparaître dans les rues, peintes sur le bitume, les lieux publics… »

Et puis est arrivé le moment du tournage, en 2021. « L’espace se quadrillait jour après jour… La distanciation sociale et les gestes barrières entraient dans nos vies. Les frontières entre les pays se refermaient les unes après les autres. Je me suis alors rendue compte à quel point le projet résonnait de façon troublante avec ce que nous étions en train de vivre en pleine pandémie ».

Famille dysfonctionnelle

Pour autant, pas d’allusion ici à la crise sanitaire, c’est une histoire intime, dans une famille dysfonctionnelle, qui est racontée. La mère a le mauvais rôle, insupportable, qui joue les divas et semble ne pas avoir suffisamment aimé ses filles dans leur enfance, leur faisant porter la responsabilité de l’arrêt de sa carrière de pianiste.

Face à cette mère défaillante, Margaret est celle qui a le plus souffert du manque de dialogue et d’amour maternels. Et cela se traduit par un caractère à fleur de peau et des moments de violence. « Margaret se bat. Physiquement. Elle se bat comme un homme. Comme un animal blessé », explique la réalisatrice. « Elle se bat parce qu’elle ne peut pas faire autrement, parce qu’elle n’a pas les mots, parce que son corps la dépasse. Hyper-sensible, elle n’a pas de filtre entre elle et le monde extérieur ».

Festival de Berlin

Le film, qui était en compétition au dernier Festival de Berlin, n’a pas vocation à divertir son public: c’est sombre et dur, avec une atmosphère pesante illustrée par des morceaux de musique classique déprimants. Aucun sourire ne vient adoucir ce face-à-face mère-fille.

Mais c’est un film fort, qui ausculte sans pitié et sans artifice des relations familiales (et essentiellement féminines) dégradées. Et que le spectateur, au sortir de la salle, ne pourra chasser de son esprit aussi facilement qu’une comédie ou qu’un film d’aventures.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « C’est drôle, on ne sait pas si c’est loin ou pas loin, 100 mètres » (Valeria Bruni Tedeschi).

  • A voir : « La Ligne » (Suisse, 1h43). Réalisation: Ursula Meier. Avec Stéphanie Blanchoud, Valeria Bruni Tedeschi, Elli Spagnolo (Sortie 11 janvier 2023)
  • Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Laissez un commentaires
Merci d'entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.