empire of light
"Empire of Light" : Olivia Colman et Micheal Ward © Searchlight Pictures

Sortie cinéma. Un joli portrait de femme fragile, une histoire d’amour, de la bienveillance et de l’amitié sur fond de nostalgie des années 80: dans son nouveau film « Empire Of Light » (ce mercredi 1er mars sur les écrans), Sam Mendes se souvient de son adolescence. Et déclare son amour au cinéma.


« Empire of Light » : « À la base, le film traite des familles que nous créons autour de nous et qui nous aident à traverser la vie. Je suppose que cela vaut la peine de se le rappeler » (Sam Mendes)


empre of light
« Empire of Light » : Hilary (Olivia Colman) et Stephen (Micheal Ward) assistent au feu d’artifice du Nouvel An sur la terrasse de l’Empire, le cinéma où ils travaillent (©Searchlight Pictures).

Comme Steven Spielberg dans THE FABELMANS actuellement à l’affiche, le réalisateur britannique rend hommage au septième art: les films, mais aussi les lieux où on les regarde –pas les plates-formes ou les ordinateurs chez soi, mais les salles de cinéma. Et comme Spielberg, il réalise son film le plus intime, en évoquant une salle de cinéma indépendante d’une petite ville anglaise, au début des années 80 (il avait alors 15 ans).

« Pour la plupart des gens, leur période la plus formatrice est leur adolescence. Pour moi, c’était la fin des années 70 et le début des années 80: la musique, les films, la culture pop de cette période ont globalement formé qui j’étais », explique le réalisateur d’AMERICAN BEAUTY, des SENTIERS DE LA PERDITION, des James Bond SKYFALL et 007 SPECTRE, et du chef d’œuvre en vrai-faux plan-séquence 1917.

Beau cinéma à l’ancienne

L’Empire est un beau cinéma à l’ancienne, à l’intérieur art-déco, dans une station balnéaire du sud-est de l’Angleterre, en face de la plage. Il y a deux salles, une caisse vitrée à l’entrée pour les tickets et une autre surplombée d’un lustre au centre du vaste hall pour les confiseries et le pop-corn, de la moquette, des murs dorés et blancs, un double escalier en marbre de 16 marches avec tapis rouge pour accéder à la salle-1, à l’intérieur des salles un rideau devant l’écran, des moulures et des statues, et des sièges repliables.



En cette fin d’année 1980 il neige un peu, les deux films à l’affiche sont THE BLUES BROTHERS et ALL THAT JAZZ, Hilary (Olivia Colman) salue les spectateurs à la fin de la dernière séance de la journée: « Merci d’être venus ». Responsable de la petite équipe du cinéma qui compte six autres employés, elle subit et accepte tant bien que mal les abus sexuels du directeur (Colin Firth), un homme marié à l’aspect de prime abord sympathique et sociable.

Santé mentale fragile

Olivia, qui travaille là depuis des années, ne voit jamais les films projetés dans les deux salles mais aime son métier. Elle vit seule et tente de préserver une santé mentale fragile: déprimée et bipolaire, elle a fait un séjour en hôpital psychiatrique et est soignée au lithium.

Son existence semble se dérouler au ralenti, sans éclat mais sans drame. Elle se sent simplement « éteinte », dit-elle à son médecin. Tout va changer avec l’arrivée d’un nouvel employé, Stephen (Micheal Ward), un jeune immigré d’une vingtaine d’années originaire de Trinidad, jovial et ouvert aux autres malgré le racisme dont il est souvent victime. Il porte sur Olivia un regard prévenant puis bientôt amoureux, ravivant chez la quadragénaire un goût de vivre qu’elle croyait évaporé…

Scénario écrit pendant le confinement

Sam Mendes avait co-écrit le scénario de son précédent film 1917 mais, avec EMPIRE OF LIGHT, c’est la première fois qu’il réalise un film dont il a écrit seul le scénario. Et, pour ce projet très personnel, une autre similitude avec THE FABELMANS de Spielberg est que ce scénario a été élaboré pendant le confinement dû à la crise du Covid.

« EMPIRE OF LIGHT est un film presque entièrement né de la pandémie », explique-t-il. « Le confinement a été une période d’intense examen de conscience et de réflexion pour nous tous. Et pour moi, cela signifiait commencer à affronter ces souvenirs avec lesquels je luttais depuis l’enfance ».

La présence d’Olivia Colman

Aux côtés du jeune acteur peu connu Micheal Ward (oui, Micheal, pas Michael), sobre et sympathique, Olivia Colman porte le film sur ses épaules, présente pratiquement de bout en bout, impressionnante. Après une quinzaine d’années de petits rôles, elle s’était fait connaître du grand public en remportant en 2019, à la surprise générale, l’Oscar de la meilleure actrice pour LA FAVORITE, dans lequel elle interprétait la reine Anne d’Angleterre, dernière de la lignée des Stuart au début du 18e siècle. Depuis, elle a repris la couronne royale en interprétant Elisabeth II dans les saisons-3 et 4 de la série THE CROWN.

Bienveillance

Ici dans le personnage d’Hilary, elle illustre le message que délivre Sam Mendes sur la manière dont le cinéma, mais aussi la musique, les amis, la bienveillance des autres, le rapprochement entre les personnes, le sentiment d’appartenance à un groupe peuvent aider à soigner les blessures personnelles (la dépression et la solitude pour Hilary, le racisme et l’envie d’ailleurs pour Stephen). La générosité et la gentillesse dont font preuve les collègues de travail d’Hilary en sont le symbole le plus touchant.



« À la base, le film traite des familles que nous créons autour de nous et qui nous aident à traverser la vie –et de la façon dont les gens sont réunis pour prendre soin les uns des autres, choisissant la gentillesse, la compassion et l’empathie. Je suppose que cela vaut la peine de se le rappeler, dans ce monde nouveau dans lequel nous vivons », dit Sam Mendes.

Maux de la société

Le réalisateur, en marge de ce portait délicat et simple du personnage d’Hilary, évoque certains maux de la société des années 80 qui n’ont pas disparu: par exemple les abus sexuels contre les femmes, ou le racisme, illustré par les manifestations anti-immigrés et les violences et insultes des skinheads envers Stephen.

C’est la signification du titre de ce beau film sensible et émouvant: comme remède à ces tourments de l’existence personnelle et à ceux de la société, il y a parfois, entre autres, ce petit faisceau de lumière qu’est le cinéma et qui, dit Stephen, « permet de s’évader » (encore une réflexion qui rappelle THE FABELMANS de Spielberg). En haut du mur au-dessus de l’entrée de la salle-1, sur fond blanc, les spectateurs de l’Empire pouvaient lire cette phrase: « Trouve la lumière au cœur de la noirceur ».

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « Voir des images statiques en succession rapide crée une illusion de mouvement. Une illusion de vie » (le projectionniste).


  • A voir : EMPIRE OF LIGHT (Grande-Bretagne, 1h54). Réalisation: Sam Mendes. Avec Olivia Colman, Micheal Ward, Colin Firth (Sortie 1er mars 2023).

cinégong logoRetrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong


 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Laissez un commentaires
Merci d'entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.