[Rentrée littéraire 2022] Une quatrième et dernière sélection pour cette rentrée des livres d’été 2022 avec ses 490 romans francophones et étrangers (31 de moins qu’en 2021) annoncés en parution d’ici la fin octobre. En toute subjectivité, « We Culte »  a retenu les romans de Rachel Cusk, Miguel Bonnefoy, Joseph Incardona, Nicolas Rey et Blandine Rinkel. Encore cinq romans indispensables !

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« La Rentrée des livres 2022 » : « La Dépendance » de Rachel Cusk

RACHEL CUSK : « La dépendance »

Depuis bientôt trente ans, elle se glisse en librairies. Rachel Cusk est née au Canada en 1967 et s’est installée, avec ses parents, en Grande-Bretagne sept ans plus tard. Devenue romancière remarquée, elle nous revient avec « La Dépendance » dont la version originelle a été saluée par le « New York Magazine » et le « Wall Street Journal ».

Après « L’œuvre d’une vie : devenir mère » (2021), voici donc « La Dépendance ». Certains, outre-Manche, y ont vu des airs de famille avec « Mrs Dalloway », un roman de Virginia Woolf paru en 1925. Belle parentèle mais on a là surtout un roman de Rachel Cusk- et c’est impeccable. Une fois encore, la romancière qui ne craint pas de se présenter féministe s’intéresse au quotidien d’une femme.

M est romancière (elle n’écrit plus vraiment), elle est comme on dit « entre deux âges », un premier mariage sans émerveillement entre conjugalité et maternité, et le départ avec son deuxième mari pour vivre dans les marais, en bord de côte. Avec la maison, une dépendance délicatement transformée en résidence d’artistes.



Le rêve de M : y accueillir L, un peintre qu’elle tient parmi les plus grands. Celui-ci accepte mais, déception de M, il débarque avec une créature tout autant de rêve qu’irritante. On y ajoute la fille de M et son mari qui se pointent… Dans ce cadre idyllique en bord de côte, des tensions ne tardent pas à surgir. La Dépendance, ce sont les lettres qu’a écrites M à Jeffers… elle y dit tout, par exemple : « Je t’ai déjà raconté, Jeffers, la fois où j’ai rencontré le diable dans un train au départ de Paris… »

Roman épistolaire, voilà une forme littéraire que Rachel Cusk manie à la perfection. Tout y est : les désirs, l’orgueil, la désillusion d’une femme pour qui, selon l’auteure, la seule solution pour sortir de l’aliénation conséquente des traditions, des mœurs et des religions est politique…

  • « La dépendance » de Rachel Cusk. Gallimard, 210 pages, 20 €.
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« La Rentrée des livres 2022 » : « L’inventeur » de Miguel Bonnefoy

MIGUEL BONNEFOY : « L’inventeur »

Né à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or) dans les premières années du 19ème siècle, il fut surnommé « Prométhée ». Homme de science, il a mis au point l’héliopompe- ce réflecteur parabolique flanqué d’une chaudière en verre cylindrique alimentant une machine à vapeur, il l’appellera Octave. En tout temps, cet inventeur serait une star, sauf que la machine n’a pas pu lutter contre l’industrie du charbon.

Et Augustin Mouchot mourut en 1912 dans la misère, oublié, retourné à cette ombre qu’il n’aurait jamais dû quitter… Jusqu’à ce que, après « Sucre Noir » (2017) et « Héritage » (2020), l’écrivain franco-vénézuelien Miguel Bonnefoy, avec « L’inventeur », le remette avec son habituelle élégance d’écriture dans la lumière. Gloire à Augustin Mouchot, l’inventeur qui a cru, bien avant tant d’autres, à l’énergie solaire !

  • « L’inventeur » de Miguel Bonnefoy. Rivages, 210 pages, 19,50 €.


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« La Rentrée des livres 2022 » : « Les Corps Solides » de Joseph Incardona

JOSEPH INCARDONA : « Les corps solides »

Une vie de peu. De presque rien. Anna vend des poulets rôtis sur les marchés. Pour améliorer l’ordinaire et la vie dans son mobil-home en bord d’Atlantique, pour que son fils Léo vive dignement en ne manquant de presque rien… Début d’histoire rapportée par l’écrivain Joseph Incardona, 53 ans, natif de Lausanne et auteur d’une douzaine de livres dont un très remarqué, « La Soustraction des possibles » (2020).

On le retrouve donc avec « Les corps solides », un grand roman sur la société contemporaine et son cynisme. A l’image de la Rome antique, le pouvoir donne au peuple des jeux (beaucoup) et du pain (un peu). Ainsi, quand dans un accident elle perd son camion- outil de travail, Anna va-t-elle avoir un autre choix que celui de participer à un jeu télé qui lui assurerait un chèque de 50 000 euros- synonyme de la fin des ennuis ?

  • « Les corps solides » de Joseph Incardona. Finitude, 274 pages, 22 €.
nicolas rey credit illimite
« La Rentrée des livres 2022 : « Crédit Illimité » de Nicolas Rey

NICOLAS REY : « Crédit illimité »

Bonheur et joie de retrouver, avec son « Crédit illimité », Nicolas Rey, écrivain qui s’était perdu dans des contrées peu fréquentables. Le voilà donc de retour avec un roman délicatement amoral, un roman qu’on ne peut qu’apprécier avec son personnage principal, Diego Lambert, la petite cinquantaine, à la ramasse financièrement. Alors, tout aussi humble qu’humilié avec un besoin urgent d’argent, il va voir son père, PDG d’une multinationale.

Celui-ci lui met le marché en main : OK pour t’aider, voici un chèque de 50 000 euros- à une condition, tu remplaces la DRH d’une de mes boîtes en province et tu licencies quinze ouvriers… A la découverte du monde ouvrier, s’ajoute l’idée de tuer chez Diego Lambert. Au pays de la loose, Nicolas Rey tricote, en rangs bien serrés, une farce oedipienne virevoltante et allégrement incorrecte !

  • « Crédit illimité » de Nicolas Rey. Au Diable Vauvert, 224 pages, 18 €.


blandine rinkel vers la violence
Blandine Rinkel : « Vers la violence »

BLANDINE RINKEL : « Vers la violence »

En Vendée, une fille et son père. Lou et Gérard Meynier, un patronyme qui signifie « robuste guerrier ». Le père illumine la vie de sa fille, tout en trimbalant des fantômes et de lourds secrets. Il est grande gueule, rit fort, son credo et son école : « la sensation du couteau, ces moments où l’on se sent un peu plus que vivant ». De Lou, il veut faire une femme féroce.

C’est « Vers la violence », le cinquième livre de Blandine Rinkel, après les très remarqués « L’abandon des prétentions » (2017) ou encore « Le nom secret des choses » (2019). Au fil du roman, on apprend que le père est idéaliste et diablement égocentré, qu’il a été un temps marin puis flic et qu’il demeure un sacré affabulateur. A ses côtés, Lou se construit, rebelle, et sera danseuse- elle dit : « Danser, c’est nager sans eau ». Un roman troublant et puissant.

  • « Vers la violence » de Blandine Rinkel. Fayard, 380 pages, 20 €.

Serge Bressan

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