françoise fabian sort son premier album

Icône du cinéma et du théâtre, la comédienne Françoise Fabian, s’est lancée dans la chanson à 85 ans, avec un premier album sorti au printemps. Un opus au registre émouvant et mélancolique réalisé par le chanteur Alex Beaupain, qu’elle dévoilera lors de trois représentations exceptionnelles à partir de lundi 19 novembre au théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet à Paris. Rencontre avec une artiste qui n’a jamais cessé de se réinventer.

Françoise Fabian: « C’était important pour moi de transmettre encore quelque chose. Ces chansons, ce sont comme des nouvelles, des histoires que l’on raconte avec le support de la musique. Je les aime d’amour (rires) »

Françoise Fabian nous reçoit dans son appartement, en plein cœur de Paris, à deux pas du Centre Beaubourg. Elle nous accueille avec un large sourire, heureuse de pouvoir parler de son premier album réalisé avec la complicité du chanteur Alex Beaupain. A 85 ans, elle se lance dans la musique et la chanson au travers d’un registre mélancolique magnifiquement émouvant. Icone du cinéma français et figure du théâtre, Françoise Fabian n’a jamais cessé d’être libre et de se réinventer, à l’image de cette femme éprise de liberté qu’elle incarne dans le film «Ma Nuit chez Maud» d’Eric Rohmer, l’un de ses plus grands rôles. «Après quoi courrions-nous » chante-t-elle en ouverture d’un opus aux chansons intemporelles écrites par Alex Beaupain, Julien Clerc, Charles Aznavour, Nicolas Ker, Vincent Delerm, Jean-Claude Carrière, Dominique A ou encore La Grande Sophie. Autant de chansons qui dessinent le portrait d’une amoureuse de la vie, qu’elle va interpréter lors de trois représentations exceptionnelles au Théâtre de l’Athénée Louis- Jouvet à Paris. Une nouvelle aventure et un rêve enfin réalisé pour Françoise Fabian, celui d’être chanteuse. Un rôle qui lui va à merveille.

françoise fabian sort un premier album à 85 ans
Françoise Fabian se dévoile en chansons avec un premier album qui porte sobrement son nom

Vous avez sorti au printemps votre premier album. Qu’est-ce qui vous a poussé à 85 ans, à vous lancer dans ce projet ? Françoise Fabian : C’était important pour moi de me lancer dans un projet aussi nouveau, prenant, de m’imprégner de tout ça et d’essayer de transmettre encore quelque chose. Ces chansons, ce sont comme des nouvelles, des histoires que l’on raconte avec le support de la musique. Je les aime d’amour (rires). Enfant, à la maison, on  écoutait la radio. J’ai été baignée par la musique. Comme mon père était catalan, toutes les chansons de Trénet, je les connaissais dès cinq-six ans. Ma mère, quand on allait se promener m’apprenait les chants en canon, à deux ou trois voix. J’écoutais toutes les chanteuses réalistes, Rina Ketty et beaucoup d’autres. J’ai chanté dans le film de Jean-Claude Guiguet « Faubourg Saint-Martin » où j’interprète une chanson d’Aragon et Ferrat «J’entends, j’entends». J’ai aussi chanté à la télévision dans une émission de Jean-Christophe Averty « Il fait toujours beau quelque part » de Guy Béart et il n’y a pas longtemps, Alex Beaupain m’a fait chanter deux titres dans le livre-disque d’Isabelle Monnin « Les gens dans l’enveloppe ».

Votre interprétation  est émouvante, loin de celle d’une simple actrice qui chante. Comment avez-vous abordé votre rôle de chanteuse ?

Françoise Fabian : C’est Alex Beaupain qui m’a dit un jour « mais pourquoi ne ferait-on pas un album ?». Il m’a écrit des chansons, j’ai sauté sur l’occasion parce que c’était un projet formidable. Il y a eu un coup de foudre d’amitié entre lui et moi. Il avait vu mes films, entendu ma voix. Je trouve qu’il a beaucoup de talent et j’ai confiance en lui. Il a épanoui quelque chose en moi.

Au cinéma, au théâtre, à la télévision, vous avez souvent joué les femmes sophistiquées ou mystérieuses, les drames, les comédies. En tant qu’actrice, quel registre préférez-vous ?

Françoise Fabian : Vous savez, j’ai fait beaucoup plus de théâtre que de cinéma. Je voulais être sur scène et dire des grands textes. On m’a proposé trois fois d’entrer à la Comédie-Française. Je n’ai pas accepté parce que je voulais garder ma liberté. Je voulais jouer partout, être libre, surtout qu’à cette époque les choses étaient beaucoup plus rigides qu’aujourd’hui.

Etre actrice, ça été très tôt un rêve ?

Françoise Fabian : Petite, je ne pensais pas être actrice. J’étais très réservée, timide. Au départ, je voulais faire une licence de lettres. Je jouais du piano et c’est à cause d’un flirt avec un élève comédien, qui m’a amené chez son professeur, Mme Granier. Molière, Racine, Corneille… je connaissais tous ces auteurs par mon père qui était prof de lettres. J’aimais les arts, la peinture, la musique, le théâtre. Je n’allais pas au cinéma, mais je lisais beaucoup de théâtre. Je ne pensais pas être comédienne. C’est cette professeure qui m’a poussé. C’est le fruit d’une rencontre. Elle m’a dit « vous êtes très douée, on va vous présenter au Conservatoire de Paris ». Mon père a accepté et il m’a envoyé un peu d’argent pour que je puisse me débrouiller. J’habitais rue Saint-André-des-Arts dans une chambre de bonne sans chauffage. Je me souviens que j’allais chercher des cageots au marché Buci pour faire du feu dans la  cheminée et me chauffer. C’était l’aventure ! (rires). Mais j’étais heureuse, je découvrais Paris, les bistrots, les cigarettes…

Vous avez tourné avec les plus grands acteurs, réalisateurs et metteurs en scène, Belmondo, Marielle, Trintignant, Louis Malle, Luis Bunuel, Rohmer…C’est une chance incroyable d’avoir pu croiser la route de tous ces artistes.

Françoise Fabian : J’ai eu une chance folle. J’ai fait des rencontres magnifiques, essentielles, de gens que j’ai beaucoup aimé et qui m’ont aimée. Un jour, alors que j’étais jeune comédienne j’y suis allé au culot, j’ai appelé France-Soir. Je voulais voir Pierre Lazareff qui dirigeait le journal. Il m’a reçu dans son bureau et je lui ai dit « je viens vous voir pour que vous parliez de moi ». C’est une rencontre qui a été très importante. J’ai été amie avec lui jusqu’à sa mort. J’ai rencontré des gens merveilleux comme Samson François, qui a été un de mes meilleurs amis, que j’ai connu aux jeunesses musicales quand j’avais quinze ans. Je pense que tous ces gens étaient attendris par moi, parce qu’ils savaient bien que j’étais pauvre, que mon père était de gauche et que ce n’était pas facile tous les jours.

Que croyez-vous qu’un réalisateur comme Rohmer a vu en vous, lui qui vous a fait tourner dans « Ma nuit chez Maud », qu’il a écrit en pensant à vous ?

Françoise Fabian : C’est ce qu’il m’a confié en tout cas. Je ne saurais dire ce qu’il voyait en moi. Il me disait : « il y a quelque chose chez vous qui m’intéresse beaucoup, votre regard, votre sensibilité, votre liberté ». Il avait découvert chez moi une certaine indépendance, une liberté d’esprit. J’ai eu cette chance. Je me rappelle encore de ses mots « je tourne ça dans un an, prenez vos dispositions pour accepter » (rires). françoise fabian portrait noir et blanc

Vous serez durant trois soirs au théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet à Paris où vous allez dévoiler vos chansons. Avez-vous le trac ?

Françoise Fabian : On a toujours le trac. J’ai commencé à faire du théâtre à dix-neuf ans, j’avais peur au début de chaque pièce. Il ne faut pas décevoir le public, se maintenir. On se compromet. Il faut être bien pour soi, être exigeant, qu’on aille jusqu’au bout et qu’on soit bien. C’est un engagement, ce n’est pas innocent. J’ai rempli ma vie avec des choses qui me plaisait, un élan, une dynamique. J’ai toujours eu envie de sortir de moi-même, de me retrouver en inventant. Dans ce métier, on est en permanence en mouvement, en création, que ce soit au théâtre, au cinéma, dans la chanson.

Vous chantez « j’ai souvent caressé l’idée qu’un jour je partirai ». Que vous évoque le temps qui passe ?

Françoise Fabian : Elle n’est pas triste cette chanson. J’ai apprivoisé l’idée qu’un jour je partirai et c’est normal. Je partirai avec lucidité, mais sans tristesse. D’ailleurs cette chanson, je vais l’interpréter sur scène, tout en souriant. C’est une philosophie. On n’est pas éternel. Je n’ai pas fait une œuvre comme Balzac ou Mozart. J’essaierai de vivre le mieux possible et un jour je partirai, comme tout le monde.

Entretien réalisé par Victor Hache

Album « Françoise Fabian« , Wagram Music. Concerts le 19/11, 26/11 et 3/12 au Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet, square de l’Opéra Louis-Jouvet – 7 rue Boudreau 75009 Paris. Puis tournée du 15 janvier au 8 mars 2019.

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