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"Notre-Dame brûle", de Jean-Jacques Annaud, en salles mercredi 16 mars. © AFP / Collection Christophel

Interview. Dans « Notre-Dame Brule », Jean-Jacques Annaud, le réalisateur de « La Guerre du feu » nous plonge dans un film épique et poignant, parfois à la façon d’un thriller haletant qui célèbre l’héroïsme ordinaire des pompiers de Paris. Une histoire digne d’un scénario hollywoodien mais bien réelle. Entretien.


« Notre-Dame brûle » : Jean-Jacques Annaud au coeur du combat des pompiers


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« Notre-Dame brûle », un film de Jean-Jacques Annaud (notre photo) © Radio France – Delphine Martin

Avec « Notre-Dame brûle », vous avez fait un film de genre à partir de la réalité. Il y a du suspens. Nous sommes parfois même proche du thriller…

Jean-Jacques Annaud : C’est vrai! Je ne veux pas être mis dans une boite. J’aime les projets inattendus. C’était la même chose avec « Le Nom de la Rose » . Les producteurs français me disaient : ou tu fais un film avec des moines, ou tu fais un thriller, mais pas les deux. C’est pour cette raison que j’ai travaillé avec des producteurs étrangers. On me disait aussi que « L’Ours » n’était pas faisable. J’ai toujours monté des projets qui, pour beaucoup semblaient irréalisables. Je ne sais pas dire quel est le genre de ce film. Je fais comme ça me vient.

Avez-vous utilisé des images d’archives pour faire ce film ?

J’ai eu à disposition tout le matériel des pompiers. Mais, dans la panique, ils n’avaient envoyé qu’une équipe de photographe-vidéaste qui a surtout fait des photos. Je n’ai pu en animer quelques-unes.

Quel type de vidéo réelles avez-vous utilisées?

Des vidéos réalisées par des cameramen de télévision, mais ils sont arrivés un peu tard. Les toutes premières images ont été faites par des vidéastes amateurs ou par des touristes avec des iPhone. On a reçu 25 000 vidéos, dont certaines images exceptionnelles qui n’ont jamais été montrées. Plutôt que de faire du numérique, j’ai utilisé ces images qui sont un matériau cinématographique. Et, j’ai pu ainsi montrer la réalité des évènements et l’autre réalité qui n’a pas été filmée. Tout ce qui vous semble invraisemblable est vrai.

Vous n’êtes pas croyant. Est-ce que cela a été un obstacle pour réaliser ce film ?

Absolument pas! Quand j’étais petit, j’ai longtemps eu une vierge lumineuse dans ma poche. Je priais pour avoir des bonnes notes. C’est grâce à Notre-Dame que j’ai commencé à aimer le moyen-âge. J’étais un enfant de la banlieue. Le jeudi après-midi, avec ma mère, on venait à Paris, de Juvisy-sur-Orge. On passait régulièrement devant la cathédrale. Et parfois, maman mettait un cierge alors qu’elle n’était pas croyante. Ça m’émouvait. Et le patrimoine me touchait également. Quand j’étais en licence de lettres, j’ai fait un mémoire sur l’histoire de l’art du moyen-âge.



Enfant, vous photographiez déjà les églises? 

Oui, En vacances, avec mes parents on faisait le tour des calvaires en Bretagne, des basiliques romanes en Provence ou en Auvergne. J’ai des boites entières remplies de photos d’abbayes et de cathédrales. Ce n’est pas un hasard si j’ai fait « Le Nom de la Rose » ou « Sept Ans ou Tibet« . Je ne peux pas m’empêcher d’avoir une vibration différente quand je vais dans un lieu de culte. J’adore pénétrer dans la grande mosquée de Djenné au Mali, le plus grand édifice du monde en terre crue. Je suis respectueux de la foi des autres.

Avez-vous rencontré les pompiers qui sont intervenus ce jour-là?

Je les ai tous rencontrés. Un m’a plus particulièrement touché. Il m’a dit : « Sauver ou périr » est notre devise. J’ai rétorqué : « Sauver des vies, oui mais pas des pierres ». Il m’a répondu « Oui mais ma vie à moi, c’est quoi par rapport aux pierres de Notre-Dame ? «  Comment ne pas être touché?  Ce n’est pas compliqué après une telle déclaration de faire la mise en scène.

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« Notre-Dame brûle » : le combat des pompiers Mickaël Lefevre I BSPP

Il y a un peu d’effets numériques mais beaucoup d’effets spéciaux physiques. Pourquoi ce choix ?

Tous les décors refaits à l’identique brulent vraiment, comme par exemple la nef sur laquelle s’effondre la toiture. J’ai refait, en studio, trois étages d’escaliers en colimaçon. C’était nécessaire. Vous ne pouvez pas obtenir des résultats de vos acteurs s’ils se battent sur un fond vert en faisant semblant de lutter contre des flammes.

Vous évoquez des hypothèses à propos des raisons qui sont à l’origine de cet incendie. Mais vous ne prenez pas partie. Pourquoi ?

Ce film n’est pas une enquête. C’est le récit d’une star internationale attaquée par un démon charismatique. Et les secours n’arrivent pas !

Après avoir vu on votre film, on ne peut s’empêcher de penser que d’autres monuments pourraient connaitre le même drame. Rien ne semble avoir été anticipé à Notre Dame. Pensez-vous que ce film pourrait faire réagir des conservateurs ou autres responsables de monuments historiques.

Ce n’est pas l’objectif, car j’ai une approche innocente. Mais prenons le cas des clefs. Dans la plupart des cathédrales, il y a une gestion anarchique des clefs. Une seule personne possède par exemple une unique clef pour se rendre dans certains endroits. C’est une réalité. Autre réalité : la circulation dans Paris. Il a été très difficile pour les pompiers de se rendre sur les lieux. On s’est chamaillés depuis des années entre la mairie, la préfecture de Police, pour un arbre, une rue sans préparer l’essentiel. On ne peut pas circuler dans Paris. Tous les jours, les automobilistes sont encore dans les embouteillages devant Notre Dame.



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« Notre-Dame brûle » : affiche du film dessinée par Plantu (photo) Pathé

Deux femmes pompiers font partie des héroïnes du film. Cela correspond-il à la réalité ?

C’est incroyable mais c’est vrai. Deux jeunes femmes, belles et compétentes, faisaient partie du premier groupe. Il y a 1% de femmes dans la brigade. Sur l’ensemble des interventions, 2% concernent des feux. La probabilité que des femmes interviennent sur un feu était infinitésimale. Ce jour-là une jeune femme et un jeune garçon faisait aussi leur baptême du feu. Je n’aurai jamais osé écrire ça.

Pourquoi avoir choisi le dessinateur Plantu pour l’affiche ?

C’est Jérôme Seydoux, co-président de Pathé, qui a eu l’idée. Il était difficile de décrire le film. J’ai eu le même problème avec « L’ours » et « La guerre du feu » On pensait que c’était des documentaires. Plantu est venu sur le plateau. Il a fait des dizaines de croquis. Nous voulions tous les deux que le camion de pompier soit tout-petit par rapport à l’édifice.  J’ai aussi souhaité que l’affiche déroute. C’est réussi! Je la trouve très dynamique.

Comment avez-vous vécu cette journée du 15 avril 2019 ?

C’était très douloureux ! J’y voyais le symbole de l’écrasement de l’occident qui n’arrive plus à soutenir son passé, qui ne se souvient plus de son passé. En revanche, la façon dont les parisiens, les français, les étrangers se sont émus de cet évènement, me semble très réconfortant.

Entretien réalisé par Christian Panvert

  • A voir : « Notre-Dame Brûle » Avec : Samuel Labarthe, Jean-Paul Bordes, Mikael Chirinian, Jérémie Laheurte, Chloé Jouannet et Pierre Lottin Sortie le 6 mars 2022  Durée : 1h50min

Synopsis : « Notre-Dame brûle » de Jean-Jacques Annaud, reconstitue heure par heure l’invraisemblable réalité des évènements du 15 avril 2019 lorsque la cathédrale subissait le plus important sinistre de son histoire. Et comment des femmes et des hommes vont mettre leurs vies en péril dans un sauvetage rocambolesque et héroïque.


 

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