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"Belfast" : Le jeune Jude Hill fait ses débuts au cinéma dans le rôle de Buddy, 9 ans, personnage qui incarne Kenneth Branagh enfant (©Rob Youngson/Focus Features/UPI).

Sortie cinéma. Avec sept nominations (dont meilleur film et meilleur réalisateur), c’est l’un des favoris des prochains Oscars qui seront décernés le 28 mars: dans « Belfast » (sur les écrans français ce mercredi 2 mars), Kenneth Branagh raconte avec tendresse et humour son enfance irlandaise.


« Belfast » : quand Kenneth Branagh raconte son enfance irlandaise


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« Belfast » : un film de Kenneth Branagh (photo) Focus

« Belfast est le film le plus personnel qu’il m’ait été donné de faire, sur une ville et des gens que j’aime », dit le réalisateur britannique, et ce ne sera pas un scoop pour les spectateurs à la sortie de la salle. « Il m’a fallu 50 ans pour trouver comment en parler, pour adopter le ton juste ».

Acteur magistral et réalisateur éclectique

Acteur magistral, de Shakespeare à Harry Potter, et réalisateur éclectique, de Shakespeare (« Henry V », HAMLET) à Agatha Christie (son dernier film, « Mort sur le Nil » , sorti récemment, n’a pas soulevé l’enthousiasme) en passant par les contes de Perrault (« Cendrillon ») et les superhéros de Marvel (THOR), Kenneth Branagh, à 61 ans, parle enfin de lui.

Il est né à Belfast, capitale de l’Irlande du Nord (donc membre du Royaume-Uni), et y a passé les 9 premières années de sa vie jusqu’en 1969, date à laquelle sa famille a émigré en Angleterre pour échapper aux affrontements entre catholiques et protestants qui commençaient à devenir violents.

Famille protestante

C’est ce que raconte « Belfast »: le petit Kenneth Branagh s’appelle ici Buddy, 9 ans, interprété par Jude Hill, un blondinet qui fait ses débuts au cinéma. Buddy a une enfance heureuse, dans les quartiers nord de Belfast où vit la classe ouvrière et où il a ses copains avec qui il joue dans la rue. Il adore le foot et c’est un bon élève à l’école mais il aimerait bien que la meilleure élève de la classe, la jolie Catherine, s’intéresse à lui.

Il est heureux et choyé dans sa famille protestante, auprès de son grand frère. Son père (Jamie Dornan, connu pour son rôle de Christian Grey dans le film CINQUANTE NUANCES DE GREY en 2015 et ses deux suites) est menuisier à Londres et ne revient qu’une semaine sur deux; sa mère (Caitriona Balfe) est jolie et a la tête sur les épaules pour gérer les dettes du couple. Le couple est uni et dévoué, et s’occupe avec amour de ses deux fils.

Grands-parents adorés

Buddy adore aussi ses grands-parents (interprétés par la grande Judi Dench, fameuse M dans sept films de James Bond; et par le formidable Ciarán Hinds). Eux aussi forment un couple aimant et, complices et tendres, entretiennent avec Buddy l’amour de ce quartier de Belfast et des racines familiales.



Mais un jour d’août 1969, la violence débarque dans la rue et met fin à la tranquillité de l’existence. Des unionistes protestants s’en prennent à des familles catholiques pour les forcer à fuir ce quartier protestant. Manifestations, affrontements, jets de cocktails Molotov et de pavés, carreaux brisés, pillage de magasins, explosion de voitures piégées, barricades, racket: pour les parents de Buddy, la question va se poser –rester ou partir…

Écrit pendant le confinement

Le contexte politique et social de l’époque et les affrontements entre protestants et catholiques envahissent le film dès le début. Kenneth Branagh a débuté l’écriture du scénario durant le premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, en 2020 et, raconte-t-il, « alors que je revisitais cette histoire, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement de celle d’un petit groupe très familier dans une situation difficile, devant faire des choix de vie, mais aussi de celle d’un confinement, derrière les barricades dressées dans les rues en 1969, en proie aux contraintes qui s’intensifiaient autour d’eux et à la nécessité de faire un choix: rester ou partir. Ces circonstances trouvaient un nouvel écho dans la situation liée au Covid-19: le confinement et la peur pour sa propre sécurité et celle des siens ».

Nostalgie et mélancolie

Mais le film n’est pas militant, il est plus sentimental que politique, il privilégie l’humour au drame, l’optimisme prend le pas sur la noirceur. C’est touchant et sensible, parfois un peu mélo, souvent drôle et enveloppé pendant une heure et demie de nostalgie et de mélancolie.

Dans la lignée d’« Amarcord » de Federico Fellini, de « Hope and Glory » de John Boorman ou de « Roma » d’Alfonso Cuarón, Kenneth Branagh met l’accent sur les liens familiaux et sur les lieux qui ont marqué son enfance, en utilisant un noir et blanc très propre et très travaillé, avec des décors (intérieurs et extérieurs) épurés.

« Noir et blanc hollywoodien »

« J’ai grandi avec le noir et blanc et la couleur », explique-t-il. « Plus tard, j’ai appris qu’il existait un «noir et blanc hollywoodien», avec une patine plus soyeuse, plus veloutée qui rendait tout plus glamour. C’est ce que j’ai voulu utiliser parce que, dans le regard d’un enfant de 9 ans, ses parents sont des stars de cinéma et tout est plus grand, plus beau que nature ».

Seules quelques séquences sont filmées en couleurs: l’ouverture du film, qui montre une Belfast moderne, et les séances de cinéma et de théâtre (la pièce de Dickens « Un Chant de  Noël ») auxquelles assiste Buddy avec sa famille. C’est l’occasion pour Kenneth Branagh de rendre un hommage ému aux films de son enfance, avec plusieurs extraits: à la télévision familiale « L’Homme qui tua Liberty Valance » (avec John Wayne) et « Le Train Sifflera trois Fois » (avec Gary Cooper et Grace Kelly), au cinéma « Un Million d’année Avant J.-C ». (avec Raquel Welch en bikini préhistorique) et « Chitty Chitty Bang Bang » (où la caméra subjective dans la voiture volante qui tombe de la falaise fait chavirer de surprise toute la famille).



Acteurs d’origine irlandaise

Les acteurs sont tous formidables, et le réalisateur a pris soin de les choisir en raison de leurs origines irlandaises: « Caitriona Balfe, qui interprète la mère, est née à Dublin mais elle a grandi à la frontière de l’Irlande du Nord et elle comprend le jargon aussi bien que l’importance de la famille au sens large. Jamie Dornan, le père, est un petit gars de Belfast, il est né tout près. Ciarán Hinds, le grand-père, a grandi à moins de 2 kilomètres d’où j’ai grandi. Judi Dench a du sang irlandais dans les veines, sa mère venait de Dublin ».



Dans cette déclaration d’amour à Belfast et à sa famille, Kenneth Branagh a voulu rendre hommage à ses origines, sur un ton délicat et accessible au grand public. « J’espère que l’histoire de Buddy parlera aux spectateurs, et que j’aurai réussi à communiquer l’énergie et l’âme de Belfast dans ce film, ainsi que le sens de l’humour salutaire qui y règne. J’espère qu’ils partageront la joie, et parfois les peines, de cette ville et de ce que traverse cette famille, qu’ils compatiront et s’identifieront, qu’en regardant la vie de ces gens, ils se sentiront moins seuls. Si le public peut en retirer ça, je serai comblé », conclut-il.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« Les Irlandais sont destinés à partir. Ou le reste du monde n’aurait aucun pub… » (une habitante du quartier).


  • A voir : « Belfast »(Grande-Bretagne, 1h38). Réalisation: Kenneth Branagh. Avec Jude Hill, Caitriona Balfe, Jamie Dornan (Sortie 2 mars 2022)

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